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IIUNIV ER SITY OF FLORIDA LIB RARIE S THIS VOLUME HAS SEEN MICROFILMED3 SY THE UNIVERSITY OF FLORIBA LIBRARIES : Ce livre est d~diC : AUX MEMBRES MORTS ET VIVANTS DE L'UNION PATRIOTIQUE, DE LA SOCli~Ti: POUR L'INDAPENDANCE D'HAITI ET DE SANTO-DOMINGO, DE L'ASSOCIATION POUR L'AVANCEMENT DES GENS DE COULEUR. GEORGES SYLVAIN DIX ANNEES DE LUTTE 1 TOME f EDITIONs HENRI DESCHAMPS PORT-AU-PRINCE HAITI 915 925 lATlIN AM~ePACA Georges SYLVAIN AVANT -PROPOS Il n'a pas fallu, moins de trois ans de travail pouer reunir et coordtonner les manu~scrits qui sont prdsentis aujourd'hui. Le plus souvent tracis d la main d'une ecritucre hritive, coups de retures, semi's de renvois, disperses parmi des dossiers, des pieces judicisires, des paperasses de tous ordres, retrouvi's chez des collaborateurs ou des amis, ces manuscrits ont constitute un veritable casse- te~te et on imagine mal la some d'efforts accumutlis qule reprisentent leur classe- ment et leu~r mise ci jour. Il y a lieu de rendre ici un public homnmag~e au devouement patient et ge'ne- reux du Dr. Etienne D. CHARLIER. Son aide dans le choix et le triage des documents souvent presque illisibles, dans la redaction de nombreu~ses notes explicatives et du repertoire qul'on lit aur ddbu~ de cetl outrage a seutle renduc possible cette pubhlication. Nlos remer~ciemlents s'adressent. aulssi ci Mr .Perceval TIhoby quni a bien vouluc mettre ci notre disposition les archives de l'Uinion Patriotiqule, aux FRERES DE L'INSTRUCTION CHRETIEN'NE dont la. bibliotheque a toujours did offerte ci nos recherches me~me aux- hearresF oil elle n'est pas habituellement ourverte au public. Fac-similE: d'une page du discours prononc6 par Georges Sylvainl a Jean-Rabel, le 19 Aofit 1923.' ,; i ': j/ k ~le~-YLT;Titf.r~ B/. n )L--f' J r CI'~IC~C~ C? rE bY~X ~~ Ihre pc r~~"PI 1_ I-. c PC~ i : 4" ,~.- C i i. ,rl 7 '7 If~C~'de ~ r LI~ IL-l ~I ~ --? c~p~t'~z1~rr cs i-(a~"~iL 9 ,4: ~i ~c~a ;.~~p dk- li- I f-~ ~2T~ir-7 )ir3 IC ~F;yi~~:~""; r' j" ~;t h I r i ~-e~- iL~:l ~--I 61! Ch ,~ n7 / /I! c-- rrCe /d' 6 -..--Y~- ~.c-P ~I r AL. ~ '11.- C~-~ I ~..6- r 3 I i r i J J~ -"" ct ,~-1~--- ~1~ 4;6 L 1L7~~)- ur sr7 Iq.~- .. C-CrP ~Jd~~. "7 zr ~X' ~3~u; c. :- f o'l g .i c-l I -~~LY J ~_ .~~J ~ R/c~3s r t 7 ti SLe ----- :''' rr~Jc i gU~k L3 I ~jC~~~L I- i ~. ..-.-.-.-.I~ T)-~/C- ~ CIU '~ INTRODUCTION V[I INTRODUCTION 2 aoikt 1925. En costume de grand apparat, ses traits enfin, detendus, 6n, irre'el sourire sur ses levres closes, sa tich~e accomplie, Georg~es Sylvain repose dants son cercueil. Durant deux fours et deuxz nuits, une foule venuse de tous les points du pays de~file devant ce corps etenduL. Et il semble que le miracle va s'accomplir, que tous les Hai'tiens, quelle que soit leur arpportenance politique, voat s'unir autour de ce mort. Toute la press, celle d'opposition comme celle dE'interventionz, n'a qui'u~ne voix : GEORGES SYLVAIN EST MORT... ...Dans les conjonctures actnelles la perte d'un tel homme est une catas- trophe national. Georges Sylvain ne fut pas seulement un des mnembres proe- minents de notre lite intellectulle, il occupa avec une rare competence, les postes qui lui 6taient confibs : il fut en effet successivement Professeur a l'ecole de Droit, Chef de division au D~partement de l'Instruction Publique, Juge au Tribunal de Cassation ; ses succhs en France oil il representa son pays comme Ministre pl6nipotentiaire sont encore assez recents pour que nous n'y inisistions pas, disons sculement qlu'il ouvrit la voie qui permet d~sormais a ses succes- seurs de faire connaitre Hai'ti a I'Ctranger ; dernie~rement ses confreres le choi- sirent pour reprbsenter l'Ordre des avocats. Partout et toujours, Georges Sylvain etait un mode~le. Mais c'est a partir de 1915, a partir de l'envahissement de notre pays par les forces ambricaines q~u'il donna la measure de ses vertus, de ses qualit~s et de son amour pour la patrie. Profond~ment a~ffectc: des malheurs de notre pays, le Grand Disparu, dias le d~but de l'Occupation ambricaine, se range du seul cat6 ou devaient se trouver les citoyens honnates et patriots, dur seul c~t6 of2 devaient se trouver les hai'tiens; il se dressa contre l'ennemi et depuis, il n'a jamais cess6 de lutter pour la liberation du territoire et le recou- vrement de nos libert~s perdues. Dis 1915, il fonda le journal < q~ui lui donna des ennuis avec l'envahisseur. II les accept courageusement et ne ckda jamais. Le journal << La Patrie > ne vecut pas longotemps. Mais Sylvain reprit la lutte. Avec quelques braves et courageux patriots de sa trempe, parmi lesquels notre directeur Ls. Ed. POUGET, il collabora au journal < il d~cida de reprendre une lutte de plus grande envergure. << L'UNION PATRIO- TIQUE > fut fond6e et Sylvain en 6tait I'administrateur-d616guC. Cette associa- tion, qui est devenue actuellement une incontestable force organise, doit beau- coup i l'indomptable &nergie et au d~vouement de Me. Georges SYLVAINr. Quel vide il laisse parmi nous et quel malheur public Mais il ne sera pas mort tout entier ; son GEORGES SYLVAIN VIII VAIN restera unl symbol et lorsque, quelque jour, la paix morale nous sera revenue, lorsq~ue sera retablie l'union compltate, la grande union qu'il a toujours pr~chb~e pour son pays, lorsque Hai'ti sera redevenue vraiment libre et indC- pendante comme i l 'a toujours voulu, le cri spontanC de la reconnaissance populaire se fera entendre pour rendre, sons toutes ses formes, hommage i la m~moire de Georges SYLVAIN. mort au champ d'honneur... (de La Poste lundi 3: aoilt 1925) M. GEORGES SYLVAIN N'EST PLUS. En pleine bataille politique, le DClegue de I'Union Patriotique a succomb6 a 1'effort quotidien, a la fatigue de faction. On sait que M. Sylvain a rencontre 1'ESSOR sur sa route, car pour nous, dans la lutte de tout instant que livrait le leader nationalistet il n'y avait pas que l'Occupation ambricaine i jeter a la mer, mais le gouvernement indige~ne dont nous avons jurC de d~fendre le pres- tige. Mais voici que la mort nous enlibve les possibilities de nous r~concilier avec lui dans une claire notion des int~rats imm~diats du pays. Notre loyalisme, la gentilhommerie dont nous voulons que tous nos gestes soient empreints nous commandent de d~poser nos armes sur la tombe de ce prestigieux adversaire - et de dire au-dessus de la mt16e toute l'admiration que nous avons pour I'infatigable travailleur I'homme de volonti: de t~nacit6 et de courage - le lettrB dd1icat dont les pages evocatrices de nos paysages nous empoignaient - les discours troublants de la volontC d'une plus grande Ha'iti, nous soulevaient, et les tentatives de styler pour son pays une litt~rature propre nous associaient. L'ESSOR prend part a. ce deuil qui afflige Maitre-- ta famille et tes amis. << Toi qui es en ce moment dans la v~rit6 tu sais mieux que personnel qu'il n'y avait entire nous que la politique et que plus que certain de tes partisans - nous sommes tes proches Ipar l'esprit par le coeur en la patrie >... (de L'Essor, lundi 3 aoilt 1925) ...La foudre est tomb~e parmi nous, et dans son aveuglement cruel elle I abattu celui qui, par I'Cminence de son talent, l'immensitC de sa foi patriotique, 6tait notre principal pilier : Me. Georges SYLVAIN est mort. Devant I'6tendue de cette perte, les paroles sont impuissantes i traduire l'angoisse, le chagrin, la douleur qui nous 6treint l'8me, I'ime de toute la Nation dont il 6tait le phre nourricier en ces heures tragiques ; car l'activiti de Sylvain Ctait quelque chose de vraiment prodigieux, et tout son esprit, toute son 6nergie, sa vie enfin 6tait consacr~e a la cause national dont il incarnait la defense par ses plaidoyers, ses discours, ses conferences, ses m~moires, ses articles de jour- naux, Borits innombrables of2 la multiplicity des renseignements, la connaissance approfondie des faits et la beaut6 d'une forme abondante, harmonieuse et im- i _I ~ 'i Fundrailles de Georges Sylvain. La foule au passage du corthge. INTRODUCTION p~eccable convainquent, persuadent et enchantent. Et il allait, de son petit corps fatigue sous le poids d'un cerveau puissant, toujours en travail, par tous les points du pays, d~nongant le mal, remontant les coeurs, secouant le patriotism endormi des tides, r~confortant les espoirs, exprimant nos tendresses et nos douleurs sous faction brutale et humiliante des envahisseurs et des traitres, traduisant aussi l'amour sacrC de la Patrie qui doit forcer le Destin et amener la d61ivrance. Mais voici que, nouveau Moi'se en face de la terre promise, ses yeux se sont fermes avant I'aurore, au milieu de la lutte, en plein champ de bataille, sans qu'il ait vu poindre ce jour que son Ame contemplait dejai et qu'il nous montrait tout proche... Avec quelle chaleur touchante il nous redisait cette: foi et ces espoirs !... Son accent s'attendrissait, sa parole 6tait 6mue, des larmes nous montaient du ccour aux levres, et puis le dernier mot, le mot d'ordre : il faut tenir. Tenir alors que nous ne le verrons plus ? Maitre, pardonnez- nous ces larmes, que votre sourire calme et r~signb semble nous reprocher. Lais- sez-les couler ; car cette separation est pour nous un d~chirement trop brutal; mais nous savons que vous n'8tes pas mort. Votre esprit reste parmi nous, vos meuvres parent, vos principles demeurent, et vos lemons sont immortelles. Non, yous n'2tes pas mort, v~n~rable ap~tre Ame stoi'que et sereine, vos compagnons continueront votre oeuvre et s'inspireront toujours de vos grandes vertus civi- ques. Vos jeunes fribres seront vos disciples. Allez en paix et recevez l'apoth60se faite a vos d~pouilles mortelles comme un gage de notre fidbitC i ce flambeau imp~rissable que vous avez regu de la phalange de nos Preux Immortels qui doivent vous faire un joyeux accueil la-haut... (de L'Opinion. National, 3 aofit 1925) REQUETE AU COMMERCE, A L'OCCASION DES FUNERAILLES DE Me GEORGES SYLVAIN. Sur la demand d'un group de commergants, il est fait priere au Commerce en g6ndral de former ses magasins afin de permettre aux employs que leurs occupations auraient pu retenir d'8tre avec tous pour conduire a sa dernibre demeure le Grand Disparu, Me Georges Sylvain, que la nation n'aura jamais assez pleure. En dernibre heure nous apprenons que le Commerce est unanime pour former demain matin. C'est par souscription national que les frais de funbrailles seront pay~s... (du Nouvelliste, 3 aofit 1925) LES FUNERAILLES DE Me. GEORGES SYLVAIN Les plus imposantes qu'Hai'ti ait jamais vues.- La masse paysanne au MarchB se mit g genoux quand passa le cercueil du grand Patriote. --Hier matin, Port-au-Prince, assist des d616gations de presque toutes les villes, de presque tous les hourgs de la R~publique, a enseveli l'une des plus pures gloires nationals dans la personnel de Me Georges Sylvain. X GEORGES SYLVAIN -Les fundrailles grandioses faites a ce grand patriote ont marque 13 journi~e du 4 aoilt 19)25 comme une date inoubliable dans l'histoire de l'occupation du territoire hal'tien par les Etats-Unis, car la nation a paru ressusciter avec tout ce qu'elle a d'h~roisme pour crier a ceux qui doutent de sa vitality : a Nous sommes dignes de l'Independance et de la LibertC qu'on nous a ravies Voili pourquoi nous apoth60sons celui qui est mort en luttant pour nous les recon- qukrir > Oui c'est ainsi qu'il fant interpreter les reconfortantes manifestations d'hier matin. Que Georges Sylvain, de son vivant, par les r81es eclatants qu'il a remplis, par la puissance de son verbe et I'etendue de la just renommbe que lui valut son grand savoir ait souleve l'enthousiasme des uns et I'envie des autres, il n'y a la qu'un fait absolument normal.-- Mais qu'un homme qui a toujours v~cu loin des foules tumultueuses, retire presque de la vie mondaine, parce que savant sans apparat, on ne peut trouver I'explication de ce q~ui suit, que dans le d~sir du people de trouver le consolateur, le gouverne- ment hienfaisant qu'il cherche depuis dix ans. Pensez done D~s 6 heures du matin, au glas de la Cath~drale, tous ces milliers dl'imes q~ui tressaillent depuis le jour de la mort de l'illustre compatriote, pleins de respect et de patriotism se sont incinbs, comme si le cercueil de Georgres Sylvain renfermait quelques lambeaux de notre drapeau, du symbol de la patrie. Dans tous les q~uartiers de la ville, c'est un serrement de ca ur g~neral. Le people est plongC dans la consternation.-- La vie publique et la vie priv~e sont comme suspendues dans la capital : les ateliers, les magrasins ch~ment ; ce n'est pas le deuil de quelques families : c'est la nation qui est en deuil. De la maison mortunire a la Cathidrale -Anpris la levide du corps, dans le plus profound silence interrompu par intervalles, par les sanglots etouff~s d'une multitude, plus de deux mille (2000) personnel convoyerent le cercueil du grand disparu. A part les groups qui se ferment sur les trottoirs, sur les galleries, dans les balcons, dans les course habitues par les plus pauvres d'entre les pauvres, de la maison mortuaire jus- qu'a la Cath~drale c'est chapeau bas que le people a d~file en passant par le Chemin des Dalles, Lalue, la Rue Dante~s Destouches et la Rue Dr. Aubry pour arriver a la Cath~drale oili d~ja s'amassaient pre~s d'.un miller de per- sonnes. La masse paysanne qui remplit le march en Haut se mit a genoux spontaniment. Quelle fagon idifiante de payer un tribute de reconnaissance au lutteur tomb& en pleine hataille pour la dk1ivrance de ses compatriotes !- Dans le meilleur ordre, la foule p~ni~tre a l'6glise. Au course du service fune~bre, elle grossit, elle grossit progressivement. Le difile vers le Cimetibre -II est 10 heures, d'autres milliers de visages anonyrmes s ajoutent aux( premiers. Ce sont des ouvriers qui abandonnent la besogne. N'importe ils sacrifient le salaire au devoir pieux qui s'impose. Et pour q~ue Sylvain revint i la vie, ils eussent vendu leurs blouses, tout comme la femme du people _____ _~___ - -L~P r. aczi L' j C 11..~,14 ~C9~n6 1, Funirailles de Georges Sylvainl. convoi a la Grand'Rue. 1 F\ INTRODUCTION n'h~siterait pas a se db~pouiller de son unique boucle d'oreille pour racheter I'existence de l'Ap~tre de la Libertg ! -La musique des Cayes dont le devouement a la cause nationalist est au-dessus de tout Cloge arrive just a temps pour rendre les derniers honneurs au cher Maitre disparu.-- Lentement march le char fune~bre pri6cd6 d'un beau corbillard richement decore aux couleurs nationals ajoutant aux tris- tesses de la solenniti, par les drapeaux haltiens cravats de crape.-- La jen- nesse scolaire, les artisans, la haute bourgeoisie, mettant ainsi c~te a cite le luxe le plus Cblouissant et les haillons les plus sordides sans exception de conditions de rang dans la soci~tS, ont rendu le plus Cclatant hommage a cette victim du devoir patriotiqiue.-- Des couronnes sont offertes par les Corps constitubs, les associations ouvrieres, et ces derniares choisissent les plus humbles de leurs membres pour les porter. C'est ainsi que le << Wharf aux herbes >>, le << Bel-air >, le > Portail L60gane > furent respectivement re- pr~sentees par des modestes travailleurs qui prc~de~rent le convoi. Malgr@ tout, pas le moindre incident sur la route. De la Cath~drale jusqu'aux portes de l'Eternit6, I'ordre le plus parfait a 6tC observe. Le respect dit aux vertus de l'illustre Disparu, au sacrifice qu'il a fait de sa vie pour la liberation de son pays, le commandait bien. Presque toutes les maisons de la Rue des Fronts Forts, de la Rue Bonne Foi et de la Grand'Rue portaient un drapean noir, en signe de deuil. Quand le convoi atteignit le cimetie~re, d~ji l'y attendaient pour t~moigner leurs regrets, des milliers d'hommes, de femmes et d'eniants qui ont laiss6 eclater leur douleur a la vue du cercuei~l de notre tre~s cher et regrettS D~fenseur.... Le defile comptait 101 couronnes et bouquets dont treate-huit offers par dles associations, des institutions ou des groups nationaux. En voici quelques details tirds du < Courrier Ha'itien ,> du 7 aoilt 1925 : Liste des couronnes et bouquets offers Q P'occasion des fundrailles de Me. Sylvain 1 Union Patriotique i son Administrateur-DC16guB. 2 Courrier Hai'tien a son eminent collaborateur. 3 L'Ordre des Avocats de Port-au-Prince. 4~ La Ligue hai'tienne des Droits de l'homme et du citoyen. Regrets. 5 L'Amicale du S~minaire a Me. Georges Sylvain. , 6 Le S~nat a son Prbsident. 7 La Ligue d'Action social Hommage de profonds regrets. 8 Le ComitC d'Action latine. Regrets. 9 a La Renaissance ,>, an Fondateur de la SocietS des amis du Thbitre.-- Regrets. 10 Corporation des Cordonniers ha'itiens. Sinciares regrets. 11 Wharf aux herbes, a notre D~fenseur. 12 Quartier du Morne a Tuf, i notre D~fenseur. Regrets. 13 Quartier du Bel-Air, A Georges Sylvain, mort au service de la Patrie. 14, Portail de L60gftne. Au D6fenseur du people. XII GEORGES SYLVAIN 15 Quartier de La Saline. Souvenir de notre Liberateur. 16 La Jeunesse Litteraire. Hommagoe de gratitude. Regrets. 17i Mr et Mme Pierre Hudicourt. 18 Famille L61io Malebranche. 19 Docteur Fepping. 20 Monsieur Charles Lee Fong. 21. Regrets de la Corporation des Fondes de Pouvoirs. Cayes.-- 22 Comite: Union Patriotique des Cay;es. A l'Administrateur-Citoyen. 23 Comith electoral des Cayes. Amers regrets au grand citoyen. 24 Le R~veil des Cayes. Vifs regrets. Jacmel.-- 25 La ville de Jacmel. A Georges Sylvain tombi au Champ d'honneur. 26 Les Nationalistes de Jacmel. --.Since~res regrets. 27i Hommage de la Ligue d'Action Sociale. 28 La Jeunesse jacmelienne. Miragoine.-- 29 La ville de Miragoline. Since~res regrets. Petit-G~o~ve.-- 30 La ville de Petit-Goilve. A Georges Sylvain, mort pour la Patrie. Grand-G~o~ve.-- 31 La ville de Grand-Goilve. A l'eminent hai'tien Georges Sylvain. Liogane.- - 32 Le Comite Nationaliste de Leogane. Regrets. Saint-Mare.-- 33 La ville de Saint-Marc. Au grand patriole hai'tien. Gronai'ves.-- 34~ La Cite de l'Independance. En timoignage die reconnaissance. 35 Catinat Honore. Regrets. Arcahaie.- 36 Le Bourg de l'Arcahaie, Berceau du drapeau. Regrets. Port-de-Paix.-- $7 La ville die Port-de-Paix au grand citoyenl et DePfenlseur de la Patrie. 38 La DC16gation du Nord-Ouest. Regrets. INTRODUCTION XIII Jkrimie.-- 39) L'Union Patriotiq~ue de Jer~mie. Baradidres.-- 40 La ville de Barade~res au defenseur du people. 41- Un group d'admirateurs de Barade~res a leur defenseur. Cap-Hai'tien.-- 42 L'Opinion Nationale au grand patriote. Profonds et amers regrets. 43 Hommage de la ville du Cap a l'Cminent compatriote Georges Sylvain. (du Nouvelliste, 5 aofit 19)25)~ Beaucoup de couronnes, bouquets en fleurs naturelles offerts par dles amis, parents et admirateurs portaient des noms qu'~il nous a it dliffi- cile de recueillir. ~7a AMERICA GIEORGES SYLVAIN Dix Annies de Lutte pour la Liberti 1915 1925 XIV GEORGES SYLVAIN GEORGES SYLVAIN Les exigences dune assez lonlgue campagnle electorale ont retarded les quel- q~ues lignes qu'une amitie fortified par unle communaute de sentiments m'a dict~es en souvenir de Geor~ges Sy-lvaint poete et ecrivainl hai'tien, juriste et diplom'ate, et, ces dernieres annees. inlfatigable animateur de l'admirable mou- vement de Iprotestation de tout unl people contre son droit violet par la plus inhumaine et la plus revoltante loi dlu plus fort. Vingt-cinq anneles de relations ininlterrompue s ml'avaienlt amene a. apprecier Georges Sylvain qui, mnuni des meilleurs dipl~lmes de l'Universite de Paris, avait une culture encyclopedique d'autant plus appreciable que l'homme Ctait simple et modest. 11 put, en cette R~publiqjue d'H-ai'ti, si riche en valeurs intellectuelles. occuper avec competenlce les functions les plus diverse : avocat. professeur de droit, juge au tribunal de cassation, ministry plenipotentiaire a Paris et aupre~s du Saint-Sie~ge, etc. Dans ces dernier~es fonctions oil il donna toute sa measure. il av~ait, grlce aux relations qu'il avait conlservdes avec ses anciens condisciples du college Stanislas, servi intelligemment et efficacement la cause de la R~pu- blique d'Hai'ti. Georges Sylvain avait pu nlotammrrent grouper le Tout-Paris litt~raire et artistique un jour a la Sorbonne oul, sous la residence de Jean Richepin et avec le concours des meilleurs artistes du Thditre National, il avait parli avec 610quence et aussi avec succe~s de la littirature frangaise enl Ha'iti. Car ii etait avanlt tout hlommle de lettr~es; 11 aviait collabore ii divers jour- nlaux et avait public Confidences et Melanlcolies, recueil de posies. Dans unl recueil de fables creoles : Cric: ? Crac it avait avec bonheur traduit en patois harmonieux et chantant les prinrcipales fables de La Fontaine. 11 suffit de lire quelques vers de Georges Sylvain et le public de l'UniversitC des Annales s'en dblectait il y a quelques mois pour, par le rythme parfait et la facture maitresse, apprecier le pobte. Que de beaux: verse dans Freres d'Afrique, par exremplet si Amouvant. ...Ce sont pourtanlt des times, Et le Dieu du Calvaire est mort aussi pour eux En 1904, it marqua le centenauire de l'Indepenldanlce de la Ripublique d'Hai'ti, avec quelques collab~orateurs, par une Anthologie ha'itienne en deux volumes, ouvrage couronne par l'Academie Frangaise. Prosateur, il avait les qualites du pamphle~taire incisif mais ele~gant. D~ans ses articles, la philosophie d'un finl lettret se nuangcait d'une certain ironie sou- riante, aussi example d'amertume que de mnichanlcetc. On le vit bien quand, en 1915, Hai'ti occupee par les Ambricains. Georges Sylvain cr~a la Patrie, pregnant position contre l'oppresseur. INTRODUCTION Hai'ti, le~ve-toi Le Monstre qui t'entraine Vers l'abime, la honte et le deuil, aura peur S'il voit se soulever la conscience humaine! Fais frissonner le monde a tes cris de douleur Et pendant dix ans. ce fut un apostolat au service dluquel Georges Sylvain mit une constant tenacite. une belle &nergie. et une grande cap~acitC de travail. Articles de journaux, conferences dans toutes les vijlles die la R~publiq~ue, mani- festations patriotiques et surtout la creation de cette Union Patriotique qui group dans de multiples et agissantes cellules tous les Hai'tiens de cceur et de raison absorbaient toute son activitC. Mais il avait c~ette foi q~ui souleve les montagnes. Quandt par une souscription. ce journal amena les Guadeloupiens a se solidariser avec les patriots hailtienst Georges Sylviain, sensible et fraternel. nous clit en termnes imus ses remerciements et sa gratitude. < fourni p~endanlt ces cingI ou six dlernie~res annees on effort continue comme adl- ministrateur-d1legue de l'Union Patriotique dont il etait l'i~me et le resortt.> Aussi b~ien. a-t-il cu, peut-on dire. des funerailless nationals, << nilifesta- tioni grandliose. imposante >> Tout un people voulut suivre le corbilkird. Des gendarmes en service, sur le parcours du corte~ge. s'alignerent et firennt le salute militaire au passage du corb]illard, cependant qlue. au marched. dans lim geste de dehvotieus-e reconnaissance, des femmes du peuple s'agenouillaient. Quarante-et- uine couronnes offerLes par les associations littkraires et patriotiques, les villes die la Replublique, les corporations- ouvrieress, des particuliers, pr~cddaient le cortegre, et, en une vingtaine de disc~ours. la carrierre ce Georges Sylv~ain fut rretacde et les regrets exuprimis. Des journaux americains o.nt renldu h~ommnage au < H~eraldl Tribune. I'Ev:ening Post. etc.. tous les gr~and~s journaux des Etals die 1'U~nioni americaine, avec de grandes manchelttes. ont salui < << Mort au service de la Patrie>> portait l'une des~ quaran te-et-u~ne couronnes di~posbes sur la tomb~e du grand p~atriote hai'tien. Quel h~el hommage I 1 est parti en p~leine baaille, sanls avoir eu la joie dl'apcrercevir L'aub~e de la I'e~surree- tion hai'tienne. M~ais le grain du honl Eemeur nie se p~erti jamais, surlout quandl la terre est prlop~ice ti la ge1rminlation. Aussi GeorgesF' Sylv;ain. eur, ses i\res glacies. en s'en allant. a-t-il en ce su~re~me ac~te die fo~i. ccotte ultimre priibre : <<...Hai'ti, d'un pansse: touj ours fiibre. Connaissant ton histoire. eni tonl destinl j'ai foi ! Malgrr6 ton abandonl. tes dloutes. to misibre. Je t'aime, et to verux libre Hai'ti. l\re-loi << Le N~ound~liste >>/( de Bsse:-Terre, (G'uadleloupe) No. 4.345 dut 26, septembre 192.5 GEORGES SYLVAIN XVI Suir la tomrbe dlu grand dlisparu, die nombreulx discours farenlt prononces, mlais la plu~ie, survenant vers une heure de l'apres-midi, empdcha plusieurs oratelr~s inscrits de prendlre la parole. V/oici en q/uels terms, Me. Perceval Thoby, Secretaire General de l'Union Patriotique, qui devait succP'der a Georges Sylv~ain comme Administrateur- /}ldlegu prksenta le leader : Mesdlames. Messieurs. L'Unioni Patriotique mna conifie la douloureuse mission de rendre les so- premes devoirs au vaillant lutteur qui vient de tomber en plein~ combat. Frappe dans la rude bataille que nlous livrons aux forces associees d'op~pression et de violence: Georges Sylvain n'a pu survive aux fatigues epuisantes de sa cam- pagne patriotique dans le N~ord, et aux large blessures que lui fit un jour unl nationalism effronte. hlurlant contre lui l'injure et la calomnie. Le grrandl blessed s'est couches pour mnourir. Et, acceptant, la conscience sereine, le cruel arrat du destin, il appelle et b~nit sa famille : puis de ses le~vres qlui se glagaient dbja, tomberent des paroles tristesl q~ui disent, dlans leur simplicity h~roique, toute la grandeur de son1 sacrifice : << 1 faut des victims a une cause. Je suis une victim voulue et consentie >. Depuis dix ans, depuis le jour de l'invasion, Georges Sylvain n'a vecu que d'un seul re~ve : la liberation de son territoire. 11 l'a voulue avec l'inflexible volonte de reussir ; il sacrifia son r~ep-os, sa modest fortune ; des amities et mi-me des affections : if ne lui restait plus q~ue sa vie a donner, il l'a donnee. Chretien stoi'que, il eut l'lime et I'he- roi'sme de l'aptitr~e ; il allait droit devant lui. v;ers le b~ut z atteinldre. 11 ne savait pas reculer. C'e~tait une energie patient et agi~ssnte. Q2uanid: atim s la grande guerre et sur. les conseils venus des Etatss-Unis, ii se fut agi die crteer en Hlai'ti unl organisme capable de discipliner f'actionl nationlale, ce fut Georges Sylvainl qui prit l'initiative du movement, et I'Union Patriotique fut fondue. Sonl intelligence avertie, son bloquence impeccable et persuasive, sa capacity prodigieuse de tra- vail et, par-dessus tout, I'inlassable devouemenlt it son pays le de~signe~renlt aux suffrages de ses colleagues pour diriger I'oeuvre naissante. II ful blu ai l'unanimnite Administrateur-Dbeigrui de l'Union P'atriotique. Comlment comprit-il sa ti~che, une triche lourde? de responsabilites, h~riss~e d'obstacles et pleine de perils ? Par le sacrifice, il fallait d~livrer la Patrie, et ce ful p~our. lui l'obsession de tous les jour~s, de toutes les heur~es, de toutes les minutes. 11 porta, avec une virile et invincible fermete, la bataille partout ou~ il pouvail atteindre I'ennemi, I'atta- quant sans merci, mais loyalement, avec les ar~mes courtoises du chevalier. Georges Sylvain n'a rienl n~gligi: pour faire triomp~her la cause de la Nation. Conferences, meetings populaires, manifestations nationals, posies, chansons, articles de journaux, discussions juridiques, controverses conlstitutionnelles, me- moires adress~s au senat et au gouvernement des Etats-Unis, correspondances constantes avec des personnel influentes au dehors, voyages, tournb~es patrioti- q~ues dans les D~partements, tel fut I'effort immense, I'effort surhumain, que le patriotism ddsintirejss6 arracha a ce laborieux, course du mnatin au soir, C ~ Y~ Funerailles die George3 Sylvain. Au cimetie~re. Les oraisons fune~bres. ~tij~i~L rd 5, $'i I~C -1~ 1 sur le proble~me angoissant de notre liberation. Georges Sylvain incarnait la Patrie dans ce qu'il y a de plus noble et de plus pur. 11 dtait comme illumine par une flamme sainte ; il ne voyait que le pays i sauver et I'intensit6 d'un tel espoir le conduisit a une sorte de renoncement de lui-mime. Les consciences aveulies d~testi~rent la beauty de son sacrifice. On pritait a cette Ame h~roique les calculs mesquins et indi1icats de l'6goi'sme ; on essaya de diminuer l'homme parce qu'il g~nait les desseins imperialistes de l'Occupant, desseins inflmes qu'un pharisaisme etriqud d~core du nom de cooperation franche et loyale. La cooperation franche et loyale >>, Georges Sylvain souriait avec ironie a cette formule de 1'abaissement. Il ne comprenait pas que l'on put ternir la dignity de sa vie pour un morceau de pouvoir. Les coop~rateurs ne lui pardonnerent pas son d~dain et ses convictions profondes et inabranlables ; ils vouerent au patriote une haine implacable qui ne respect rien, pas mime la compagne vertueuse et les innocentes filles qui ennoblissent le foyer, maintenant attriste, - de l'illustre citoyen. Georges Sylvain aimait le people, il l'aimait non paa pour le corrompre et le faire servir a ses fins personnelles, mais pour l'61ever aux grandes iddes et aux nobles passions q~ui sauvent ; il le poussait dans la lumiibre vers la liberty ; il lui donnait, par le sodfle de sa parole ardente et sincihre, les longs frissons qui soulevent l'enthousiasme et conduisent au triomphe des causes saints. Martyr du patriotism, Georges Sylvain descend dans la tombe, ne laissant a sa famille que la gloire qui aur~ole son nom. 11 a pr~f~rd l'honneur aux faux &elats d'un pouvoir avili ; il a d~daignC les compromissions qui ont donnC tant de joies a d'autres. Maintenant, des voix autorisees vont retracer la belle carriibre du juriste et du diplomat, dire son beau talent de fin lettr6, de prosateur et de poi~te. J'ai apport6 l'hommage de l'Union Patriotique a l'homme qui fut si sensible aux souffrances et aux misibres du people hai'tion, et que les destins ont empach6 de nous conduire a la victoire qui s'approche. Devant cette tombe qui va se former, que puis-je of~rir a la famille 6plor~e ? Comment consoler ces caeurs qui entouraient de tendresses affectueuses l'ime souf~rante du Grand Patriote ? Nous tous, ici, qui rendons les derniers devoirs au cher difunt, nous pleurons la perte immense qui endeuille la Patrie. Cherchons dans le sacrifice qlue Sylvain a si noblement consent, la r~si- gnation et le doux apaisement des consciences pures ; gardens au fond de nous-mimes la flamme de son souvenir et pour honorer sa m~moire, imitons son patriotism, son d~sinteressement et son abnegation. Au nom de 1'Union Pa- triotique, je depose sur sa tombe cette couronne, symbol de nos regrets infinis... < Le Courrier Ha'itien >> 9 aouit 1925 Trente ans ai peine se sont: kcoulds depuis cette explosion. d'enthousiasme, et s'il se trouve peut-eStre parmi les compag~nous de combat de Georges Sylvain, quelques-uns qu~i se souvienznent de sa vie et de ses luttes pour l'dmancipation de son pays, pour les feu~nes generations, les e'tudiants d'aujourd'hui, les enfants de nos Bcoles, son nom mdme demeure vide de sens. Nul passant di~chiffrant les denominations souv~ent errangares de nos rues n'y decouvre I'e'vocation de INTRODUCTION XVII xvmII GEORGES SYLVAIN son ombre nulle pierre qlui porte son, image. Peu imported Lu~tteur infatig~able et modest, il n'a que faire de cette gloire qu'au course de sa vie il a toujours meprisee. Si nous publions ausjourd'hui ces mranuscrits, c'est mIoin2s dans le but die rendre hommage ai sa memtoire que d'offrir ai ces jeunes qul'il aimta et pour lesquels il a travaille', I'exemple d'une existence oft la foi et l'oubli de soi avaient seuls droit de partage de presenter, ci une epoqule oil sem~blent pre'valoir- l'intrerdt personnel et la supre'matie inconteside de l'arg~ent, le sacrifice collectif d'un grourpe car ce qui resort de ces pages, ce n'est pas ulniqluement l'effort dE'un homme, mlais le travlail d'une kquipe. Ce qu'a ditd l'Union Patriotiq~ue, le labeur qluotidrienr, obsculr, couragieux, souvent hieroi'que de cette foule anonyme que formaien~t ses 41 Comites sur toute l'etendue de notre territoire les de~penses autant en, argrent qu'en energie de cette vaste campagne de press et d'opinion dont la pression en Hai'ti commrre ci l'e'tranger abou~tth a notre second inddpendance : voild ce qui ressortira de ces documents qlui, qluoiqu'incomplets, nous aidleront ai comtprendre l'ossaturre d'une organisation telle qlu'il n'en avait famais existed chez nous aupara~vant. Un die nos jeunes historians pre~senta l'annee derniere usne analyse de l'Occupation Ame'ricaine qui, pu~iske aux documents de la bibliothaqlue du Congress de Washington, n'est pas sans valeurr. Avec la candeur de l'igrnorance, il consacre ai l'Union Patriotique dans son volume de trois cents pages, la ving~- taine de lignes suivantes : a Ce parti fond par Georges Sylvain, Stknio Vincent, Seymour Pradel, Perceval Thoby, Pauleus Sanon, Pierre Hudicourt, Elie Guerin, Ch. Rosemond, etc., en vue d'epauler fanction grouvernementale, de- vint le parti de l'opposition. Il reprocha au Prisident sa faiblesse devant l'Occur- pant. Pour n'avoir pas dkcri'te les elections I g~islatives, son imrpopularite ful remise en question. Des rumeurs d'assassinat se rkpandirent ai l'horizon. ddjdi surchtauffe'. Les leaders intiressis insinubdrent qlue Dartig~uenave Etait de mache avec les Blanchard, les Russel, les lMacIllhenny pour affamer le pays, appauvrir d~avantage le paysan par l'augmentation, intempesti~ve des droits de douane, des imp~ts et des taxes. Peu lui en chaut, rpdptait-on, car il encaissait annuellemtent 24E.000 dollars non, compris les frais de table, de police, de reception, etc... etc... A force de le r~pi'ter, les gens senses pensaient que le Pre'sident pouevait faire une opposition, ouverte ci l'Occu~pation. D'aillealrs nre tenait-il pas de cette decr- nibre son ascension, au pou~voir et sa paisible jouissance des privileges 7 affe- rents ? Si la reconnaissance n'est pas une vertue humaine, I'instinct de conlserva- tion. est une vertu cardinale >. Un, de mes amis, homme d'une qurarantaine d'annies, e'mettait il y a qulel- ques mois ces affirmations ktonnantes : a L'Occupation ambricaine s'est produite parce que la politique des Etats- Unis l'imposait, elle s'est retiree qluinze ans aprds, parce que la politiqlue dur ~D~partement d'Etat avait change ,>. Ces vues simplistes n'ont d'excuse qlue le manque de sources d'information et c'est pou~r y supplier que nous publions les documents qIue vont suivre. PREMIERE PARTIES 1) L'Union Patriotique de 1915 DIX ANNEES DE LUTTE POUR LA LIBERTE 3 NOTES PRELIMINAIRES 1915 On a souvent reproche' au people ha'itien de ne s'dtre paes oppose vuig~ou- reusement au dd~barquement des marines en juillet 1915. On ou~blie volontiers la disproportion e'crasante des forces et qlu'au, moins, I'honneu~r fut sauf : dans le Nord et l'Artibonite, outre le petit Sully, qui mourut & son poste plutot que de le rendre, le general Pierre Benoit Rameau, Ministre de la g~uerre du g~ou- vernement revolutionnaire du Dr. Rosalvo Bobo, leva l'etendard dle la resis- tance armie ; il prit les armes des le vote de la Convention. que son chef et lui avaient refuse d'accepter et ne se soumit qur'apres une lutte he~roique : ce qlui lui valut d'e8tre condamne par une cour martial americaine ci une longue detention qu'il subit sto-iquement (1915-1926) ('). Et plus tard, ci l'occasion de la reprise du regime monstrueux de la corvee, ce ful la geste de Charlemagne Peralte et de Benoit Battraville. Et il y elt dl'autres tentatives de rIsistance armie moins importantes. AuLssi, s'il est exact que par suite de la dkcomposi- tion de notre corps politique (six presidents en 4~ ans) et particulierement de notre armee di'sagregie dans les luttes partisanes, le pays n'offrit pas une reksis- tance digne de ses origins, il est historiqluement faux que l'occupant a ete regu ci bras ouverts. De plus, c'est au lendemain. du debarqluemnent des troupes nord-ame~ricaines, de~s le mois d'aoft 1915, que des citoyens se groupent pours protester contre la violation de notre territoire et ainsi naissent notamment L'Union Patriotique et La Ligue des Patriotes. Ce sont des h~ommes de paix, qui croient encore ci la force du droit, qui ne peuventt imaginer qu'en plein vingtieme siecle, une grande nation, se targuant des principles democratiques, pu~isse annexer bru~talement un people libre et indipendant, en dehors des conditions de la guerre et sans la moindre provocation. Ils se servent de l'arme ci laquelle ils sont htabitues : la parole imprimee et la parole dcrite. Toute uine press d'opposition prend nais- sance, en particulier, a La Patrie >, fondde par Georges Sylvain, Edmond Lafo- rest, Marcelin locelyn, etc... et << Haiti Int~grale > d'Elie Gueria. et de Fe'lix- Viard.- Et cette arme de la parole ecrite et parlee se ri'vdle pleinement efficace puisqu'apres 19) annees, le 21 aolit 1934, le dernier contingent de marines duL corps dl'occupation laisse le territoire national tandis qlue claque joyeucsementl au nouveaus si'maphore notre Bleu et Rouge rendu ci sa grandeur. cristalliser et d devenir l'arme acdre'e de notre Seconde Independance. Georges Sylvain eut I'initiative de la foundation de L'Union Patriotique et, sous le titre de Bulletin Politique, tint l! << Premier Port-au-Prince a de << La Patrie >. (1) Arr~te g Port-au-Prince le 28 octobre 1915, Rameau fut lib~re sur parole le ler janvier 1922. Repris apres 1'61ection de Borno, vers juin-juillet 1922, il fut libere le 16 mai 1926 et partit pour l'exil d'oil il ne revint qu'en 1930. GEORGES SYLVAIN FOUNDATION DE L'UNION PATRIOTIQUE < en cette ville, 19, Rue du Port, aujourd'hui 10 aoilt 1915, a 11 heures du matin : MM. Charles Bouchereau. Dr. CarrC. V. Cauvin, F. Fequiere, Dr. S. Holly, Occide Jeanty, Edmond Laforest, Ly-s Latortue, L,. C. Lh~risson, F. Porsenna. Joseph Syrlvain, Georges Sylvain >>. Le proinoteur de la reunion a ouvert la stance en1 ces ter~mes : Messieurs, A cette premiere reunion j'aurais pu convier un nlombre beaucoup plus grand d'amis, dont je suis assez stir pour pouvoir ripondre de leur adhesion, sans avoir, mame besoin de les consulter. Mais voulant aller vite, je me suis arratC a la vingtiibme rencontre. Sur les 20 appelesr 11 ont pu venir. Nous sommes donle 12 pour ouvrir la seance. Douze, c'est de hon augure, lorsqu'on doit faire R~gnier, C. Benoit, L60 Alexis, retenus loin de nous par des circonstances ind6- pendantes. de leur bon vouloir, applaudissent d'enthousiasme it 1'id~e qui nous rassemble, et ratifient par advance nos resolutions. D'autres encore, de notre parents proche, n'attendent qu'un mot pour prendre rang a. nos c~tis. Je vous remercie tous du large credit de confiance q~ue vous m'avez accord. Mes explications, pour la plupart d'entre vous, ont itP forc~ment sommaires. C'est I'instant de les compl~ter. Notre pays, yous le savez, traverse une des phases les plus douloureuses de son existence. Pour la premiere fois depuis qu'il s'est constituk en Etat souverai'n, 'l'Stranger occupe militairement son territoire. A la faveur de nos troubles civils, les Etats-Unis, nation amie, sans avoir CtC appelbs par nous, sans formuler contre nous aucun grief, nous assistant, a main armbe, - manifestant I'intention d'en finir, meme par voie coercitive, avec l'anarchie qui, depuis quelque temps, semble Stre devenue pour la R~publique d'Hai'ti comme un Ctat chronique. Assistance temporaire ou definitive ? Tout dbpendra de notre conduite. Or. nous ne faisons pas mine de comprendre la n~cessitC de changer de conduite. Comme il n'y a plus de president ni de ministres, et que personnel n'en exerce 1'autoritC, la vie national subit. dirait-on, un temps d'arrat. Sur les tr~teaux politiques, oi2 continent de parader les artisans les plus actifs de notre ruine, chacun ne songe qu'a se dispute le peu q~ui nous reste. Ne sachant a quoi se fixer, P'opinion flotte, d~sempar~e. En province, on est mal renseignC. A l'Ctranger, on n'entend qu'un seul son de cloche, celui qlue donnent les jour- naux des Etats-Unis. DIX ANNEES DE LUTTE POUR LA LIBERTE J'ai pensC, yous avez pense comme moi, qu'a cette heure trouble, on ce qui est en question, c'est le patrimoine des ai'eux et I'avenir de nos enfants, il y a qIuelqIue chose a faire, pour notre honneur a tous : prendre en mains le drapeau national et l'arborer au-dessus des factions Epars dans le pays, tenus a l'ecart des affaires publiques par le souci de leur dignity et par nos ddtestables mmeurs gouvernementales, des Hai'tiens, res- pectables a. tous 6gards, qui representent le travail honnate, les vertus familiales, le patriotism en action, vivent presque sans liens les uns avec les autres. Parce qu'ils ne manifestent pas bruyamment et q~u'ils rdpugnent aux actes de violence, on les tient volontiers pour quantities n~gligeables. En r5alit6, leur grroupement constituerait une de nos principles forces sociales. 11 ru'a parn que le moment est venu de leur organiser un centre de ralliement, une Associa- tion autour de laq~uelle ils puissent s'agreger. En nous maintenant en communion d'id~es et de sentiments avec eux, nous leur donnerons le moyen de faire en- tendre leurs voix et de dominer cette clameur des app~tits personnel, don't le retentissement n'a jamais &tC plus discordant. Ainsi 1'6tranger constatera que, en dehors de la politique et de ses meneurs, il existe dans notre soci~tC des esprits reflichis, des consciences sainres et des volonths fermes, capable d'un effort commun, lorsq~ue se decide le sort de la Patrie. Sur le terrain solide oix nous nous cantonnons, dans un desinteressement absolu de toute ambition autre que celle d'aider notre people a recouvrer la claire notion de ses devoirs, I'accord est facile entire citoyens de bonne volonti. Un mime souci nous rapproche : qu'H-al'ti reste notre et progress dans le bien! Les Cv~nements qui se d~roulent donnent a ce dessein une signification ,pr~cise. Tirer de la situation pr~sente le meilleur parti possible dans l'int~rat de la nationality hai'tienne, ce sera pratiq~uement notre formule d'action. En avant done pour le salut du paysa, et qlue Dieu b~nisse notre entteprise ! A la suite de cet expose qui recueille une approbation unartine: Maitre Georges Sylvain. donne lecture du~ projet de status qu'~il a prepare. GEORGES SYLVAIN V/oici la << Decclaration >> du Comite : Declaration Le discours qu'on vient de lire du Pr~sident de notre Comith aurait pu nous dispenser de toute d~clarationl nouvelle. Aussi bien nl'avonls-nous que peu de chose a y- ajouter pour ce q~ui concern ce journal. Le programme de la restituer A l'id~e patriotique la place qui lui rev~ient. la premiibre. dans nos preoccupations et dans nos actes publics. D~fenseur attitre de I'intCrat national. le Gouvernement conlstitutionnel d,- de la R6publique a droit, de ce chef, au concours de tous les bons citoyens. Nous ne lui marchanderons pas le n8tre, comptant q~u'a aucun moment, il n'h~si- tera a faire confiance i. cet << instinct patriotique>,: qui imeut mime les plus froids d'entre nous ; il y puisera sa force morale. En retour, nous avons le droit de lui demander de ne pas prendre a mal les critiques et les avertissements, qu'il nous arrivera de lui adresser. .Critiques et avertissements, il peut en ttre d'avance persuade, ne s'inspireront jamais que d'un ardent dbsir de contribuer au hien public. A tous ceux que nous pourronls, sanls le vouloir, blesser on contrister. nlous, en expr'imons, une fois pour toutes. nos regrets. Notre tiiche est d61icate, et nous avons besoinl, pour y r~ussir, de la hienveillance generale. Nous accueillerons avec joie, en cas d'erreur ou d'inexactitudle, toutes les rectifications dilment justifies, ne voulant donner a. personnle le droit de suspecter la sinc~rite de nos intentions. Au sujet de l'intervention des Etats-Unis, dont il nl'est permis a aucun Ha'itien de se d~sint~resser, voici quelle sera notre attitude. Protestation contre l'abus de la force. contre la violation du droit des gens ; reserve a l'egard du fait de l'occupation, tant que les conditions n'en seront pas mieux d~finies. Si, comme on se plait a le dire, c'est une experience loyale de cooperation tempo- raire, analogue a l'expirience cubaine, propre a assurer it la nation hai'- tienne, dans une s~curit6 plus grande, la libre direction de ses destinies, nous en discuterons sanis parti pris les terms. Mais, si, comnme les proced~s employes semblent I'indiquer, c'est, plus ou moins deguise, le protectorat, avec les consequences que logiquement ii implique. nous nous en tiendrons a la reven- dication de notre droit violC. Le Comit6. < La Patrie ,,, No. 1, 21 aoit 1915 DIX ANNEES DE LUTTE POUR LA LIBERTE BULLETIN POLITIQUE Nous avons des categories variees de patriotes. 11 y enl a dont le patriotis- me consiste a malmener en paroles... le pays, et q~ui s'en contentent. De leurr diatribes si l'on peut degrager une conclusion, c'est celle-ci : << Tout ce qui arrive, je l'avais prevu. Je n'en suis done pas responsable. Pays perdu. Rien a faire. Depuis longtemps je le dis >. L'un d'entre eux, I'autre jour m'accoste : << QueY nous voulez-vous ? C'est au moment du debarquement qu'il fallait se montrer. S'il y avait eu du monde pour combattre, j'en aurais ete... (il riait peut-8tre dans sa barbe, mais nie m'en fit rien voir 1. Maintenant, ff...ut~ i Et son geste me soulignait, de la fagon la plus expressive, la condemnation, le neant de toute tentative d'evasion du cercle infernal q~ui nous enserre. C'est la theorie de l'inaction. Elle est commode pour bien digerer. En1 face de l'occupation etrange~re, tout homme de coeur la reprouvera, d'abord parce qIue c'est une htichete, ensuite... (j'en demand bien pardon a ceux qui ne sont pas de monl opinion. mais il faut bien appeler les closes par leur nom) parce qlue c'est une sottise Dants le patriotism, tel que je le congois, il entire un acte de sensibility, unl acte de foi, fortifi6 par la reflexion et un acte de volonte. J'aime mon pays, parce que du plus loin1 qu'il me souv~ienne, mes reves d'enfance s'y sont herc~s. que j'y ai grand, v~cu et souffert : et avant moi, les parents de qui je tiens monl existence, et ceux q~ui les ont eux-mamnes engendrbs. Je l'aime d'autant plus qu'il est maintenant tre~s malheureux et qu'il a besoin de moi. Je tiens it lui, p~arce que j'ai l'invincible espoir que les tresors de d~vou'ement qui s'y dbpensent et s'y sont jusqlu'ici prodigues pour le maintenir au rang des sociiths organisdes, finiront par lui valoir un jour la maitrise de ses instincts, seul obstacle ai sa croissance normal. Et si j'ai foi qu'il vivra, par delay l'epreuve actuelle, c'est que je veuxt Pnergiquement qu'il v~ive. dussC-je donner ma vie en Change ! A ceux qui ont la meme foi. la meme volonte et le mime amour. je recom- mandle comme discipline de parler peu, d'agir vite. Nous parlons trop, d'habitude. C'est un defaut de race. Parfois nous trom- pons ainsi notre besoin d'agir, et parfois cela nous sert a eluder le devoir d'agir. Entre ces deux rePalites menagantes- I'anarchie et la conquite etrange~rel quiconque s'abstient n'aura plus jamais le droit de se plaindre. Quelque grave que soit une situation, il y a toujours moyen de l'ameliorer. Chacun de nous, danis la sphere de son activitP, peut contribuer a rendre meilleur le sort de la Patrie, ne filt-ce qlu'enl s'abstenant de decourager ceux qui s'obstinent a lutter pour elle. Si modest q~ue soit le bien qui depend de nous, accomplissons-le quand mime, promptement, sans hesiter. sans nous demander s'il sera utile ou efficace et si le voisin en fait autant. Ce sera le commencement de notre regeneration, qu'aucune domination 6trange~re n'aura la vertu d'imposer par decret administratif. Elle ne se rialisera que par nous, et dans la measure ou nous l'aurons voulue. GEORGES SYLVAIN i. Je poursuivais cet article, en exhlortant les membres du Gouvernement a satisfaire an vaeu du pays, qui attend d'eux une attitude nette a l'egard de l'occupation militaire des Etats-Unis :je leur signalais le danger de laisser I'opinion se surexciter sur le theme de leur inertie et P'opportunite de transporter a Washington toute la discussion du problame hai'tien, qluand on est venu m'annoncer qlu'une sorte d'ultimatum leur e~tait donned dl'avoir. dans le dblais de trois jours, a se faire autoriser par les Chambres a souscrire aux conditions du trait& qui leur est proposC, ou pour mieux: dire, imposC. La Chambre des deputes et le Senat out &te immediatement convoq~ues, pour qlue le Cabinet, en pregnant contact avec eux, les mit au courant de la situation. 11 m'est revenue qlue les Ministres n'ont cru pouv-oir entretenir le Corps Legrislatif de ce grave incident qlu'en seance a huis clos. On abuse chlez nous des hluis clos parlementaires. Lorsqu'il s'y agite des questions d'intereit national, ils devrlaient 6tre suivis d'une declaration en seance p~ubliqlue. C'eet de bonlne conlvenance assurement de ne pas ibruiter une conversation diplomatique eni course : mais le gouvernement augmentera son autorite morale, en faisanlt connaitre h la nation, toutes les fois qlue l'occasion s'en pre~sentera, c~e qul'onl peut lui rbvbPler sans dommage des de~marches enterprises pour la sauvegarde des int~r2ts com- muns. Dans une reunion preparatoire, les Comites des Relations Exterieures die la Chambre et du Senat avalent pris connaissance. nous dit-on, du prix qlue lej Etats-Unis entendent faire payer leur intervention. Le br~uit s'est aussit~t repanndu qlue le traits qu'on voudrait nous voir signer, les yeux fer~mes, est: le mom~le don't I'honorable M. Fuller n'avait pu obtenir la sanction du prCcedent gouverne- ment. C'est done une ancienne connaissance. On lira plus loin un resume de ces propositions, tel qlue la communication nous en fut faite, a 1'dpoque ou~ elles purent Stre consid~rees comme Pcartees. Si j'avais eu a y placer mon mot, j'aurais 6te certainement moins large qlue les auteurs des contre-propositions par lesquelles on crut habile de les amender. Mais le traits filt-il le plus avantageux du monde et ne comportit-il qlue dles clauses acceptable pour le plus ombrageux des p~atriotes hai'tiens, le procede comminatoire employC pour l'imposer, si nos informations sonlt exactes. suffit a en interdire presentement I'examen au gouvernement de la Rdpubliqlue. C'est le sentiment gi~niral. Je sais bien qu'en tout pays les militaires ont tendance a substituer a. toute discussion la notification de leur volont6. Mais un de nos principaux motifs de surprise est pr~cisiment qlue les Etats-Unis, grande nation d~mocratiqlu?, dont le statut politique nous i6tait vantC comnme le modeile des gouvernements civils, n'aient pas trouv6 jusqu'ici pour nous gagner aux bienlfaits de leur " assistance amicale >> d'autres agents qlue des militaires. Quoi q~u'il en soit, ceux qlue le Gouvernement fid~ral a charges de p'arler en son nom, s'ils tiennent a aboutir a un resultat p~ratique et q~u'ils ~aient besoin DIX ANNEES DE LUTTE POUR LA LIBERTE de notre consentement: doivent se persuader qu'ils ne l'auront pas par ordre. Ou nous sommes encore un Etat libre, pourvu d'une organisation politique, qlue les autres Etats, grands ou petits, dans leurs rapports avec nous, doivent respec- ter, et alors il ne se congoit pas qu'on nous invite a nigocier en des conditions incompatible avec notre dignity national. Ou nous sommes un pays conquis, et il ne reste plus au conquirant qu'a nous dieter sa loi. Tant qlue nous pourrons croire, sur la foi des assurances donnees, des de- clarations maintes fois re~p~tees, avoir affaire a des amis, venus pour nous priter main forte contre le desordre et n'ayiant contre notre territoire et notre ind6- pendance aucunle visbe hostile, nous nous tiendrons prits a discuter loyalement la retribution du service rendu, encore q~u'il n'ait pas th solliciti et qlue ce concours fraternel ait revitu trop souvent le caractere d'une aggression arm~e. Mais du moment que nos pretendus amis, jetant le masque, ne voudront plus itre que nos maitres, il leur faudra aller jusqu'au bout dans la rialite de leur r81e. Etant les maitres, ils pourront tout prendre, mais ils n'auront rien de nous. << La Patrie ,>, No 2, 25 aout 1915 UNE GRAVE LACUNE On a pu remarquer qlue le project de convention. dl~pose par le Charg6I d'affaires des Etats-Unis, sous une forme qui jusqu'ici n'av~ait guere ete em- ploybe qlue par des g~ndraux, d~cides a profiter sans management des avantages d'une guerre victorieuse, est muet sur le fait capital de l'occupation. Considbre- t-on qlue ce fait, qui nous affected d'une fagon directed, non seulement dans le libre exercice de nos facultis d'Etat souverain, mais dans toutes les manifestations de notre vie social, se place de lui-mime hors de notre contr81e et doit s'imposer a la Ripublique Hai'tienne, tel qlue les conditions en, ont &th arrit~es par ceuxt q~ui 1'ont decide et mis en truvre ? Il semblerait, a interpreter logiquement le silence des anteurs du project. Mais une experience recente vient de demon~trer qu'on aurait tort de soumettre a une logiqlue trop rigoureuse les procedes dont use envers nous dans cette affaire la diplomatic des Etats-Unis. L'honorable M. Davis n'a-t-il pas qualifii, nous dit-on, de a malentendu > la signification donn~e par le Gouvernement ha~itien, les Chambres, la press, le public, au protocole de sa convention et a la d~piche qui en accompagnait le d~Ip~t ? Ce ne serait done pas impossible qlue les clauses de I'occupation aient eth r~serv6es pour servir de matiere a l'Ctablissement d'un modus vivendi transi- toire, qlui ferait I'objet d'une n~gociation sp~ciale. Encore est-il n~cessaire et urgent qu'on s'en explique. Je n'ai pas &t6 des derniers a applaudir a la noblesse de sentiment et a la chaleur de conviction, dont t~moigne l'adjuration patriotique du Sbnateur Morpeau, a la stance du 19 aolt ; mais je ne dirais pas comme lui : a Refusons GEORGES SYLVAIN de traiter, tant que ceux qui campent chez nous sans droit n'auront pas evacu4 le territoire !> Aprels le desarmement qui a et5 effectue et en absence d'une force pu- blique ha'itienne, capable par ses seuls moyens d'imposer aux factions et d'assu- rer le maintien de l'ordre, il y aurait trop d'inconv~nients a ce qu'on nous prit immbdiatement au mot. Ce qu'il convient, selon moi, d'affirmer, c'est qu'aucun traits viable, net peut sortir des deliberations presentement engage~es entire la L~gation des Etats;- Unis et le Gouvernement Hai'tien, sans qu'au prealable n'ait ite dressC en p~leine crla'rtd le statut 16gal de I'occupation militaire. A l'heure actuelle, deux Pouvoirs, I'un stranger. I'autre local, fonctionnent, en fait, parallelement chez nous : les militaires assistants et le gouvernement assistC. Les attributions du Gouvernement sont definies et limite~es par la Constitu- tion. Celles de l'amiral Caperton, du colonel Waller et de leurs agents, en tant qu'elles ont trait a notre pays, nous sont inconnues. C'est assur~ment une anomalie. Rien n'est plus pressant qlue de la faire cesser. << La Patrie >,. N'o 3. 28 aozit 19)15 BULLETIN POLITIQUE Tact et dignity On m'a dit : < nerie Les invectiver, quelle imprudence !> Vous avouerai-je que je les aime ainsi, se cabrant sous l'humiliation d'une d~faite sans combat, outranciers jusqu'a l'injustice, mais tout vibrants de gend- reuses cole~res, capable de verser des larmes d'indignation et de honte, au spectacle de ce q~u'est devenu, sous la le~pre politicienne, le patriotism hai'tien, - la derniare vertu dont l'Stranger, mame hostile a notre race, nous fit encore honneur! Laissez les jeunes gens perdre un peu la tete, en constatant que leur pays s~'effondre, et qu'ils ne peuvent rien pour arriter sa chute !Cela nous change du merveilleux sang-froid des autres, de ceux dont le ze~le etonne les vainqueurs eux-mimes et pour qui toute la morality de cette venture se resume en deux mots : a La stance continue, avec une autre equipe >> Il y a une d~cence a garder, si nous voulons que nos hates involontaires nous respectent. Leur consideration et leur estime n'iront qu'aux Hai'tiens en qui ils auront reconnu des hommes, c'est-a-dire des times fie~res, convaincues et loyales. DIX ANNEES DE LUTTE POUR LA LIBERTE Nous ne pourrons que nous honorer a leurs yeux en remplissant dans toute sa plenitude notre devoir patriotique ! A quoi nous oblige ce devoir ? A nous rallier autour du drapeau. Et qui tient pr~sentement le Drapeau ? Le Gouvernement constitutionnel... Oui, je sais bien ou le bit vous blesse, lecteur ami qui lisez par-dessus mon dpaule. Ce n'est pas le Pouvoir de vos reeves ! Quand vous vous attendiez a la constitution d'un Gouvernement national, qui, s'inspirant du grave p~ril et des difficulties du moment, aurait r~uni, dans une mime pens~e d'abn~gation et de sacrifice, aux intelligence les plus lucides, aux competences les plus indiscutables, les energies les plus tenaces de la Repu- blique, yous n'avez pergu que l'6cho des petites preoccupations habituelles, - questions de personnel, de parties, de localities, de couleur (hblas !) qui, une fois de plus, ont prddomin& sur I'int~rit general : vos motifs d'espirer en ont 6tC diminu~s. Mais tel qu'il est, ce Gouvernement, que nous le voulions ou non, est !e representant legal du pays en face de l'occupation etrangere. A ce titre, il nous devient sacred. En le discutant, a l'heure ou~ il a besoin d'itre fortifiC contre dej pr~tentions on des exigences inacceptables, par l'accord de tous les bons citoyens, nous renouvellerions pour notre compete la mime faute qui lui vaut son infirmity originelle ! D~onc, de notre c~te, une discipline, qui n'exclue pas le contrble de l'Opi- nion, mais laisse a l'autorite responsible le soin d'accomplir sa tiche, sans l'accabler de critiques anticipees ou de suspicions injustifibes. Du catS des gouvernants, une connaissance claire de toutes les conditions du proble~me, des concessions possibles et des limits infranchissables la conviction tre~s nette qu'aucun secours ne nous viendra de personnel autre que nous-m~mes, et que la conduite a tenir dans ces negociations imperieuses, aggrav~es a dessein d'une pression militaire, se rame~ne a une formule bien simple : beaucoup de tact. beaucoup de dignity. La question hai'tienne preoccupe d'une fagon particuliere le gouvernement des Etats-Unis, depuis qu'une sbrie de Pr~sidents, se succ~dant chez nous a de courts intervalles, a sembl6 justifier I'apprehension que la Republique d'Hai'ti ne ffit plus ddsormais capable de stabilitP. Quelle q~ue soit notre appr~ciationl sur la doctrine et sur les procedes de l'imperialisme ambricain, il fant admettre que cette preoccupation, en raison de notre position geographique, a p~roximite de Panama, de Cuba, de Porto-Rico, etait 16gitime. Elle s'est manifestee, dans l'intervalle de q~uelques mois, par l'envoi de trois missions diplomatiques q~ui toutes trois ont tendu a la conclusion dl'unl traitC entire Hai'ti et les Etats-Unis. Pour mettre fin au desordre financier, cause et consequence du d~sordre politique, on nous proposait la g~rance de nos douanes et le contr81e de notre administration financiere ; pour 6teindre nos insurrections p~riodiques, une assistance armee. Aucune de ces missions ne rbussit. GEORGES SYLVAIN Les. anmissionnaires etaient pourtant de choix. Ce fut d'abord M. Bailly:- Blanchard, un Louisianais, pendant de longues alnnies Conseiller d'Ambassadle a Paris, formC a toutes les finesses diplomatiques comme a toutes les blegances de l'esprit frangais par ce stage prolonged dans l'un des postes les plus recherch~s de la carribre. Monsieur Bailly-Blanchlard, accredited comme Ministre pl~nipotentiaire dej Etals-Unis, sous les gouvernements Oreste Zamor et Th60odore, eut tout le loisic de mener i hien les n~gociations q~ui lui avaient ete confines. Il se heurta a la defiance dcu people hal'tien, plus soucieux de ne pas compromettre par contract son indipendance q~ue d'en garantir le mlaintienl par une conlduite raisonnable. On lira filus loin le project de convention Bailly-Blanchard. C'est lui let nonl le project Futller) dont le souvenir m'etait reste comnme av-ant servi de modeled presque littoral a la plupart des clauses du projet Davis. actuellement pendant! II fut pr~sente au d~but du gouvernement Theodor~e et suscita un bel esclandre. Le Secretaire d'Etat des Relations Exterieures, M. Josephl Justin, aprisa le rejet par le Conseil des Secretaires d'Etatl des condritionls pr~opos~es, aviait cru pouvoir y substituer un contre-projet de sa fagon. Lu au S~lnat, a la suite d'une interpellation, par le Si~nateur Lherisson, cet acte, qui sanctionnait le protectorat des Etats-Unis, dechaina une violence temp~te dans l'auditoire. La stance fut levee a l'extraordinaire, et c'est avec peine qlue le Ministre interpellP put &chapper a. l'indignation de la foule. Sa admission s'en suivit. Mais le gouvernement federal n'avait pas abandonne~ I'espoir de nlous convertir a ses fins. Urie nouvelle mission composee cette fois de trois membres, y comprise M. Bailly-Blanchard, prisid~e par le gouverneur Ford, unn dles hommes politiqlues les plus consid~rables des Etats-Unis, n~grophile nlotoire, nous arriva au mois de fevrier dernier. Le Ge~neral Vilbr~un Guillaume Sam venait de constituer sont conseil provisoire. Tout semblait pre~sager L'''6bismn d'u Povi durble Apreis avoir pris contact avec le Gouvernement, et s'etre renseigne sur l'5tat du pays, M. Ford et son compagnon se rembarqluerent, M. Bailly-Blanchardl par- tit a son tour en cong6 et fut remplace par M. Fuller. Tous ceux des n~tres qui ont abord6 ce diplomat sont unanimes a t~moigner de sa haute distinction intellectuelle et de l'urbanite de ses manibres. La convention qu'a son tour il presenta, le project Bailly-Blanchard ayanlt ete finalement mis de cite par le Departemenlt d'Etat, n'est pas pour d~mentir cette impression. C'est un essai de protectoral amical. Toutes les p~recautionls y sonlt prises p)our concilier dans la forme avec nos susceptibilit~s nationals ce que le gou- vernemenl des Etats-Unis persistait ai considerer comme le minimum des condi- tions indispensables a la garantie de l'ordre p~olitique et financier : un conseiller officieux, le.propre Ministre des Etats-Unis. dont le rble en matie~re de finances se serait. borne a denoncer les ab~us et ai provoquer la revocation des fonetion- naires PF~varicateurs, I'engagement par les Etats-Unis, en cas d'agression extC rieure,. Ou en cas de troubles intkrieurs, d'assister le gouvernement hai'tienl de leur flotte et de leur arm~e. DIX ANNEES DE LUTTE POUR LA LIBERTE Sur ce dernier point on ne put pas s'entendre, notre Gouvernembrt~nt accep- tant bien le principle de l'intervention: mais vroulant rester juge de son .opportu- nitd et de sa dur~e. 11 a et& dit que les Etats-Unis n'ont pas cru de leut- dignite de tenir leur flotte et leur armee a la requisition permanent des Haitiens : le contre-projet serait res~te accr.oche a cette clause. Mvais il est certainly qit'en fait, la clause ne pouvant fonctionner qlu'en cas de troubles graves, on eilt trouve sans trop de peine sur ce point une formule d'accordl. Toute la dificiulte t6tait de decider a q~ui appartiendrait le droit de limiter la dur~e de l'occupation, et I'on comprend qlue Hai'ti independante se soit refushe a concidler uif tel droit aux Etats-Unis. Maintenant, il ne s'agit plus de concession i consentir. L'Occupation nous est impose comme un fait. Nos assistants ont choisi l'heure d'intervenir, et its entendent ne retire leurs troupes qlue qtuand la pacification qu'ils out entreprise aura about, selon leur appreciation a l'etablissement d'un pouvoir' durable, capable de maintenir ind~finiment I'ordre a l'aide de ses seules forces. Nous ayant mis de ce fait en eitat d'inferioriti, ils ne considerent plus qlu'ils aient env'ers nous de menagements a garder. Toutes les anciesnes dispo0- sitions du project Bailly-Blanchardl out ete reprises et aggrravies. C'est le pro- gramme du protectorat q~u'il s'agit de nous appliq~uer, un protectorat:dle fiorme speciale, oil s'amalgameraient I'experience cubaine et I'experiencesdominicain1, avec quelque chose d'autre, q~ui serait comme une reminiscence du p~rotectorat tunisien. Le Gouvernement d'Hai'ti ne pouvait accepter, dans l'interit m ne~ de la pacification et de l'ordre, une telle diminution de son autoritb et de son prestige. Il ne saurait, certes, s'attendre a vioir adopter sans changement le contre-projet q~u'il a de~pose. Mais q~uoiq~ue par sa mainmise preventive sur nos douanes, la capture de nos bateaux de guerre, la destructionl on la saisie de nos dep~tj d'armes et de munitions, a l'autre p~artie contractanlte > semble avoir tenu it nous convaincre qlue toute resistance a sa \-olonte. serait vaine, la discussion, je veux bien le croire, reste ouverte. Sans decouragement, sans faiblesse, coistinuons done a nous defendre contre la decheance dont nous sommes menaces.: En nous refusant ai rien ceder de nos droits essentiels. nous aurons du itioitis, cjuoi qlu'il advienne, sauvC l'honneur. << La Patrie ,,. N'o. 4E, ler s~~eptinbre 1915 BULLETIN POLITIQUE Oil allons-nous ? Avec une logique qu'on dirait implacable, les consequences des evenements qlui nous oppressent se d~veloppent. Les Etats-Uinis semblent avoir d~cidiment renonc6 a. la fiction amicale qui leur servait a d~guiser le caractbre de leur intervention armbe. 14 GEORGES SYLVAIN Tandia que, nous fiant a la loya~ute du President Wilson et de son Gouver- nement, aux principles de correction, dont s'honorent dans les rapports interna- tionaux les grands pays civilisks, nous attendions une reponse aux pourparlers engages, I'btat de fait a CtC aggrave par une measure q~ui, entire Etats d'Cgale force. aurait etC certainement le signal d'une rupture. Les troupes de l'Occupa- tion se sont emparbes des douanes de la Republique et en ont chasse le personnel hai'tien. Dans certain ports, menaces par des hands revolutionnaires au Cap, a. Saint-Marc, a Port-de-Paix, aux Gonai'ves, on a eu le pretexte de d~sordres a eviter. Miais partout ailleurs, et notamment a Port-au-Prince, siege du gouverne- ment, dej~i occupy par les soldats de la marine des Etats-Unis, pourvu d'une administration douaniare module: la prise de possession de la douane ne pouvait Store et n'a 6te qu'une usurpation de pouvoir pure et simple, defi de la force brlutale au droit imprescriptible. Il est difficile d'admettre que notre gouvernement n'ait pas deja demanded des eclaircissements sur des actes aussi graves au Departement d'Etat, puisqueo l'on tolere encore, non sans ironie, que Ha'iti continue d'avoir un repr~sentant diplomatique i Washington. Quelles explications lui avait-il Ct6 donned, et com- ment se concilient-elles avec les negociations en course ? La nation a hate de le savoir: et le gouvernement aurait tort de ne pas tenir compete de ce vaeu 1Pgitime de l'opinion. Deja l'on estime qu'il a ete mal inspire, en ne profitant pas de l'occasion que lui offrait I'interpellation du depute Camille L60n de renseigner franchement le pays sur ce qu'il a fait et ce qu'il entend faire pour sortir de la position humiliante ou~ le tient I'Occupation militaire. Des la foundation de notre journal, nous avons signaled comme urgente la ne~cessite de mettre d'accord les declarations officielles du gouvernement des Etats-Unis avec le fait mal d~fini de l'occupation. A chacun de nos numiros, nous sommes revenues sur cette question primordiale. L'equivoque, loin de se dissiper, e~paissit davantage la nuit on nos dirigeants semblent marcher maintenant en aveugles. 11 ne faut pas pourtant de bien- grosses lunettes pour voir a quoi tend I'attitude des envahisseurs. C'est I'efface- ment du gouvernement hai'tien qui est au bout de ces provocations trop rep~tees pour ne pas paraitre calculees, soit qu'ayant cru trouver en lui un instrument plus docile, on lui tienne rigueur de sa resistance, soit que le temps necessaire a l'ex~cution du plan d'invasion etant revolu, on juge inutile de conserver dbsormais ce paravent. II faut s'attendre a de nouvelles humiliations, si ceux qu'elles visent directement n'y coupent pas court par unle decision cat~gorique. Plus de fantame de gouvernement. Ou l'autorite executive doit s'exercer dans les conditions fixees par nos lois nationals, ou elle n'a plus de raison d'itre ! g La Patrie >, No. 5, 4 septembre 1915i DIX ANNEES DE LUTTE POUR LA LIBERTE 15 BULLETIN POLITIQUE Le Gouvernement doit-il ou non s'effacer. C'est la question a 1'ordre du jour. Le Commandant en chef des forces navales des Etats-Unis s'etant p~roclame << invest > du pouvoir et de la respon- sabilite du gouvernement, dans toutes ses functions et dans toutes les branches, que reste-t-il a faire au Gouvernement 16gal de la Rdpublique d'Hai'ti ? Se retire on demeurer jusqu'au bout a son poste ? Les deux parties ont leurs d~fenseurs egalement sinceres et convaincus. Ceux qui tiennent pour la retraite immediate n'ont pas de peine a faire remarquer qu'un Gouvernement, dipouille de ses attributs essentiels, d~posP publiquement, pour cause d'impuissance, par le Fouvoir de fait, qui dispose de la force mat~rielle, n'existe plus que de nom : ses heures sont compt~es. En acceptant de traiter avec les Etats-Unis, dont le nouveau gouverneur d'Hai'ti est l'agent autoris5, il diminue lui-mime la port~e de sa protestation au regard de l'opinion 6trange~re. Puisqu'il n'a pas le moyen d'opposer la force a la f orce, c'est de sa dignity de s'en aller. << Les envahisseurs ne demanderaient pas mieux >, r~plique ici la these adverse. Le jen est clair. On veut nous acculer a la responsabilit6 d'une rupture, afin d'avoir un pr~texte pour renoncer a la convention et nous annexer purement et simplement. Le devoir des reprdsentants officials de la nationalist hai'tienne est de ne pas licher pied, tant qu'une chance nous est rbservie, si faible soit-elle, d'&viter cet irrem~diable malheur. Puisque le Gouvernement des Etats-Unis, mime apris la proclamation du 3 septembre, persiste a ndgo- cier, ne nous d~robons pas a la conversation engage. 11 sera toujours temps de c~der a la violence, quand on n'aura plus autre chose a faire. > J'ai tenu a rapporter fide~lement I'une et l'autre argumentation, chacun 6tant libre de ses preferences, s'il ne s'agit que d'une question de tactique. On connait de quel c~te personnellement j'incline. Je ne crois plus aux intentions pacifiques, affich~es au d~but par le Cabinet de Washington. L'occu- pation, telle qu'elle se d~veloppe, ne peut, selon moi, aboutir qu'8 la domi- nation directed et complete des Etats-Unis. En attendant, nous vivons en pleine incoherence. Or, a defier trop long- temps le hon sens et la logique, on mousse sa faculty de resistance aux solu- tions d~raisonnables. Logique et bon sens se vengent en se d~robant a notre appel, quand ensuite nous nous avisons d'y avoir recours. Mais les intbrits en jeu sont trop important pour qu'on ne laisse pas une marge aux chand'es d'erreur, mime les plus improbables. J'admets volon- tiers que mieux renseignC qu'aucun de nous par son ministry a Washington sur la parties qui se joue li-bas, notre Gouvernement a, pour Cclairer sa d~ci- sion, des 616ments d'appr~ciation qui manquent au public. Que cette .d~cision apparaisse a tous comme uniquement inspire par l'int~rit national, et elle aura l'adh~sion des gens de bien. 16 GEORGES SYLVAIN Sur deux points on est gdnbralement d'accord : 1") Le sort des Chambres est liC a celui du Gouvernement constitutionnel : la retraite du Pouvoir ex~cutif, si elle s'effectue, doit entrainer celle du Corps 16gislatif ; 2*) L'aggravation du fait de l'occupation ne saurait, en aucun cas, impli- quer I'abandon des droits nationaux que nous dbfendons. C'est i quoi surtout je tiens ; c'est a quoi il faut surtout tenir. Le reste est affaire de sentiment personnel, ou, comme nous disons parfois, de tempi- rament. < La Patrie ,, No. 6, 8 Septembre 1915) JURISDICTION PREVOTALE La << Patrie >> chez le grand prbv~t. Jeudi i 3 heures 40 de l'aprets-midi, j'5tais dans mon cabinet, en confe- rence avec deux de mes amis, M. Louis Borno, Secretaire d'Etat des Relations Extdrieures, et L60 Alexis, membre du Bureau du Contentieux, qluand on m'ap- porta une mince bande de paper, oh je lus l'inscription suivante : Bureau du Privat-Marichal Port-au-Prince, < Le 9 Septembre 1915. signn) Alex S. WILLIAMS. Privbt Marichal, Capitaine duL Corps de la Marine. Notre conversation touchait a sa fin. Mes visiteurs prirent cong6 de moi. Apras avoir passC a la R~daction de La Patrie, je me rendis en buss au Champ- de-Mars, oil on m'avait dit qu'habitait le Capitaine Williams. J'6tais accom- pagn8 de Messieurs Fr~d~ric Duvigneaud et Joseph Benoit, jeunes gens gracieusement attaches i notre journal. A la demeure du capitaine Williams, on nous apprit que nous le trouverions a I'ancien Bureau de la Place. La, je le fis avertir de ma presence ; et un officer vint me dire de sa part qu'Ctant en conversation avec quelqu'un, il me recevrait dans cingI minutes. Au bout DIX ANNEES DE LUTTE POUR LA LIBERTE 17 de cing a six minutes, nous vimes descendre M. Perraud, l'ancien entrepre- neur de la Cath~drale, et je fus introduit aupre~s du capitaine W(illiams. C'est un homme dans la force de l'lige, la taille un pen au-dessus de la moyenne. Il m'a paru qlue sa connaissance du frangais lui permettrait bien de suivre une conversation courante ; mais qu'il lui manquait la pratique de la langue : le concours d'un interprete fut done reconnu necessaire, un jeune homme brun, type indien, au regard intelligent, au ton un peu fatigue, parlant bien l'anglais et le frangais. Mon premier mot fut pour demander s'il y avait quelque inconvenient I ce qlue les deux jeunes amis qui m'accompagnaient assistassent a l'entrevue. Le capitaine Williams qui m'avait abordi, la main tendue, declara qu'il les recevrait bien volontiers, et donna l'ordre qu'on les fit monter. Il s'extcusa de la rusticity des chaises qu'il avait a m'offrir. Lui-mime prit place a son bureau. Non loin de lui s'assit I'officier qui m'avait introduit. Quand Duvigneaud et Benoit furent arrives, je les lui presentai et ils prirent sii~ge a mes cit~s. Le Capitaine Williams, pregnant sur son bureau un num~ro de la Patrie, me demand si j'itais bien I'Cditeur-g~rant du journal. Je r~pondis qlue j'en Ctais le Directeur politique. dont les noms sont ports en tite : le Directeur politique, le Ridacteur en Chef >. Comme il se disposait a continner cet interrogatoire, je le p~riai de me faire savoir, avant d'aller outre, en quelle qualitC il me questionnait. << En ma quality de Pr~v~t-Marchal, constituC en vertu des ordres de l'Amiral Caperton. Et vous 8tes appel6 ici, parce qlue deux notes de votre journal tombent apparemment dans la cat~gorie des actes qui relhvent de la jurisdiction du Grand Pr~vat, selon l'avis public dans les journaux a Port-auPrince >. Je lui fis observer qu'il me serait alors impossible de lui donner aucune explication. La semaine derniere, un individu 6tait passe i mon cabinet, porteur d'un paper non signC, oih les directeurs et r~dacteurs des journaux etaient convoqu~s chez le Capitaine Williams, a 10 heures du matin. J'attirai l'attention du message sur le fait qlue le d~fant de signature et d'aucun signe d'authenticitC ne me permettait pas de tenir la convocation pour valuable. Ce pouvait itre l'oeuvre d'un mystificateur. D'ailleurs, I'entrevue etait fix~e pour 10 heures. II 6tait 11 heures et demie. Depuis, j'ai su par les journaux qlue la convocation 6tait rhellement d'un off icier de la marine des Etats-Unis, charge de la police de la ville. Quand done un second billet, revatu cette fois des caracteres de l'authen- ticitC, m'eut 6th remis au nom du Capitaine Williams, je n'hbsitai pas i me rendre a son appel. GEORGES SYLVAIN Un journalist est, en effet, un homme public : il ne saurait se dbrober ai une communication urgente, qui peut itre d'interet general. Chez nous, il est d'usage qu'en pareil cas, on se presente au Bureau du journal ou on y d616tgue un repr~sentant. Mais vis-a-vis d'un stranger, j'ai considered q~u'il 6tait de homne courtoisie de ne pas trop s'attacher auxr formes usuelles. et me voici. << S'il s'agit de renseignements concernant La Patrie. je suis prit a les fournir, mais a titre purement priv6. Officiellement je d~eline la jurisdiction du Grand Privat. <<- Cette jurisdiction a &te institute en conformity avec la proclamation de la loi martial. Elle ope~re en dehors de la justice haf'tienne, respect les institutions judiciaires du pays, qui continent de subsister. < Elle est en disaccord avec notre Constitutionl. Comment un citoyen d'Hai'ti, respectueux des lois de son pays, pourrait-il s'y soumettre ? Moi, moins que personnel. J'ai Cte Ministre pl~nipotentiaire de notre Republique en France, Juge au Tribunal de Cassation, Professeur a I'Ecole de Droit, maintenant Avocat, Membre de la Soci~ti de L~gislation. Je suis un des trois juristes du Bureau du Contentieux q~ue le Gouvernement consulate sur toutes difficulties d'ordre juridiq~ue. < A tous ces titres, mon devoir est de requerir l'application de la 10i. D'ailleurs, il y a une sanction attachee a la violation des prescriptions legales. Aucun Hai'tien ne peut s'y soustraire... < Au moment oil votre billet m'a ete remis, je vienais de deliberer avec un; de mes colleagues du Bureau du Contentieux, aipropos de qluoi pensez-vous ? D'une demand de consultation, adress~e a notre Bureau par Mr le Secre~taire d'Etat de la Justice sur la valeur juridiqlue de votre institution prev~tale. Et nous concluons i I'incompatibilit6 de cette jurisdiction avec la Constitution d'Hai'ti et nos lois existantes, aussi hien qu'avec les principles et les usages universellement admis entire les Etats, en matie~re de droit international. < Une jurisdiction etrangere pr~v~tale ne peut coexister avec le system judiciaire actuellement organism par la 16gislation hai'tienne. 11 implique la destruction complete de cette organisation legale. Pour y Stre substitute, il fau- drait une convention prbalable entire Haiti et les Etats-Unis, et pour q~u'une telle convention filt possible, il faudrait le vote d'une nouvelle Constitution. Tant que I'existence d'un gouvernement d'Ha'iti sera admis par les Etats-Unis, les lois ha'itiennes continneront d'obliger sur notre territoire les citoyens dz notre R~publique, meme dans lears rapports avec ceux des Etats-Unis >. Je n'avais CtB interrompu qu'une fois dans mon expose, le Capitaine Wil- liams ayant manifesto a l'interpre~te son d~sir que mes phrases lui fussent traduites, avant qu'elles n'eussent atteint un trop long d~veloppement. Quandl j'eus fini, il se content de dire : < Tout cela, c'est de la discussion acadimique. Oui on non, reconnaissez-vous la jurisdiction du pr~v~t ? Je ne puis accepter de r~pondre par oui ou par non a une question semblable, qui peut priter matiere a une double interpretation : Ce n'est pas mon affaire d'apprecier les instructions de votre Gouvernement et de vos Chefs, ni le caractire des missions DIX ANNEES DE LUTTE POUR LA LIBERATE qu'il leur plait de vous confier ; mais en tant que citoyen d'Ha'iti et fonctionnaire ha'itien, je ne puis que rester soumis aux lois de mon pays, q~ui ne reconnaissent pas votre jurisdiction pr~v~tale .. Le Capitaine Williams ayant note mentalement mes paroles, partit de 1:1 pour se plaindre que les journalists instruits de la Capitale ne comprennent pas leur devoir. Il n'a jamais 6ti question de toucher a la liberty de la press. < La press doit rester libre a Hai'ti, aussi libre qu'aux Etats-Unis. J'admets que les Ha'itiens critiquent I'invasion de leur pays, la 16galit6 de la justice pre- v~tale. C'est leur devoir de d~fendre les inthr~ts de leur patrie. Mais ce qui n'est pas tolerable, c'est que le public soit Agare par des nouvelles fausses. Aux Etats- Unis, cela est r~primb par la loi.. > J'aurais pu rappeler ici a mon interlocuteur que nulle part au monde les journaux ne sont moins scrupuleux quu'aux Etats-Unis sur le choix on le contrale de leurs informations. C'est tellement passe dans les meeurs q~u'on n'y prite plus guiare attention. S'il fallait que les Tribunaux interviennent a propos de tous les canards qui se d~bitent quotidiennement dans les journaux sur la vaste 6tendue du territoire de 1'Union ambricaine. mime en centuplant le nombre des juges, leur temps ne se passerait pas a autre chose. Mais ne voulant pas Stre de nouveau taxes d'amplification academiq~ue, je me contentai de m'enqudrir si ce que je venais d'entendre n'6tait qu'un change de vues, permettant de ma part quelques observations, ou si je devais leur donner une signification officielle. < Elle se rattache a mes attributions de Grand Pr~vot, repondit le Capi- taine. Quand de fausses nouvelles sont publi~es, tendant a induire Te public en erreur, ma mission est d'intervenir. > La loi ha'itienne a pr6vu le cas : il relive de nos Tribunaux. << C'est vous qui Stes le propri~taire du journal << La Patrie ,> ? S- Non. C'est une association, dont je suis le Pr~sident provisoire. g Vous ites ici autoris6 par elle ? < A titre de simple renseignement, je ne v'ois pas d'inconvenient a vous faire savoir que notre association n'a pu itre mise au courant de ce dernier incident. Cependant, d'une fagon genbrale, je rbponds de tout ce q~ui la concern et de ce qui concern le journal. <<- Il ya deux notes dans votre journal, qui contiennent de ces informa- tions fausses et incendiaires, vishes dans mon reglement. II 6tait facile d'en vdrifier la faussetC : vous ne 1'avez pas fait. < -- Voila qui me touche plus que tout le reste. C'est I'honneur et la consi- d~ration de notre journal qui sont en jeu et mon devoir est de rbpondre, nonl seulement pour moi, mais pour ceux que je reprbsente et qui sont absents. < Parlez-vous pour le Pr~v~t ? << Quelle que soit la personnel que j'ai en face de moi, des lors qu'elle met en cause notre honneur et notre consideration, je ne puis me taire : mime 20 GEORGES SYLVAIN si ce n'etait q~u'unl simple particulier, je de\rais protester conltre une opinion qui nous fait injure, a plus forte raison, s'il s'agit d'un stranger qlue la situation qui lui est faite parmi les siens design comme occupant un rang social e~leveP. Je ne vois pas en vous le Grand Previ~t, mais l'Officier de marine des Etats-Unis. e En1 tout pays, le journalist est responsible de l'expression de sa pen~ee et de la revelation des faitr; auxqluels il apporte son temoignage direct. Mais on ne peut lui demnander, et personne nie songe a lui demander, dans les pays ou~ la presse est libre, de garantir I'authenticite de toutes les nouvelles q~ui de toutes parts lui arrivenlt. Si minutieux qlue soit son control, il est forc~ment rapid. Tout ce qlue le public a le droit d'exciger. c'est q~u'onl soit habituellement hien inform& et touj ours de honne foi. < taine Williams) pour r~pandre la verith dans notre pays et renseigner exacte- ment I'opinion itrangeire sur ce qui se passe chez nous. C'est dire qlue son interit est de ne publier qlue des informations de toute confiance. Mais malgre le soinl qlue nous y mettons: nous pouv;ons ttre tromp~s : la a propagande > est si ingenieuse Aussi n'avons-nous pas manqub, di~s notr~e premier numero, de prier nos lecteurs de nous signaler toutes les inexactitudes q~u'ils pourron~t relever dans nos publications, itant toujours disposes a les rectifier dans la measure la plus large possible. C'est un statut de notre journal : nous ne pourrions y- manq~uer q~u'en contrevenant a notre propre programme >. << Ce n'est pas suffisant. Vous devriez, pour ce qui nous regarded, yous4 renlseigner supres de nous. << Quand if y a doute danis note esprit et qlue le fait est de serieuse importance, nous ne publions pas sans remonter auxr sources officielles. Ainlsi la semaine pass~ee le bruit courait fortement dans le public qlue la lumieree electrique avait Cte brusquement 6teinte un soir par 1'ordre des officers amdri- cains. Nous filmes assez heureuxu pour savoir a temps du Directeur du Service qlu'il s'6tait agi d'un simple accident. Nous I'avons dit, et imm~diatement tout a ite remis au point. << Vous constaterez done par la qlue nous sommes sans parti pris. Quant aux faits que vous avez retenus, je ne puis rien en dire, ne les connaissant pas >. Le Capitaine Williams remit alors a l'interprite le numero de La Patrie qu'il avait en main et oil il avait 6pingl6 et annot6 deux passages. .Le premier etait le fait divers, p~ublib a notre 4e. page, sous ce titre : a Les inviolables de l'Haitian Branch >. Nous le reproduisons pour l'edification du lecteur. < Vous la connaissez, cette fabrique de cigarettes qui avoisine notre redac- tion ? Eh bien, les petits marchands ne peuvent vendre leurs cigarettes qu'en portant, attache a leur boutonnie~re, une carte ecrite en anglais, sans laquelle ils seraient, parait-il, arr~tbs par la police... ambricaine. DIX ANNEES DE LUTTE POUR LA LIBERTE 21 < Fait-on la mime faveur auxt petits crieurs de << habanera ? >> Telle est la note incendiaire, qui avait mis le feu aux... foudres du Capi- taine Williams. L'un de nous fit observer qu'elle dtait sous forme dub~itative, ce qui indiqluait assez qu'on ne la donnait pas comme entie~rement sidre. Le second passage incrimine avait trait a l'interdiction qlui aurait ete imposee, nous affirmait-on, aux campagnards, de ne pas ouvrir de marches le dimanche. <...On nous rapporte que dimanche les vendeurs de provisions qui out voulu, comme de coutume, entrer en ville, ont eti arrites aux portes par les soldats de l'occupation ; et pour que le respect du repos dominical s'inculquit de fagon ineffagable dans leurs cerveaux, on n'a pas trouv6 mieux que de tuer un certain nombre de leurs bites de transport, leur principal gagne-pain. ( C'est la nouvelle de cet acte de haute sollicitude qjui, propag6e dans la plaine, y aurait sem6 l'effroi. < Les pauvres gens ne savaient pas. Mime quand on leur a dit de ne pas avancer, ils n'ont pas compris ; eux et les nouveaux mattres ne parent pas la mime langue >>. La encore la forme employee excluait toute idee de temoignage personnel. J'ajouterai que 10rsque les gens de la champagne, habitues depuis de longues annbes a nous approvisionner de carbon, d'herbes ou de lait, nous confirment des faits, arrives en leur presence on a des personnel, soit de leur parentC, soit de leur voisinage, nous ne croyons pas n~cessaire de recourir a d'autres moyens de contr81e. L'honnatetC de ces fournisseurs ruraux est proverbiale. Ils ne se compromettraient pas a mentir. << Croyez-vous vraiment, me dit le capitaine Williams, que des soldats dies Etats-Unis aient pu commettre les actes qui sont relates la ? << Des soldats, en tous pays, peuvent mal interpreter un ordre regu. Ce que je ne crois pas, c'est qu'on puisse trouver un seul off icier de la flotte on de l'arm~e des Etats-Unis capable de donner un ordre semblable. < D'homme a homme, croyez-vous que le f~ait soit vrai ? < Si vous m'affirmez, sur votre foi de gentilhomme et d'officier, qlue dimanche aucun acte de ce genre n'a et& commis, je vous crois >> Le Capitaine Williams jugea q~u'il 6tait temps de clore ici l'entretien : son service l'appelait ailleurs. << Demain, conclut-il, je vous ferai connaltre ma decision et votrare~sponsa- bilite comme Directeur de ce journal. Pardon je ne puis accepter le terme de << decision >>. Vous avez touch6l a 'honorabilit6 de notre journal ; j'ai dit vous: repondre, a titre purement privC. Mais je maintiens formellement ce que j'ai dit' apropos de votre a jurisdiction pr6v~tale >>. Une poignde de mains, et I'on se s~pare. 22 GEORGES SYLVAIN Avant de rentrer ai la maison, j'ai l'idee de m'arriter au Palais presiden- tiel pour mettre les membres du gouvernement au courant de ce grave incident. Le President et les Ministres sont enl Conseil. A la demand du Ministre des Relations Extbrieuresl le Conseil entend le recit de mon entrevue et me demand de con~tinuer a le renseigner sur les suites de l'affaire, pour qlue << le nbeessaire puisse Stre fait >. C'est pourquoi hier matin, ayant regu du Capitaine W1illiams une nouvelle invitation a me presenter en ses bureaux, et ne pouvant, en raison de l'6t~at actuel de ma santC et de celle de ma famille, me priter a ces allies et venues. rendues inutiles par mes declarations de la veille, j'en donnai aussitat avis au Pr6sident et au Ministre de l'Interieur, et priai notre R~dacteur en Chef, Edmond Laforest, de me supplier, en cas de besoin : ce qu'il fait avec sa fer- meti: et sa distinction habituelles. < La Patrie >, Nio. 7, 11 septemrbre 1915 BULLETIN POLITIQUE Questions urgentes On a la dans nlotre dernier numero quelles graves questions se sont trouvdes posies, a~propos de ce journal, devant I'opinion et devant les deux gouverne- ments que met aux prises l'occupation de notre territoire par les troupes des Etats-Unis : Y a-t-il encore une Constitution d'Hai'ti. S'il y en a une, q~uelle est sa sanction, en regard des droits que s'arrogent les occupants ? En cas de conflict entire la loi hai'tienne et I'occupation, a q~ui les Ha'itiens doivent-ils obbissance ? Autant: de points qui demandent une solution rapide, car la s~curitC de chacun de nous, comme le maintien de notre nationalitC, en dependent. A la suite d'une Adresse du Pr~sident de la R~publique d~nongant a la Nation 1'attentat dont nos Douanes venaient d'ttre l'objet de la part des agents militaires des Etats-Unis, le Contre-Amiral Caperton, dans une proclamation placardie le mame jour i tous les carrefours de notre Capitale, se d~clarait invest de la plenitude du gouvernement sur toute l'Ctendue du territoire ha~itien. S'il s'en 6tait tenu la, personnel n'aurait en besoin de plus ample information. C'Btait la conquate affirm~e et la domination des Etats-Unis impose au people d'Hai'ti. M~ais la proclamation ajoutait que le Gouvernement constitutionnel de la R~publique subsisterait n~anmoins avec les institutions 16gales existantes, en tant qu'ils ne heurteraient pas les operations militaires on les autorit6s des Etats-Unis. Et cette formule contrib~ua a perpituer l'Cquivoque dont i bon droit nous nous plaignons. Comment un gouvernement hai'tien, r~duit a la condition que lui assigned la proclamation du 3 septembre, pourrait-il Stre qualifi6 de constitutionnel ? La Constitution, i laquelle on ne peut ni ajouter ni d~roger, n'a certes pas DIX ANNEES DE LUTTE POUR LA LIBERTE 23, prevu l'existence sur notre territoire d'un Pouvoir stranger, fonctionlnant au- dessus des autorit~s locales et capable d'Cdicter des ordres qui les obligent. Donc, dire aux reprisentants de l'Etat Hai'tien : c'est ou bien se moquer d'eux, on bien les acculer, sans y prendre garde, a une position intenable. Un principle fundamental de notre droit public dispose que la Constitution ne peut etre suspendue en tout ni en parties sur aucun point du territoire. L'institution d'une justice previtale etrange~re, qui connaltrait notamment des dblits de press commis par les Hai'tiens a l'encontre des int~rats de l'occupation militaire des Etats-Unis, est une atteinte aux prerogatives constitutionnelles de notre Pouvoir judiciaire, de qui relevient exclusivement tous les actes di1ictueux, perp~tris sur le territoire de la Republique. Qu'un tel empie~tement pilt s'imposer, en depit de la protestation du gouvernement hai'tien, cela 6quivaudrait a l'aboli- tion ou a la suspension, par un acte de violence, du statut 16gal des citoyens d'Ha~iti. Dans l'un comme dans I'autre cas, il n'y aurait plus place pour la conclusion d'un traits valuable entire Haiti et les Etats-Unis. La force et le droit out leurs domaines s~par~s. L'erreur de nos futurs co- contractants est que, voulant blitir sur le droit, ils commencent par en d~truire les fondements. 11 est regrettable que la proclamation du Contre-Amiral Caperton n'ait pas edicte sans ambiguity que, desormais, les Haitiens sont d61i~s du devoir d'ob~ir a leur loi national et tenus uniquement d'obtemperer aux ordres des autorit~s des Etats-Unis. Convaincus d'ttre en presence d'une domination 6trangZbre, ceux quie ont droit au respect auraierit pris les precautions n~cessaires, pour la sauve- garde de leur dignity. L'existenlce dl'une press ind~pendante, d~voude a la d6- fense de la nationality hai'tienne, ne se justifiant pas, des I'instant que nous n'au- rions plus rien a d~fendre, et 6tant d'ailleurs inconciliable avec les proc~d~s de l'occupation militaire, il ne serait rest& que les journaux acquis aux int~r~ts du conquirant Ctranger. De toute fagon, la prolongation du regime hybride sous lequel nous vivons, constitute on pibge permanent a la bonne foi des Hai'tiens corrects, qui, quand ils croient avoir encore la garantie d'un gouvernement national, la protection de nos institutions 16gales, sont exposes a se heurter contre l'autocratisme d'ua Pouvoir de fait, r~glementC de temps en temps, selon ses besoins. Il s'en va de la loyauth du gouvernement des Etats-Unis de pr~ciser mieux ses intentions, et de la dignity du gouvernement hai'tien, si une convention dolt Store signee entire les deux pays, d'obtenir le retrait de toutes measures de con- trainte, propres a en entacher la validity. <<'La Patrie >>, No. 8, 15 septembre 1915 24 GEORGES SYLVAIN BUREAU du CONTENTIEUX Port-au-Prince, le 11 septembre 1915 Monsieur le Secr~taire d'Etat de la Justice En son Hatel Monsieur le Secr~taire d'Etat, Nous avons l'honneur de repondre a votre depiche du 8 courant, en faisant connaltre notre avis a propos de I'institution d'une << Justice prbv~tale > par les officers de la Marine de Guerre des Etats-U~nis sur le territoire de I'Etat Hai'tien. Il ne saurait y avoir aucun doute sur la nature de l'acte qui a ete dinonce a Votre D~partement par Monsieur le Secr~taire d'Etat des Relations Ext~rieures. C'est un attentat violent a notre souverainet6 national, attentat d'autant moins justifid qu'en occupant militairement nos differents ports, les officers de l'ar- mbe ambricaine ont maintes fois declarC qu'ils ne porteraient pas atteinte a nos droits d'Etat Souverain et qu'ils venaient uniquement pour nous aider a mainte- nir l'ordre et i fonder un gouvernement stable. L'6tablissement de la << Justice Prev~tale >, consequence de la proclamation de la << Loi martial > ne s'explique nullement puisqu'il n'existe pas d'etat de guerre entire la R~publique des Etats-Unis et la R~publique d'Ha'iti. Nous n'en voulons pour preuve que le maintien a leur poste respectif des Pl~nipotentiaires des deux Etats, et la non-d~nonciation des traits d'arbitrage qui lient encore les deux R~publiques. Le Gouvernement Hai'tien, de plus, n'a jamais notified et n'a jamais reTgu une declaration de guerre du gouvernement des Etats-Unis. Dans ces conditions l'application actuelle d'un regime de guerre ne peut ttre consid6r6e que comme un pur abus de la force. Du fait que la R~publique d'Hai'ti a 6tC jusqu'ici reconnue par les Etats-Unis comme un Etat souverain, elle a droit, en vertu du principle d'Cgalit6 entire les Etats, principle admis par les Etats-Unis, au meme traitement, que les autres nations garanties par les r~gles du droit des gens. Ce sont ces regles qui seraient violies par I'institution d'une juridiction Ctrangere fonctionnant sur le territoire hal'tien, sans le consentement du gou- vernement d'Haiti, concurremment avec la justice hai'tienne et en contradiction avec les lois de notre pays. DIX ANNEES DE LUTTE POUR LA LIBERTE 25 La < Juridiction prev~tale > telle qu'elle r~sulte de la Proclamation que vous avez bien voulu nous communiquer, porte atteinte B notre Constitution d~ans ses articles 39, 12'7, 128 et 129 ; or c'est un principle absolu de notre Droit public que la ( Constitution ne peut 2tre suspendue en tout ni en parties dans aucune parties du territoire > (Art. 193 de la Constitution). Voici le texte des autres articles directement violas par l'institution de la << Justice Privatale ,>: Art. 39).-<< La Puissance Judiciaire est exerc~e par un tribunal de Cassa- tion, des tribunaux d'appel, des tribunaux civils, de Commerce et de Paix >. Art. 12'7.-- Les contestations qui ont pour objet des droits civrils sont exclusivement du resort des Tribunaux >,. Art. 128.-<< Les contestations qui ont pour objet des droits politiques, sont du resort des tribunauxt, sauf les exceptions 6tablies par la loi >. Art. 129.--< Nul tribunal, nulle jurisdiction contentieuse ne peut itre 6tablie qu'en vertu d'une loi ,>. << Il ne peut Ctre cr6e de tribunaux extraordinaires sous quelque d~nomina- tion que ce soit, notamment sous le nom de course martiales >. Le Gouvernement d'Hai'ti ne tient ses pouvoirs que de la Constitution. S'il accepted que la Constitution soit violie et qu'un de ses rouages essentiels, tel que le Pouvoir Judiciaire, soit amoindri par des autorit~s 6trangares, il cesse d'8tre un Gouvernement constitutionnel. Le Bureau du Contentieux ne peut done qu'approuver I'intention du Se- cretaire d'Etat des Relations Ext~rieures de protester ~auprbs de la L~gation Amiricaine contre l'acte tre~s grave que vous nous aves fait l'honneur de sou- mettre a notre appreciation juridique. Veuillez agreer, Monsieur le Secretaire d'Etat, nos respectueuses salutations. Ci-j oint pi2~ces communiques. BULLETIN POLITIQUE La veillbe des armes Dans le tourbillon d'Cvenements qui nous emporte, comme des spectres galopant une chevauch~e diabolique, on n'a pas le temps de pleurer ses morts. A peine une douleur est n~e, une plus cuisante l'avive. Des cris d'angoisse et de deuil traversent la nuit ou se hite notre destin. C'est une 8me qui saigne plus qu'il n'aurait fallu, un coeur qui s'arrite pour avoir battu trop fort. Nos meil- leurs compagnons de route s'en vont et la vie devient plus lourde a porter. 26 GEORGES SYLVAIN Parmi les maux dont on p~eut mourir, il y a celui de trop aimer sa patrie. La m~decine lui donne parfois d'autres noms ; mais on ne s'y trompe pas, quand on a vu de pris deux cas se suivre, a huit mois d'intervalle... Il n'importe d'ailleurs : la tdche est la, qui veut itre poursuivie, jusq~u'a ce qlue l'heure: arrive de partir a notre tour. Redressons-nou-s. << Dieu est le maftre >, dit I'instinct populaire. En faisant de notre mieux, nous sommes toujours sors de marcher on~ il nous conduit. Parfois je songe : Comment leur rendre sensibles les convictions q~ui me sont si vivantes ? Les mots s'usent, a force d'avoir serv~i. La parole, fig~e en ecriture, perd de sa force magnetique. Je voudrais tant les persuader, ceux surtout de qlui va dependre notre avenir. I'avenir des generations a naitre, innocents du passe fautif ou criminal !... II faut pouvoir regarder en face la situation qui nous est faite, et ne pas en avoir peur. Que peut-il nous arriver de pis ? Perdre notre nationality ? Nonl pas : en conserver I'ombre, aprils avoir perdu I'honneur Sauver l'honneur, telle doit itre notre preoccupation supreme, si les exigences de nos adversaires nous enle~vent toute illusion sur le genre de subordination auq~uel ils pr~tendent nous assujettir. Et que nous command presentement I'honlneur ? Repousser les contrain- tes ; tenir ferme sur les limits, qlue, des le dCbut, le sentiment public a pos~ej comme infranchissables. Assistance temporaire, impliquant une cooperationl loyale et retribuee -- a l'etablissement d'un regime d'ordre et de stability, soit Domination indifinie, sous la forme financiere ou militaire, non L'honneur nous prescrit encore de ne pas donner a l'interlocuteur I'im- pression qlue notre resistance est a bout, qlue nous ne nous entendons plus sur le but a atteindre, et qu'en d~pit des dissidents, ceux qui me~nent la barque sont d~cidbs a en finir coilte qlue coi~te: pour avoir leur repos, ou, selon un euphemisme qui tend a faire fortune, pour r~aliser la situation... Ne cherchez pas, je vous en supplies, sous mes paroles une arriere-pense~e de blime ou de reproche N'allez pas m'attribuer je ne sais q~uelle posture pr~tentieuse de sonneur de morale J'ai trop besoin qlue les representants de la nation hai'tienne, les derniers pent-itre, fassent bonne figure devant I'6tranger, et gagnent la parties dont nous sommes le fr~missant enjeu, pour ne pas souhaiter passionn~ment qlue mes conseils d~sintiress~s leur servent en quelque manie~re L'heure est grave, et ne se prite guere a un Cchange de r6- ~criminations. C'est la veill~e des armes, ou~ l'on se recueille pour entendre monter des profondeurs de la conscience l'&cho des voix qui depuis longtemps ne parent plus. Di~s le jour ou~ notre pays s'est constitute en Etat independant, un group d'Hommes s'y est dressed en face de la barbarie mal domptie, pour fagonner le people hai'tien aux pratiques de la civilisation. Ce group, plus important par la quality que par le nombre, r~duit parfois a n'8tre qu'une poign~e d'id~a- DIX ANNEES DE LUTTE POUR LA LIBERTE liatee, toujourI comb~attu: toujour combaitantt, sest renouvele a toutes les epoques de notre histoire, et par son action perse~verantc. par son labeur r~flechi. a empiche la desag~regation preicoce die notre jeune Pocie~te, atteinte dju virus politiquer. 11 mc sembhle v-oir aujourd'hui -urgi c delant nious, dans5 on emouvant defile, tous ces morts au ca ur heroi'que. pocur nious dlemandler compete du prix~ de leur cocnstant sacrifice. A tour de role. cocmme les lampadlaires antiques do passaient le flambeau sacred, ils s'etaient 16gcue le mrlme mat d'~ordre : a Hali'ti c~iviliseer par les meilleurs de ses enfants >. Pourv\u qlue leur tradiitio~n ft^> miaintenue, ils n'en dlemandaient pas dla\-aiintag e. reposa"ient en p~aix sous le B(o des~ aleux. MIais vocihi que leur re~compense, trancher le lien q~ui nous rattache ii couxl d'autrefois,~ aux #iants dlont nous n'av-ons p~as fini de descendre ? DepIutes, SenatLeurs, qui eni face de nlotre jugc it tous, le grandl CrucifiB a\ez prete le serei nti s-oleninel der mainteni r inltates la sou\erainete de la nations et f'intigrrit; tlu territoire, enl aur~iez-\ ou.; \-raimenl t courage ? BULLETIN POLITIQUE L~a faculty d'amendement du Corps Legislatif en matikre de Traite A la seannce on a i0te opere le depot du project de Convention entire Hai'ti et lesd Etats-Ulnis, unl dliputi avnt.ul demand#l aul S~creitaire tl'Etat dles Relationn Extcricures- si les chamhresi etaient libres dle dliscuter et tie modifier le texte igne par' lui, M1. Borno aurail reponldu qlue le Corpse Legislatif a toute liberle de discuter la Convention et de ne pas la v-oter. si lelle est sa conviction. Mai. dl'aprb~ P~opinion dies sav-ants. il ne peut que I'appr~ou\- er ou la rejetcr. non)I Cette opinionl. si ellcet en~rlcore contr)\roverd (n dIoctrine (quelle questions die dlroit no I'est pas~ ?1) a eni effet. p~our ie llede juristesi quli font1 autorit?. enl matiibre de droit int~ernati onal. Un do nos hlonorab~les. manl ecellent conlfrbr~.. Mel. E~rnes~t C. A~nlinin. s'est donnE la pcine die recueillic leuirsi votes. Q!ulon me~ perimelte de reprodluiir ic~i. eni matiibre die vbpliqlue, Iee que je dlisais it popos dies amenldeme ntsi appliquis par' le Congrbs': tlminicain. eni 1907). au texte dlu Traniti entre les Etants-Unis; etII la Rl~rubliqulc dlominicanine.. aprbs; la Iiractifiaion du Sinal des Eta~~l'-nis. << A prolms' de~s liberrtbs qur'a p~irise le Congribs aver( (et acccle diplomlatilue. une questions so pose... Le droit. re~connu danns la plupart des Conlstitutions moh- aclulte: de modifier le texte de ces tranithR ? GEORGES SYLVAIN << Hitons-nous de reconnaltre qu'ane telle conception n'aurait en soi rien de contraire i la raison. < Qui peut plus peut moins >, dira-t-on. S'il appartient a un Corps d61iberant d'annuler, en y refusant sa ratification, une convention, consentie sous la reserve de cette ratification, a plus forte raison a-t-il le droit de l'accepter a correction, et de formuler, selon ses vues, les changements, auxquels il subordonne son acquiescement. << Encore que l'argument ne soit pas tout a fait meprisable, il est vivement contested. On pose, en principle, qu'un Parlement, saisi de l'approbation d'un traits, n'a d'autre alternative que de l'accepter ou de le rejeter. S'il lui parait necessaire d'obtenir des conditions meilleures, il sauvegardera les convenances internationales, en invitant les membres du Pouvoir Executif a ouvrir de nou- velles negociations avec l'autre parties contractante. Mais n'ayant pas le droit de faire les traits, il ne peut, sans porter atteinte au principle de la separation des Pouvoirs, amender de son autorite propre le texte defere a sa sanction. pas les traits, ne s'est jamais gene pour les defaire a l'aide d'amendements de sa fabrication. Considerant cette prerogative comme essentielle a l'exercice do son droit de contrale sur la politique exterieure, il I'a constamment revendiqube et exercee, malgre les protestations des gouvernements et des publicistes euro- peens. < abandonn6, par suite des modifications que le Senat federal ne s'etait pas fait scrupule d'y introduire lors de la discussion en seance publique. < Assemblee, en a subi, a son tour, la disgracieuse consequence. Dans I'impossibi- lite de representer i 1'adhbsion des gouvernements contractants les traitbs d'arbi- trage, nggocies par ses soins, mais revus aprils coup, corriges et consid~rable- ment augments par le Senat, force lui fut d'y renoncer. < le cate piquant de la question), I'autorite des precedents consacres par le Senat des Etats-Unis.. >. La lettre de M. Root, publiee dans notre dernier nlumero, a la suite de la Resolution du Congrias dominicain, atteste que le Gouvernement des Etats-Unis accept de considerer ces tres reels amendments comme des clauses interpr~ta- tives, ne touchant pas i l''bconomie du traits. Fagon e16gante de couper court a toute discussion. Chez nous, la Constitution fait-elle obstacle a la faculty d'amendement du Corps Legislatif, en matiere de traits internationaux ? La these est soutenue par le Depute Ernest Antoine, qui appuie son argu- mentation du texte de P'article 60, 3e. alinea, de la Constitution en vigueur : DIX ANNEES DE LUTTE POUR LA LIBERTE Art. 60.-Les attributions de l'Assemblde Nationale sont : lo) d'Clire le President de la Rdpublique et de recevoir de lui le serment constitutionnel. 20) de declarer la guerre, sur le rapport du Pouvoir Executif et de statuer sur tous les cas y relatifs ; 30) d'approuver ou de rejeter les traits de paix ; 4~0) de reviser la Constitution, lorsqu'il y a lieu de le faire. La lettre de la Constitution devant toujours prevaloir, dit Me Antoine, I'Assembl~e Nationale ne peut qu'approuver on rejeter les traitbs soumis a sa sanction : il ne lui appartient pas de les modifier. C'est fort bien, s'il ne s'agit que de l'Assemblee Nationale et de traits de paix. Entrent, en effet, dans les attributions de l'Assembl~e Nationale`, avec les declarations de guerre et les a cas y relatifs >, les traits de paix, c'est~-a-dire les traits mettant fin a la guerre. Mais la Constitution a pris soin de prevoir que pour tous traits autres que les traits de paix, c'est le Corps Le~gislatif (Chambre et S~nat d61ib~rant separement) qui statue. Voici l'article dont relive notre espe~ce : Art. 101.--11 (le President d'Hai'ti) fait les trait6s de paix, sauf sanctions de I'Assembl6e Nationale. II fait les traits d'alliance, de neutrality, de commerce et autres conventions internationales, sauf la sanction du Corps L~gislatif. Aucun texte ne limitant, comme en matieres de traits de paix, la faculte d'amendement, qui appartient sans contest au Corps Legislatif, toutes les fois qu'il a i sanctionner un acte ou une proposition du Pouvoir Ex6cutif, il s'ensuit que des modifications peuvent etre faites par les Chambres au project de Con- vention actuellement pendant devant elles, sans qu'une atteinte soit par la portie a notre droit public. Ce sera l'office de notre diplomatic de s'arranger, en pareil cas, de lacon a maintenir son accord avec l'autre Partie contractante. << La Patrie >>, No. 10, 22 septembre 19)15 30 GEORGES SYLVAIN Port-au-Prince, le 2'7 septembre 1915. Monsieur le Secretaire d'Etat de la Justice. En son Hatel. Monsieur le Secr~taire d'Etat. Pour r~pondre a votre desir. nous v;enons vous formuler par ecrit la gravrt communication que nous nous sommes empresses de vous faire verbalement samedi dernier. Deux de nos concitoyens, MM. Elie Guerin et F61ix Viard, I'un Directeur, I'autre Administrateur du journal Hai'ti Integ~rale, ont &tC arrites en compagnie de l'imprimeur du journal, M. Arthur Isidore, par un officer et des militaires du corps d'occupation des Etats-Unis, et escorts a 1'ancien bureau de la Place. La on les a fait comparaitre devant deux officers sup~rieurs du mime corps, les capitaines Williams et Van Orden, qui, se disant agir en q~ualit6 de tribunal prev~tal, ont condamni respectivement MM. Gu~rin et Viard a 130 jours de prison ou a 500 gourdes d'amende chacun. De plus, il a et& signifies a l'imprimeur Isidore que son contract avec l'ad- ministration de Hai'ti Intkgrale etait rompu et qlue le journal 6tait interdit, avis qui a 6tS ensuite transmis a tous les directeurs d'imprimerie. Le grief invoqu5 pour la justification de ces measures de rigueur est que les Directeur et Admi- nistrateur de Ha'iti Integ~rale ont opiniatrement refuse d'envoyer au grand pre- vat un exemplaire de leur journal et n'ont pas d~f~r6 a sa convocation. En consequence, M. Guerin a Cti incarcere aux Casernes Dessalines, et M. Viardl consigned a I'ancien Bureau de la Place. Pendant toute la journbe, ils y sont rests, jusqu'a ce qu'on ait reussi a trouver 1.000 gourdes, qjui ont et& verses au capitaine W~illiams, comnme rangon de leur libertC. Ce n'est pas pour nous le moment d'examiner si la disproportionl entire la penalite et les pretendues infractions peut se concilier avec la notion d'une justice impartiale. 11 nous suffit de vous rappeler q~u'avant que l'incident ne prit ce caractere aigu, M. Elie Gue~rin, en re~gle avec les lois ha'itiennes, puij- que le seul depit qu'elles prescrivent aux journaux, c'est celui de cing exem- plaires au D~partement de l'Inlterieur, et non suspect de parti-pris contre le capitaine WCilliams, puisqu'ai deux reprises il s'etait rendu a son appel, yous avait denonc6 la persecution dont il etait victim et s'6tait r~clam& de la pro- tection qlue lui devaient les autorites de son pays. 11 avait fait la mime demarche aupres du Senat, qui avait d~cidP d'Ccrire au Secr~taire d'Etat de l'Int6rieur dl'intervenir en sa faveur. DIX ANNEES DE LUTTE POUR LA LIBERTE Ces precautions avaient ete vaines, nous avons cru de notre devoir de signaler a votre sollicitude le cas de Hai'ti Integrale et de sa Redaction. Et comme la menace est la mime pour tous les membres de la press halitienne qui, en voulant defendre les droits de notre patrie, sont exposes a froisser les inter~ts adverse, nous vous serons reconnaissants de nous faire savoir si, a l'encontre des dispositions de notre loi national, les citoyens d'Haiti sont tenus d'obtempbrer aux ordres on aux decisions de l'autorite Ctrangibre qui com- mande sur notre territoire et pretend y exercer sa jurisdiction souveraine. Venillez agr6er, Monsieur le Secretaire d'Etat, I'assurance de notre consi- deration la plus distingube. Signed : Georges SYLVAIN, Edmond LAFOREST. Marcelin JOCELYN, Lys LATORTUE. (a La Patrie >>, No 12, 29 Septembre 1915) BULLETIN POLITIQUE De tous les articles que le New-York Herald a consacres a la question haltienne, I'un des plus important est, sans contredit, celui du 15 aoilt dernier, qlue nous publions en notre num~ro d'aujourd'hui. Il ne saurait Btre trop m~ditC, et sp~cialement de nos concitoyens a qui income la redoutable res- ponsabilitC de statuer sur le project de Convention entire Hai'ti et les Etats-Unis. Ce n'est pas la premiere fois qu'il nous arrive de signaler i pos hommes politiques l'int~rit exceptionnel qu'offre pour nous la lecture des journaux, qui en ce moment s'occupent auxr Etats-Unis d'entretenir un courant d'opinion favorable aux vues des autoritbs f~d~rales relativement a notre pays. Dgja nous avons public les appreciations de quelques-uns des organes de publicity les plus ripandus li-bas, pris dans tous les parties et dans toutes les regions, a l'6gard de l'intervention actuelle des forces militaires des Etats-Unis dans nos affaires int~rieures, et du profit qu'on en attend. Le programme d'action qu'on s'Ctait fixS et qlui a Pti exactement rempli, le New York Herald l'avait indiquC par advance. Aujourd'hui le grand journal d~mocrate expose dans toute son ampleur l'opinion d'un personnage official, q~u'il prbsente comme dtant bien placC pour connaltre les affaires d'Hai'ti. L'article denote, en effet, une connaissance ind6- niable et approfondie de notre situation et de nos meeurs politiques. Pour ce qui est de l'exactitude du tableau tracd de notre milieu, chacun de nous a par devers soi des 61Pments de contr81e personnel. Bien des traits auraient besoin d'en Stre retouch6s : on les notera au passage. L'essentiel, c'est la conclusion que tire de ses observations notre courtois mais rigoureux adversaire : 32 GEORGES SYLVAIN Avec les procbd~s dilatoires qui constituent, selon lui, toute la diplomatic hai'tienne, il n'y a pas d'autre m~thode a suivre que celle qlu'a suivie l'Amiral Caperton ; user de la maniibre forte, obtenir par la violence un arrangement, doucee ironie de ces deux terms accouples !) en d~pit des protestations hai`- tiennes. Ainsi en ont us& les Allemands, lors de l'affaire Luders et les Anglais pour l'affaire Peters, qui se sont hien trouv~s d'avoir recouru a la force. Autre- ment les Ha'itiens ne comprendraient pas qlue cette fois, ce ne sera pas comme d'habitude. Les partenaires strangers ne 1icheront pas, de guerre lasse, la parties. Ils resteront a demeure et obtiendront ce qu'ils d~sirent. Ce qu'ils d~sirent, ils ne nous l'ont pas laisse ignorer : etre les maitres chez nous, (et par leur conduite actuelle, nous avions un avant-goilt des f61icit~s qui nous attendent, au jour de leur domination dl~finitive) : contr61er les recettes et les depenses du gouvernement hai'tien ; tenir en mains ses forces militaires, de fagon a lui enlever toute velleit6 d'insubordination ; pouvoir debarqluer en tout temps des -troupes suffisantes pour reprimer les moindres tentatives de protestation armbe. Par ces moyens, les Etats-Unis entendent faire fructifier les richesses natu- relles de notre sol dont ils ont supputC le rendement et augmenter leur puissance politiq~ue et Oconomiqjue dans les Antilles. Voila, dipouillC de la phras~ologie humanitaire, v~ritable attrape- nigauds, dont les journaux skrieux de l'Union usent sobrement, sachant bien qlu'il y aura toujours assez d'Hai'tiens pour cette besogne subalterne, le- sens exact de l'exp~dition pratiquee contre notre pays. Voila ce qlue l'on exige que nous sanctionnions de notre vote! Comme fiche de consolation, on daigne nous promettre que le people ha'itien profitera des miettes du festin et s'engraissera de tout ce qui tombera de la table des maitres. Le resultat de l'exp~rience dominicaine n'5tant pas flatteur pour la thi~se, on s'en debarrasse d'un mot : a La suj~tion des Domi- nicains n'est pas encore assez 6troite. C'est pourquoi l'essai chez eux n'a q~u'a moitiC rbussi. Serrons le licou pour Hai'ti, et tout ira hien >> Que nos compatriotes se donnent la peine de lire et de comprendre !Ce ne sont pas la des hypotheses que nous 6mettons. L'opinion qlu'ici je resume nous est donn~e par le journal du parti au pouvoir comme celle d'un per- sonnage official, expliquant et commentant la politique actuellement poursuivie par le Cabinet de Washington envers la R~publiqlue d'Hai'ti. Elle s'adapte avec une parfaite precision aux faits qui se d~roulent sous nos yeux. Sa valeur documentaire est pour nous d'autant plus grande qu'on l'a produite, non ai notre adresse, mais pour I'Cdification du public des Etats-Unis. E11e ne peut avoir qu'une signification : Le Gouvernement q~ui a fait occuper militairement notre territoire est d~cid6 a faire sanctionner par le people hal- tien, et au besoin, i lui imposer son protectorat politiq~ue et financier. Tout contract est essentiellement une oeuvre de bonne foi. Ce principle est tellement r~pandu qu'il constitute line sorte d'axiome juridiq~ue. DIX ANNEES DE LUTTE POUR LA LIBERTE 33 11 est impossible que le Gouvernement ha'itien et nos Chambres Legislatives se fassent encore illusion sur le sens et la portee que le Gouvernement des Etats- Unis entend donner a l'instrument diplomatique, qu'il a voulu d'abord nous contraindre a signer sans discussion, condescendant ensuite a y consentir quel- ques changements. Or, ces changements suffisent si pen a sauvegarder nos interits qu'on a pa dresser avec les lacunes et les impr~cisions du texte signed par les plenipotentiaires des deux Parties contractantes un questionnaire d'une quarantine d'articles. J'entends dire cependant que des amis du Pouvoir Executif s'entremettent activement auprers du Corps Legislatif pour obtenir que ce texte soit vote tel quel ou, en d'autres terms, que d~puths et senateurs donnent, au nom de la nation halitienne, leur adhesion au protectorat qui y est consacre, de par les pouvoirs conf~ris au Conseiller financier et au Receveur des Donanes, de par le droit d'intervention armbe laisse a la discretion des Etats-Unis, de par la faculty tres large qu'aurait I'Etat protecteur de prolonger ind~finiment, a la faveur d'une formule elastique, la dur~e de son assistance. Accepter des conditions pareilles, c'est renoncer a notre independance national. Les rejeter ne nous fora pas une situation pire que celle qui r~sulterait de leur adoption. Entre les deux alternatives, je vote pour le rejet. << La Patrie >, No. 13, 2 octobre 1915 ENCORE UN MOT DU DROIT D'AMENDEMENT DU CORPS LEGISLATIF EN MIATIERE DE TRAITE J'ai pris interit a la lecture du Rapport de la Commission special, charge d'examiner la Convention signee entire Hai'ti et les Etats-Unis. Contrairement a la boutade de notre malicieux reporter parlementaire, F. Duvigneand, je le tiens pour un plaidoyer habile, m~ritant d'8tre serieusement 6tudie, quelque opinion qu'on professe sur les questions qui y sont trait~es. Nous nous attendions a ce que cet important document filt distribu6 a tous les journaux, de~s son impres- sion, par les soins de la Chambre. C'est pour nous un sujet de regret de ne l'avoir pas connu plus t~t, et de n'avoir pu nous en servir, selon le ro1e que nous nous sommes trac6, pour eclairer I'opinion. Sans vouloir braconner sur les terres de mon distingu6 collbgue et ami, Lys Latortue, qui y a consacr6 son Bulletin Politique, je voudrais qu'il me filt permis de detacher du Rapport la parties qui a trait a la faculty d'amendement des Chambres Ligislatives en matie~re de traits : elle m'a paru m~riter q~uelques Sclaircissements, pour parler comme les Dominicains. La Commission sp~ciale fait la part belle di la controversy, quand elle 6noncz les propositions suivantes : GEORGES SYLVAIN < Si le droit public des Etats-Unis permet au Senat d'amender un traits, c'est qlue la Constitution ambricaine content un article qui fait du S~nat le collaborateur du Prbsident des Etats-Unis en matiere de traits. Le President agit, sur et avec l'avis du S~nat >. L'article auquel il est ici fait allusion (pourquoi ne l'avloir pas transcrit ? ) est ainsi formula << II (le Pr~sident) aura le pouvoir, de I'avis et du consentement du Senat, de conclure des traits, pourvu qlue ces traits r~unissent la majority des deux; tiers des Senateurs presents >. Ce texte ne dit pas que le Senat a la faculty d'amender les traits, mais on l'inlduit des terms employes, tout comme nous pourrions induire du terme de: < en ratifiant les traits, qui ne valent qlue par son avis et son consentement: a le pouvoir d'en modifier les clauses. Ce qui est vrai, c'est que, danis le droit constitutionnel des Etats-Unis, Lz Senat jouit de prerogatives plus etendues qlue les Chambres haf'tiennes. S'ensuit- ii lque, sur le point special qui nous occupe, le pouvoir die note Corps L~gris- latif doive en Stre amoindri ? La revendication de son droit en matie~re de traits nest pas seulemenlt pour le Sdnat des Etats-Unis affaire de texte, c'est surtout a~ffaire de doctrine. La these par laquelle elle se justifie est admise par la plupart des hommes d'Etat et des jurisconsultes de l'Union comme dtant la mieux fondue en raison et la mieux adaptee a l'esprit dont proce~de l'organisation p~olitique de leur nation. Cela se ramene ai dire qlue, sous un regime d~mocratiqjue, le contrble des mandataires directs du people doit pouvoir s'exercer le plus largement possible sur les actes de la politique exterieure, comme sur ceux de la politiqlue interieure. Autrefois, c'6tait la prerogative exclusive du Roi de conclure les traits. 11 ne se concevrait pas qu'en Republique, le Pr~sident filt purement et simplement substitute au monarque. On ne doit done pas craindre de revenir, i 1'occasion, sur des n~gociations provisoirement solu~tionnees, la n6cessite de sauvegarder les principles fondamentaux qui dominant les institutions politiques du pays etant superieure a toutes questions de convenances internationales. Voici, dans la pratique, comment le S~nat, selon James Bryce (La Rdpu- blique americaine, edit. frangaise de 1900, tome I: ch. XI, page 157) exerce sa prerogative. < II depend du President de lui communiquer les negociations courantes et de prendre son avis a ce sujet, ou de ne rien dire jusqu'a ce qu'il lui soit possible de lui soumettre un traits complete. L'une et I'autre procedure sont adoptees, suivant le cas ou la nature des relations existant entire le Pr6sident et la maj orit6 du S~nat. Mais d'une manibre generale, la meilleur~e politique pour le President est de tenir les Chefs de la majority dans le S~nat et en particulier la Commission des Af~faires Etrange~res au courant des ndgociations pendantes. 11 tilte ainsi le pouls du S~nat. DIX ANNEES DE LUTTE POUR LA LIBERATE Cette Assembl~e, comme d'autrest a son amour-propre ; elle aime it s'entourer de renseignements et a conqubrir le plus d'autorit6 possible. De cette fagon, il la maintient en bonne humeur et peut prevoir quel genre d'ar- rangement elle sera le plus dispose a sanctionner., Voila a quoi se limited, en fait, la Le President Vilbrun Guillaume a procede chez nous de mime, lors de la negociation du contract Fuller. L'objection, tiree de la pretendue indivisibility des clauses d'un traits, - argument favori des juristes dminents de 1Europe, n'a jamais paru au S~nat des Etats-Unis avoir une port~e serieuse. Une Convention diplomatique, sur laq~uelle se sont acharnes deux pleni- potentiaires, 6galement intiress~s a l'adapter aux vues de leurs gouvernements respectifs, quand elle a subi l'assant des propositions, des contre-propositions, des additions, des suppressions, des remaniements de toute sorte, ne saurait plus pr~tendre a la belle ordonnance des constructions architecturales. Et o'est un peu se moquer q~ue de crier au sacrilege, si, pour en fortifier les fondements: des ouv~riers experts s'avisent d'y reporter la main. La Constitution halitienne autorise-t-elle un travail de ce genre ? Non, dit le Rapport de la Commission special. Elle ne contiebt pjas de disposition pareille a celle dont s'autorise le Sanat des Etats-Unis. Qu'importe si notre texte a nous se suffit a lui-mime! << L'article 101 de la Constitution, d'accord avec la doctrine europeCenne et notre jurisprudence parlementaire, circonscrit en l'espe~ce le r81e du Corps Legislatif dans un vote d'acceptation on de rejet.,, Ici, c'est aller un peu vite en besogne et slaccorder pour demontrer ce qui est justement en discussion. S'il faut faire notre choix entire la doctrine europeenne et celle du Senat des Etats-Unis, c'est a cette derniere que je me rallierai. Je la trouve plus res- pectueuse des inthrits sup~rieurs de la nation, q~uoique le fond de defiance dont temoigne l'opinion adverse a l'6gard des ... tripatouillages parlementaires, si on vent bien me passer le mot, soit loin d'itre chimerique. Que nos Chambres legislatives aient jusqu'a present ratified sansj chanlge- ment les traits soumis a leur approbation, c'est une jurisprudence dont onl peut revenir, si rien ne s'y oppose en droit, ni en raisont et si, comme dans I'espece, il s'en va d'un grave int~ret national. Le terme de sanction employee par la constitution ne s'oppose pas au droit d'amender tous traits autres que les traits de paix. S'il eat fallu enl restreindre l'application, le legislateur l'aurait formellement dit, comme it a fait a propos des traits de paix. Reconnaissons done aux Chambres ce privilege facultatif, sauf ai souhaiter q~u'elles n'en usent qu'avec une extreme discretion et dans des cas excep~tionnels. 36 GEORGES SYLVAIN Onl pent s'en rapporter a la sagesse du Corps Legislatif, pour Stre stir que darisoles circonstances d61icates oix se discute le sort du pays, son inter- vention se-limiiterait a la n~cessiti de donner une base plus solide et plus durable a l'accord entire le Gouvernement des Etats-Unis et le people ha'itien. (<< La Patrie >>, No 15, 6 Octobre 19)15) LETT~RE OUVERTE A SON EXCELLENCE Monsieur le President, J'ai appris dans le public que Me. Hannibal Price a ete, par les soins de M. le Secretaire d'Etat de la Justice, installC dans mes functions de membre du Bureau du~ Contentieux, sans que, au pr~alable, aucun avis m'ait etP donna de ce retrait d'emploi ni des motifs qui l'ont inspire. Je n'appricierai pas le procede, mais a propos de la measure, yous me permettrez, Monsieur le Prisident, de rappeler que si j'ai accepted de singer au Contentieux du Gouvernement, ce fut pour satisfaire au vif d~sir du Pr~si- dent Michel Oreste. Depuis lors, je n'y suis rest& qu'a mon corps defendant, sur les instances du Pr~sident Zamor, du Prisident Theodore et du Ministre Guilbaud, I'organisation rationnelle de cette institution n'ayant pas ete com- plitee, selon les vues de ses promoters et selon les promesses qu'on m'avait faites. Pours avoir raison de ma determination persistante de quitter la charge, Chefs d'Etat et Ministre m'ont tour i tour fait valoir la mime consideration : Store utile au pays. Ils s'Ctalent, en effet, rendu compete que c'est, a mon sens. I'argument supreme. Sans les circonstances exceptionnelles, sous lesquelles nous nous agitons et qui rendent plus imp~rieux le devoir des bons citoyens envers notre patrie, yous n'auries pas eu besoin, Monsieur le Pr~sident, de statuer sur mon renvoi ; je vous eusse d~ja 6pargn5 ce soin. En fait, votre decision s'est rencontr~e avec la mienne. Voici comment : Le Bureau du Contentieux ayant, sur la demand du Secr~taire d'Etat de la Justice, indiquS les raisons juridiques qui lui paraissaient propres i. fortifier~ la protestation du D~partement des Relations Ext~rieures contre la jurisdiction previtale, I'un des trois membres de ce Bureau, Me. Arthur D). Rameau, ne se fit pas scrupule, quelques jours apras, de contredire, dans un article de journal, les conclusions que, sans objection ni reserve, il venait de contre-signer. Accepter .qu'un tel procede devint la re~gle de notre institution, c'etait enlever au Bureau du Contentieux sa raison d'8tre, en ruinant l'autorit6 de ses avis. Le Secretaire d'Etat de la Justice allait itre saisi de ce grave incident, quand, dans une note au Nouvelliste, confirmed depuis par des declarations DIX ANNEES DE LUTTE POUR LA LIBERTE au Senat, M. le Secretaire d'Etat des Relations Extdrieures, pour le. Departe ment de qui nous avions opind, prit publiquement a son compete la. these de Me. Rameau, se l'appropriant a ce point qu'on se demand auquel des deuxe elle a d'abord appartenu. Dans ces conditions, il me devenait impossible de continue mon service au Contentieux. Je n'allais pas tarder a vous en aviser. Aucun grief, Monsieur le President, ne m'a et6 et ne peut m'etre formule, qui ait trait a l'accomplissement de ma tlche officielle. Je pourrais done m'6tonner que le fonctionnaire soit atteint, quand, de notori~t6 publique, c'est le journalist qui est en cause. 11 m'est, en effet, revenue de source certain, que, en vous demandant ma revocation, M. le Secretaire d'Etat de la Justice, E. Dorneval, n'a c~de q~u'a un movement d'humeur et de rancune. II: a ~tenu a se venger du compete rendu de son entretien avec les quatre r~cda de la condemnation prononcie par le tribunal priv~tal contre le I~irecteur et l'Administrateur d'<< Ha'iti Intigrale >, et recevoir du Gouvernem~ient des direc- tions pratiques au sujet de l'attitude a observer par les Haitiens an face de l'occupation militaire des Etats-Unis. 11 n'est pas un mot de n~otre~ conversation avec le Secretaire d'Etat de la Justice, comme avec son colligue d e'Relations Excterieures, qui ne soit fidiblement rapport. i Quel qu'ait et6 l'effet des paroles de notre interlocute~ur-suri republicic, les journalists qui se sont contents de les recueillir et de les pr~igagdr, con- form~ment a leur r61e professionnel, ne sauraient en Stre rendus ;tsji'onsables. Nous ne nous sommes d~cid~s, mes amis et moi, a nous niialeT de jour- nalisme qlue pour remplir un trias haut devoir : d6fendre la na ioi~itg hai'- tienne. Nous disions en d~butant : < vouloir, blesser on contrister, nous en exprimons, une fois pour toutes, nos regrets. Notre tiche est d61icate, et nous avons besoin, pour y r~ussir, de la1 bienveillance g~n~rale >. Sans parti-pris contre personnel, nous avons constamment preche l'union entire les citoyens, et jusqu'a la signature du traits qui sanctionne la main- mise des Etats-Unis sur notre pays, le ralliement autour du Go~uvernement constitutionnel. Dans les conditions les plus penibles, nous avons sacrifice notre repos. notre sant6, nos int~rits particuliers Avidents, a susciter au dehors et parmi les natres un courant d'opinion favorable a notre cause national. Je n'ai rien a retrancher de cette oeuvre : elle sera demain un titre de fierte pour mes enfants. Je sors de ma charge, comme j'y suis entrP, la tete haute, ayant donned a I'Etat plus qlue je n'en ai regu, et sauviegardC ses interits. sans y souffi'ir aucune atteinte. Contre les membres du Gouvernement, q~ui ont trouve pour me remercier GEORGES SYLVAIN une formule si imprevue de civilite, je n'ai ni rancune ni colere, et je souhaite q~u'au jour du depart, (puisqu'ici-bas tout nous quite un jour), le people hai'tien, en les b~nissant. leur rende un pareil temoignage ! Venillez agrierl Monsieur le President, I'assurance de mon plus profound respect. (, La Patrie >, No. 16, 9 Octobre 1915) BULLETIN POLITIQUE Je lis dans un des derniers journaux regus des Etats-Unis que la Conven- tion signie par le Gouvernement hal'tien ne rencontre pas d'opposants, sinon parmi les chefs rhvolutionnaires et leurs partisans dans les Chambres. Cette information est donnde comme venant de M. Davis, qui a dil Ctre aussi 6tonn6 q~ue nous du propos qu'on lui pr~te. Mais nous savons avec quel sans-gene les journaux disposent la-bas du nom des personnages officials pour renforcer la valeur de leurs informations. On se rappelle que M. Duvivier, pendant qu'il reprbsentait notre R~publique a W~ashington, eut a protester contre un trait semblable. Nous ferions bien rire un de nos grands confribres de New York, en lui apprenant qu'il existe un pays ou le journalist est tenu, sous peine de prison et d'amende, de ne publier que des nouvelles vraiest et que cette measure a pour auteurs les propres agents des Etats-Unis. 11 semble, d'apres ce qui precihde, que, malgre toute l'attention qu'on nous po~rte, on ne soit pas toujours exactement renseigne sur les choses de chez nous. Par contre. sur les desseins des autorit~s des Etats-Unis envers notre pays, nous n'avons jusqu'ici rien lu dans les journaux bien informs qui n'ait ete de point en point r~alisC. C'est ce qui donne pour nous a ces revd1ations une importance toute particulie~re.-- Or, voiciqulle tin e provisions au moment oil venait d'arriver la nouvelle de la signature de la Convention. < Les Chambres hai'tiennes, comme le Gouvernement Dartiguenave, se sou- mettront vraisemblablement aux vues des Etats-Unis. Si le trait& doit subic quelque echec, ce ne pourra itre que du c~te du S~nat f~d6ral. ( En attendant que le Sinat ait a statuer sur cet acte diplomatique, le Departement d'Etat contractera avec Haiti, sous le nom de modus vivendi, un arrangement provisoire, qui consacrera par anticipation la mise en vigueur de la Convention. De cette fagon, quand elle arrivera devant le S~nat, elle aura et& deja applique depuis quelque mois, et par ses heureux effects, se recom- mandera d'elle-mime a l'approbation de la Haute Assembl~e >. La procedure qu'on se propose de suivre, c'est facile a voir, est celle dont se servit le Prdsident Roosevelt aprels la conclusion de l'accord dominicain. Elle suscita d'assez vives critiques parmi l'opposition d~mocratique, qui .trouva que le President, en contractant, mime a titre provisoire, et en s'empres- DIX ANNEES DE LUTTE POUR LA LIBERTE 39 sant de mettre a execution un traits d'ou~ r~sultaient des engagements a la charge de l'Union fbderalet faisait trop bon march& des prbrogaatives constitutionnelles du Senat des Etats-Unis. Le s~nateur Tillman alla jusqu'a qualifier de a triche- rie > un tel proc~di. Nous ne serions pas opposes, pour notre part, a la negociation d'un modus v;ivendit s'il doit avoir pour effet de r~tablir sur des bases normales et conve- nables nos rapports avec les Etats-Unis et ramener aux limits d'une collabora- tion amicale la dictature exerche sur notre territoire par les Chefs de l'Occups- tion Etrange~re, qui, en fait, se sont subordonn6 le Gouvernement Hai'tien. Quelle qlue soit ma deference pour les th60riciens du a droit d'intervention armee en temps de paix >, j'ai peine a admettre qlue l'exercice de ce pr~tendu droit, la proclamation de la loi martial et la prolongation d'un 6tat de guerre en pays ami, soient une bonne preparation a une entente sincere et durable, - je dirais m~me : a un protectorat bienveillant. C'est aller a l'encontre de ses intirits que de commencer par maltraiter et hlumilier qui l'on pretend conduire. Notre malheureuse Patrie a surtout soif de paix morale et materielle. Or, du fait de la domination du pouvoir militaire stranger et des conditions arbi- traires dans lesquelles trop souvent elle s'exerce, un malaise nouveau, une inquietude nouvelle, sont venus s'ajouter a nos anciens motifs d'ins~curite, sans qlue l'anarchie morale soit diminuie, ni la disunion moins grande entire les citoyens. La pacification des esprits est le grand problem de l'heure presente. Ce n'est pas une oeuvre on~ la carabine et le canon puissent s'employer. Le modus vivendi, tel qlue je le congois, consacrerait, au -rebours de ce qui a etC pratique jusqu'ici, I'inauguration d'un regime de concorde et de conflance mutuelle entire le people d'Ha'iti et les arbitres de sa pacification. En fixant la limited de leur pouvoir direct au point de rencontre avec la Constitution ha'itienne, ils substitueraient aux caprices d'un autocratisme sans contrepoids l'autorit6 immuable de la Loi, cette Souveraine de 'ilge d~mocratique, sans laquelle il n'y a plus de civilisation veritable. Pour q~u'une teller forme d'accord devint possible, q~ue faudrait-il ? Sim- plement que les Etats-Unis, renongant a la prevention initial, a l'erreur d'obte- nir de nous par la contrainte des avantages immerit~s, rentrent dans la r~alitC de leurs traditions, des principles, q~ui ont fait leur force et leur grandeur et dont le maintien leur est necessaire pour convaincre de leur sinc~ritd les autres Etats ind~pendants du Nouveau Monde. Mais avant qlue l'on n'en arrive a 1'e1aboration d'un modus vivendi, il appartient au S~nat de la Republique d'examiner sans parti-pris, dans le calme d'une r~flexion libeirbe de toutes influences ext~rieures. le traitC soumis a sa. sanction. Plus il se montrera ferme a la defense de notre interft national, plus il aura la chance d'en garantir le respect. << La Patrie >. No. 1'7. 13 octobre! 1915 40 GEORGES SYLC~VAIN AU TE1VPS JADIS Charles Sumner Nissage Saget Je ne sais si nos lecteurs attachent une suffisante importance au discourse de Charles Sumner, dont nous avons pris soin de reproduire dans notre journal les passages essentiels. Mais tout en est a retenir. En regard de ce qui se passe, il est d'une poignante actuality. Je voudrais que les enfants de nos ecoles apprissent a venerer le nom de Sumner, non seulement comme celui d'un des plus grands orateurs des Etats- Unis, mais d'un homme d'Etat qui, par la larger de ses vues et la g~nbrositi! de ses sentiments, a honorC l'espece humaine. Ami et confident de Lincoln, il protestait, comme le President abolition- niste, que les principles de droiture et de probity, qui obligent entire eux les hommes dans les rapports de la vie priv~e, ne doivent pas Stre d'une observance moins rigoureuse dans l'exercice de l'action politique, et conservent leur force obligatoire dans les relations internationales, mime a d~faut de sanction pra- tiqiue. A cette inspiration ga~n~reuse son eloquence naturelle empruntait un1 accent et un &clat incomparables. Il en faisait un point d'honneur pour sa nation. << Notre Republique, disait-il, ne s'est pas constitute comme les autres. Nos ancitres se sont exiles d~finitivement du pays natal, pour fuir la tyrannie et I'injustice, pour itre libres de vivre selon leurs convictions. Il nous est impos- sible; i nous people des Etats-Unis d'Am~riqlue, d'attenter a la liberty d'aucun~ autre people, st faible soit-il, ni de manquer a la justice envers qui nous la r~clame. Ce serait trahir notre passS, enlever a l'oeuvre de nos Pihres Pe~lerins toute sa signification, i notre 6tablissement social et politique toute sa raisonl d'8tre. << Nous devons au monde le constant example de l'honnatete, sous peine de d~cheance national >> 11 disait encore : << Tous les hommes sont 6gaux devant la loi; toutes les nations sont gales devant la loi international. Elles sont gales, parce q~ue le principle de leur souverainet6 est le mime, q~u'elles soient puissantes on d~biles, indigentes on prosperes. Un particulier qui abuse de sa force pour opprimer le faible est m~prisable. De quelle autre epithiate qualifier un grand Etat, q~ui applique a un plus petit un traitement qu'il n'aurait pas toldrd pour lui-mi~me.>> Et venant au cas d'Hai'ti : < La loi international, disait-il, n'admet pas de distinction de couleur. Par un acte du Congris et la nomination d'un repr~sen- tant diplomatique, nous avons reconnu a Ha'iti, la R~publique des noirs, des droits Cgaux aux n~tres dans la famille des nations. C'est violer cette igalitd que de menacer Hai'ti (aujourd'hui, on n'en est plus a la menace) d'une inter- vention arm~e. L'intervention arm~e, c'est la gruerre Or, la guerre n'est jus- tifiable que dans 1'Ctat de 16gitime defense, ou quand il s'agit de se prot~ger contre les empi~tements d'un voisin >> DIX ANNEES DE LUTTE POUR LA LIBERTE 41 Quand la grande voix de Sumner s'B1evait au S~nat des Etats-Unis pour proclamer ces hautes vdrit~s, elle ne rencontrait pas de contradicteur. On pouvait voter contre ses propositions, mais la conscience de ceuxr qui l'icou- taient lui donnait raison ; et I'opinion se ralliant a sa cause, decidait de l'abandon des projects adverse. Que dans nos families et dans nos ecoles, j'y insisted, le nom de Charles Sumner: du pan~gyriste de Toussaint Louverture, soit, aux jours sombres qun nous subissons. I'objet d'un culte particulier. J'aimerais entendre nos enfants r~citer, comme ils r~citent les fragments de notre epop~e national, la page: qu'il consacre a l'entrevue du vieux Nissage avec l'Amiral Poor. Vous vous rappelez la scene. Pour active le vote du Congres dominicain, appele a sanctionner un traits~ d'annexion p~artielle, passe entire le Gouviernement de Baez et le repr~sentant des Etats-Unis, autant que pour tenir en respect les populations r~volt~es, les ports de la Republiqjue dominicaine ont &te occupies par les navires de la marine fed~rale. Mais dans la crainte que Haiti, a peine sortie de deux annies de guerre civil, ne porte secre~tement secours aux insurg~s, on decide de I'intimider par' une demonstration~ navale. Deux vaisseaux puissamment arms entrent dans la rade de Port-au-Prince. Un amiral en debarqlue, accompagne d'une suite nombreuse. Sans s'inqui~ter de formes protocolaires, il va droit au si~ge du Gouvernement provisoire, oil se tient le Chef du Pouvoir ex~cutif, le g~niral Nissage Saget, et se faisant annon- cer par un interprete : a Je viens en ami, dit-il, mais je voudrais vous com- muniq~uer les instructions de mon Gouvernement.>> Nissage: ne perdJ pas sa presence d'esprit. 11 reponld que seul le Conseiller auxr Relationls Extbrieures a quality pour recevoir une communication officielle des agents d'une Puissance amie. Le Conseiller est mande : convenables, chacun des interlocuteurs remis a sa place. Deja l'Amiral se sent moins a l'aise. Mais il s'arme de toute sa morgue pour l'accomplissement de sa mission comminatoire. << Une Convention se traite entire le Gouvernement dominicain et les Etats- Unis. Le Gouvernement des Etats-Unis regarderait comme un acte d'hostiliti toute immixtion en faveur des insurges dominicains, pendant la p~riode des negociations ,>. Par la fenitre entr'ouverte, la haie de Port-au-Prince se decouvrait toute, rutilante aux feux du soleil. Les deux gros vaisseaux de guerre, mouilles non loin du port, apparaissaient knormes, comme des forteresses flottant sur la mer. On pouvait voir, a leurs panaches de fumee, deux autres navires se diriger vers la rade. ( J'ai de quoi executer les ordres regus, continue l'Amiral, en les d~signant. Si je rencontre des bateaux hai'tiens on autres dans les eaux dominicaines, je les prendrai ou les coulerai >>. GEORGES SYLVAIN Le vieux Nissage, pendant cette bordee marine, nl'avait pas broncho. Quand ce fut fini, il se concert un moment avec ses ministres, et repondit textuellement ceci : faite, au nom des Etats-Unis. Dans les circonstances presentes, le Gouverne- ment d'Hai'ti s'abstiendra d'intervenir dans les affaires intbrieures de la Repu- blique dominicaine : mais il ne pourra empecher que les sympathies des Hai'- tiens ne soient du cate des patriots dominicains, combattant contre I'annexion.> Voila comment les gens d'autrefois entendaient chez nous la dignity na- tionale. (<< La Patrie >, N~o. 18, 16 Octobre 19)15, AUX MEMIBRES D~E L'UNION PATRIOTIQUE Mes chers amis, C'etait chose entendue qu'au moment oil prendrait finl la mission que vous nlous aviez confine, soit que notre champagne patriotique diit 2tre poursuivi; sous une orientation nouvelle, soit qu'il yous partit meilleur de nous tenir au premier terme de cette experience, les deux membres primitivement d61egues par vous a la direction du journal < l'effort accompli. Me voici seul au rendez-vous. L'un de nous deux est tomb& au champ d'honneur. Vous vous rappelez son hesitation a s'y engager. Non pas que les risques a courir fussent de nature a ebranler son courage, ni que l'entreprise ne lui pariit helle et necessaire, mais il en craignait le contre-coup sur sa santi. 11 ne se decida que quand, resolu moi-mime a ne consulter qlue notre devoue- ment fraternel, je lui promise de partager avec lui la besogne. On s'est donn6 beaucoup de mal pour ticher de d~couvrir a quel secret mobile nous obeissions. C'etait pourtant bien simple, et nous n'avions pas eu de peine a nous en expliquer. II s'agissait de reveiller dans notre pays le senti- ment patriotique, qui, a ce moment, semblait assoupi, de gagner au dehors quelques sympathies a notre cause national, et d'obtenir q~u'un sort meilleur ffit fait a notre Patrie. Une telle initiative, s'exergant en dehors des parties politiques, semblait faite pour rallier parmi nos concitoyens toutes les adhesions. Manifestement elle ne s'inspirait pas de notre int~rit personnel. Quand l'orage gronde, quoi de plus commode que de rester chez soi ? Mais il a suffi qu'elle heurtit des interits divergents, que des rancunes particulieres se donnassent comme unl mot d'ordre de la denaturer, pour d~chainer sur mon nom et sur ma personnel des haines et des cole~res furieuses. Ceux mimes qui etaient appeals a recueillic le ben~fice direct de notre action ; pour qui toute victoire de la souverainete national ne pouvait correspondre qu'a un accroissement d'autorit6 et d'in- DIX ANNEES DE LUTTE POUR LA LIBERATE fluence, se sont appliques a rabaisser au niveau des mesquines prBoccupationsj de la politique professionnelle l'ind~pendance de notre attitude. Tant d'injustice n'a pas ete sans assombrir les derniers jouis d'Edmondl Laforest. Mais deja la tache que nous nous itions de concert assigned 6tait plus qu'aux trois quarts remplie, avec l'aide de nos d~voues collogues du Comite de Redaction, MM. F~quiere, Jocelyn, Latortue, et de nos jeunes collabo~rateurj MM. Duvigneaud et Benoit. Quoi qu'il arrive d~sormais, les generations < est en question, sauront que, dans ce debat, leur droit de dlisposer d'elles-mimes a et&~ invoque et d~fendu. L'idee a laquelle nous avons sacrifice le meilleur de nos forces peut paraitre momentanement obscurcie ; nous nous sommes pourtant convainous qu'elle est encore vivace dans la conscience d'un grand nombre d'Hai'tiens, -reservs d'energie pour his temps d'epreuves, espoir de regeneration, quand chacun se sera rendu compete de ce q~u'elle exige de lui, si nous v;oulons tous que la Patric SUTVIVe. A l'etranger, en repandant le plus possible notre journal, nous nous sommes efforces, mes colleagues et moi, de faire connaitre sons tous ses aspects la question ha'itienne, telle qu'elle est actuellement posee devant le monde civilise. Il y aurait encore certes beaucoup a en dire, mais nous l'avons, tout au moins en France et aux Etats-Unis, signaled a l'examen des publicistes impartiaux. Peu imported que l'attention de l'Europe, absorbee par la formidable guerre, oit se concentrent depuis plus d'un an les forces vives des plus grandes Puissances de l'Ancien Monde, se d~tourne maintenant de nous. Peu imported qu'aux Etats- Unis, notre etat prolonged d'anarchie politique et l'horreur provoqube par les sanglants d~sordres du mois de juillet dlernier, aient fini par lasser les plus robustes sympathies et par convaincre opinion la plus indulgente que, pour le bien mime de notre people, il faut le deposseder d'une souverainetC dont il fait un tel abus. Un jour viendra peut-Stre oix la semence de v~rite, depose dans les esprits, germera, et si nous savons miriter notre redemption, y aidera effi- cacement. Notre regret a ete grand de ne pouvoir etendre cette forme modest de pro- pagande aux Etats de l'Ambriqlue du Sud, ou~ la vie intellectuelle est si intense. Par leur intervention, produite a deux reprises en faveur du Mexiq~ue, nous avons eu la preuve qlue leur opinion n'est pas tenue pour negligeable, q~uand des difficulties internationales mettent en cause l'ind~pendance des R~publiq~ues de cet H~misphere. Mais it etait inevitable qlue Haiti, a l'heure du peril, pay;,t leJ conseqluencei die son isolement au milieu des autres nations americaines. S~parees de l'Ambrique latine par la difference du language et par les diffi- cultis des communications, nous ignorons presq~ue tout de ce qui se passe chez ces jeunes et robustes nationalists, dont nous rapprocherait une certain commu- nautC d'origine et d'6ducation. Nos hommes politiques, fermbs aux vues g~ndra- les, pour qui toute la science de gouverner n'a -jamais consisted qune dans la chasse GEORGES SYLVAIN aux expedients on danis des luttes d'influenlce personnelles, ne se sont pas avises que nlotre pays pourrait avoir interet a chercher par la un point d'appui. Mime si P'essai n'efit d'abord about q~u'a unl change de politesses, il valait la peine d'8tre tenlte: les Conferences pan-amer~icaines en auraient aisement constituE l'amorce. Faute de temps et de r~elationlsl nous avons dt~ nous bornler a envoyer quel- ques numiros de << La Patrie >> au Venezuela. Plus de deux mois se sont ecoules. depuis que nlotre a uvre, limitee dans sa duree a la consicration~ des nouveaux rapports entire Haiti et les Etats-Unis. s'est constitute et se pursuit. Dans cet intervalle relativement court, les agents militaires de la conquete sans combat. dont nos puissants voisins ont entrepris chez nous la realisation, se sont empares progressivement des principaux services civils, apres s'etre d'abord assures de nos bateaux de guerre et de nos troupes. Quel q~ue soit le nom dont on haptise cette domination, ce qu'il nlous imported de constater, c'est qtu'elle affected de plus en plus les allures d'un fait accompli. Tandis que le Senat de la Republique 6tudie les moyens, tout en faisant la plus large possible la part des Etats-Unisl de saur-egarder nos droits essentiels de nation independante. on complete par ailleurs l'investissement de notre sont- verainete. Quelques Hai'tienls, confianlts en la loyaute des declarations de l'Etat pro- tecteur, attendent de son immixion dans nos affaires une ere de prosperiti complete pour nos populations et continent d'esperer qju'une fois accomplice sa mission civilisatrice, il nous rendra la libre direction de nos destinies. Com- ment jouer sur une si fragile hypothese l'avenir de tout un people ? S'il ne s'agit que de progress materiel. nlous sommes d'avance persuade:, que faction des Etats-Unis. surtout bienfaisante pour les gens d'affaires qui s'emploieront a nos divers-es entreprises, profitera au pays et a une parties de nos habitants. Mais dans f'ordre plus eleve des progress moraux et sociauxe ce n'est pas aussi stir. Un point de depart d~fectueux compromet des maintenlant le success de cette intervention. Si elle se filt montree pacifique et bienveillante dans ses actes, comme elle l'etait dans ses propos, << l'assistance >> aurait rallied, des l'originle, tous les elCments progressistes, et se serait impose d'emblee di la reconnaissance du people haf'tien. Inspire, au contraire, d'unl sentiment de defiance contre les que le Pouvoir stranger qui nous domine n'est apparu en beaucoup de cas que comme l'h~ritier pur et simple de notre ancien despotisme militaire. Cet 6tat. de choses se modifiera-t-il ? C'est un espoir qlui nous est permis : le conltraire serait trop triste. Mais tant que les flicheux errements, auxquels le pays doit sa ruine, persis- teront sous la nlouvelle etiquette, apres avoir discredited I'ancienne ; tant que la routine des politicians continuera de produire ses fruits de mort ; qu'il n'y D)IX ANNEES DE LUTTE POUR LA LIBERTE 45 aura pas un changement de fond dans les proc~des de gouvernement qui nous sont appliques, I'instabilit6 des esprits sera la mime et notre decadence national: ne fera que s'accentuer. Je ne me lasserai done pas de le redire. Hai~ti, comme group ethnique, ne progressera que dans la measure on~ nous l'aurons voulu. Aucun people Ctranger ne peut prendre a notre prosperity plus d'intdrit que nous-mimes. Personne n'aura jamais l'idde de faire notre bonheur malgrC nous. Si nous ne voulons Pas nous ddtacher du mal qui nous perd, comment notre bien en sortirait-il ? En dehors des dirigeants, chaque citoyen peut, pour son compete, continue a ambliorer I'avenir de la patrie, ne filt-ce. qu'en lui prkparant des enfants capable de lui miriter un sort meilleur. Mime quand le naufrage est imminent: que le navire fait eau de toutes parts, qu'aucun moyen de salut ne reste, il y a encore quelque chose a faire : poursuivre sa tiche jusqu'au dernier souffle. Rappelez~vous, sur le Titanic, le t616graphiste q~ui, en multipliant ses signaux dans la nuit, jusqu'a la minute ou~ il est interrompu par la mort, rbussit a diriger vers le lieu du sinistre les vaisseaux de sauvetage ; mieux encore, les musicians jouant, comme de coutume, pour raffermir I'ime de ceux qui vont mourir, ne s'arritant de jouer que quand ils se sont abim~s dans les flots !... Des annees et des annees passeront ; mais aussi longtemps qu'un coeur vaillant hattra dans une poitrine humaine, leur example y retentira et s'y. renouvellera en fleurs d'h~roi'sme ! -Bien affectueusement a vous tous, << La Patrie >, No. 20, 30 octobre 1915 CHRONIQUE POLITIQUE Mon premier article de journal remote a l'annbe 1886. C'etait une pro- testation contre l'abus de la force dont notre R~publique venait d'8tre victim, A propos du raglement de l'Affaire Maunder. J'etais 6tudiant a Paris. Le journal << Le Voltaire > voulut bien la publier. Rentrb au pays aprbs l'ache~vement de mes etudes, je collaborai aussit~t aa La Verit6 >, le journal oil Lara Miot reprenant la tradition des Darfour, des Fruneau, des Courtois, des Exilien Heurtelou, des Duracini Pouilh, des Delorme, des Flambert, des DulcinP Jean- Louis, des Ducas Hyppolite, des Thoby, des Edmond Paul, avait arbor en face: de l'autocratisme triomphant le drapeau de la Presse independante. Les conditions du journalism hal'tien out pu, a de certain Cgards, changer depuis cette Cpoq~ue : la tolerance n'y est pas mieux p~ratiq~uee. Alors, plus qu'aujourd'hui, la parole imprimbe jouissait d'un prestige spe- cial. On y 6tait crddule a l'exces ; on la redoutait et on s'en irritait outre measure. Les controversies doctrinales 6taient plus fr~quentes : elle avalent.moins vite fait GEORGES SYLVAIN de de~gen~rer on qluerelles personnelles, quoique ce procede soit tellement invet~rC en nos maeurs-q~u'il est permis de le regarder comme un travers national. Chez nous, les polemistes, quand surtout la politiqlue est en jeu, ne volent, d'habitude, I'id~e a combattre qu'a. travers des personnalit~s qlui leur d~plaisent. Peu leur imported d'approfondir quelle est I'opinion de ceux qu'ils adoptent comme-tites de Turcs : il s'agit uniquement de les demolir, et pour cette besogne, tous les moyens sont bons. Quand les faits parent contre et qu'on ne peut les nier, ils essaient de les turner, d'en diminuer la portee par des diversions. com- mirages,.injures, mensonges, calomnies. Leur souci n'est pas d'Sclairer, de con- vaincre, ni mime d'avoir raison, mais de donner des coups. Ils ne s'arratent pas a consider si ces coups, ass~nbs au hasard avec une violence aveugle, ne portent pas a faux, oU ne s'igarent pas dans le vide, pourvu q~u'ils aient le der- nier mot, a le dernier gros mot >. Toutes les fois que ~les circonstances ont permis l'eclosion d'une press politique, il en a 6te a pen pres de mime en notre milieu. Ce qui semble parti- culier a notre ire, c'est une fagon d'outrance, de bravade vis-a-vis de l'opinion honnite ou pond~rbe, un certain degr6 d'intr6piditC dans le paradoxe. De la vient que le journalism, comme la politique, off re parfois I'aspect d'un mauvais lieu, qu'on traverse, mais ou~ l'on ne sbjourne pas, si l'on tient :i Cviter les Cclaboussures. L'Union ;Patriotique, en se donnant un organe de publicity, n'avait entendui qu'user charges de cette parties de notre programme d'action, de s'y consacrer au deli d'une ~pbriode limitee, I'organisation d'un journal en notre pays ne permet- tant gue~re d'autre travail, il avait ete convenu que la publication de < du trait& entire Hai'ti et les Etats-Unis. S'il y avait moyen de renouveler le ComitC de R~daction, on irait jusqu'au vote du S~nat f~deral. Mais les conditions de notre Quvre ne se pritaient pas a un effort plus prolonged. Au moment oit notre mission tire a sa fin, nous croirions manquer a un devoir, en ne remerciant pas les amis, qui, de tous les points du pays, n'ont cesse de nous prodiguer des temoignages de sympathie et d'encouragement. Une des regles de notre Redaction est de ne pas publier les lettres d'C10ge, ces sortes d'exhibitions, quand surtout on les ripete, pouvant itre aishment suspect~es de quelque complaisance a se faire valoir. Mais nous tenons a. ce que nos corres- pondants sachent combien nous leur restons reconnaissants de nous avoir sou- tenus dans la lutte. Le mot qui de partout nous a ete le plus fr~quemment redit, c'est celui-ci : < Votre journal donne la note just >. La certitude de concorder ainsi avec le sentiment vrai de la majority des Hai'tiens cultiv~s nous a et5 d'un prix inestimable. C'est encore elle qui maintient notre confiance dans le triomphe de nos id~es. Quels que soient les moyens dont dispose l'erreur, le bon sens finit toujours par avoir raison. Un jour viendra, nous en sommes persuades, oh~ ceux qui de bonne foi DIX ANNEES DE LUTTE POUR LA LIBERTE 47T ferment les yeux a l'evidence, on s'obstinent a ne voir qu'un seul aspect des choses, rendront justice a notre attitude et conviendront. tout au moins dans leur for int~rieur, qlue si, du commencement a la fin, nos gouvernants s'6taient efforc~s d'accord avec le sentiment national, de faire triompher les m~mes vues, la position diplomatiqlue du pays serait devenue meilleure. L'annexion qlue l'on parait avoir redoutee ne se serait pas vraisemblable- ment produite, parce qlue, de toute evidence, les Etats-Unis n'y etaient pas pr~pa- rds. La vigilance qlue leur impose la situation dans le monde, en raison des inci- dents qui peuvent surgir de la guerre europeenne et des affaires du Mexique, ne leur permettait pas d'immobiliser chez nous la quantitS de troupes n~cessaires pour maintenir sbrieusement l'ordre sur toute l'6tendue de notre territoire, villes et campagnes, du moment qu'ils auraient assume la responsabilite d'y garantir seuls le respect des vies et des propridths. S'ils n'avaient pas eu a computer sur le concours d'un personnel hai'tien, familiarisC avec les pratiques de notre administration douaniibre, c'efit Ctd pour eux encore plus difficile d'importer du jour au lendemain, mime en lui consentant de tres forts 6moluements et en bouleversant tout le systame actuel, un Corps complete de fonctionnaires, capable de faire aller correctement les services civils, d'un bout a l'autre de la R~publique. Depuis, ils ont eu le 10isir d'etudier le terrain, de prendre contact, de s'assu- rer des collaborateurs utiles, de se convaincre surtout du point de d~tresse oil est tomb6 le people hai'tien. Ils savent qlue pour avoir << la poire, > maturitC, ils n'ont qu'a laisser faire les politiciens... La plus prochaine, ce n'est pas, a ce qu'il semble, pour le moment, I'anne- xion. Le protectorat, avec de moindres embarras, off re hien trop d'avantages pour qlue les intervenants ne s'y tiennent pas. Une consideration capital, a d~faut de toutes autres, suffirait a dieter leur pr~f~rence, c'est qlue I'opinion aux Etats-Unis n'est pas encore gagn~e a l'id~e d'une colonisation halitienne. La tentative se heurterait, sur le terrain politique, a de s~rieuses objections. On comprend dbs lors quel est leur intr6rt a faire sanctionner par un traits de protectorat leur intervention, non sollicit~e de la R~publique d'Ha'iti. Le profit en est trop evident pour q~u'on pilt craindre de les y voir r~enoncer, tant q~u'une formule d'accord resterait possible. A quoi peuvent se r~sumer leurs pr~tentions ? S'assurer chez nous la pr~pond~rance politique et financie~re, de fagon a fermer difinitivement la porte a toute ingerence europeenne; pour cela, prendre des measures propres a mettre fin au disordre financier et it 1'anarchie politique, q~ui pourraient donlner pr~texte a cette ingbrence. Entendu dans le sens d'une collaboration temporaire, devant preparer les voies au ddveloppement de nos resources Cconomiques, condition de notre stability politiqlue et social. un tel plan n'aurait rien d'incompatible aver l'extistence d'une nationality haf'tienne, avec le fonctionnement d'un grouverne- 3 GEORGES SYLVAIN ment national. Trouver les points de conciliation, c'est pr~cisement ce que la majoritC des Hai'tiens paisibles et laborieux, qui ne demandent a la politique que de les laisser gagner tranquillement leur pain de chaque jour, attendent du S~nat. En modifiant le traits soumis a son vote dans un sens favorable a nos intdrits nationaux, le S~nat ne fera pas seulement oeuvre patriotique, mais oeuvre de clairvoyance et de discernement. Le plus stir moyen d'obtenir quelque chose dans une n~gociation, c'est de le demander. S'il y a encore q~uelque chance de sauver les droits, dont l'abandon d~finitif constituerait pour les Ha'itiens la d~ch~ance supreme, ce ne peut Stre qu'en les defendant avec le plus de t~nacite possible. Ceux qui liront dans une vingtaine d'annies le recit des iv~nements de notre temps s'Cmerveilleront que ces v~rit~s C16mentaires aient rencontr6 parms nous des contradicteurs. << La Patrie >, No. 21, 6 novembre 1915 BULLETIN POLITIQUE Le Rapport de la Conunission s~natoriale. La Commission nommbe par le S~nat pour examiner le project de Conven- tion entire Hai'ti et les Etats-Unis, a d~pos6 le 5 novembre son Rapport. Le Rapport considered comme impossible aux mandataires du people hai'tien de sanctionner sans modification le traitC consent par le Pouvoir Ex~cutif et conclut a l'ajournement du vote de sanction pour permettre aux signataires de cet acte diplomatique de rouvrir la discussion sur les textes a amender. En opinant ainsi, la Commission ne pouvait manquer d'indigner les fana- tiques du chef-d'oeuvre que le Gouvernement semble avoir propose plutat a l'admiration qu'au libre examen du Corps L~gislatif. Une pierre tombant dans une mare n'aurait pas provoqu6 un plus beau concert. An risque de recueillir pour mon compete la mime bord~e d'impr~cations, j'avouerai tout ing~nfiment que j'ai pris plaisir a connaitre l'opinion de la Commission s~natoriale. Elle nous change des autres opinions officielles. Le a son ,> en est plus franc, le ton plus fier... II fant qlue nos contradicteurs en prennent leur parti. Certaines choses nous affectent, nous choquent ou nous r~voltent, qui n'effleurent mime pas, dirait-on, leur sensibility. Nous ne concevons pas la Patrie autrement que comme une mire tribs malheureuse, en butte aux vexations et au m~pris. Quels que soient ses torts, nous ne pensions pas qlue ce soit le r81e de ses enfants de pr~ter les mains a l'Ctranger, qui, pour refaire son education, la souffl~te et la dd- pouille. Si d~grad~e que puisse itre une mire, quand quelqu'un se jette sur elle et se met a la battre, nous nous refusons a admettre que ses fils, ou ceux qui tiennent i passer pour tels, impuissants a l'arracher a cette brutale 6treinte, ne trouvent rien de mieux i faire que de donner raison a l'agresseur et d'en- tonner sans fagon ses louanges ! DIX ANNEES DE LUTTE POUR LA LIBERTE 49 Le droit pour l'Hai'tien d'8tre maitre chez lui, d'avoir un endroit au monde oit sa couleur ne cr~e pas a l'homme de notre race un motif d'irr~mC- diable inf~riorit6, n'a cesS6 de nous apparaitre comme le bien le plus digne d'itre sauvegarde, le plus fir~cieux a116guer a nos descendants. L'on eprouve, a lire le Rapport de la Commission du! Senat, I'impression qlue les Commissaires n'ont pas sur ce point un sentiment different du n~tre. Voila pourqluoi l'allure g~n~rale du Rapport m'a plil. II a en plus le merite d'exposer clairement les faits. Quiconque l'a lu ne peut plus ignorer d'oil est venue au Gouvernement des Etats-Unis l'instigation conltinuelle d'imposer a la R~publique d'Hai'ti une tutelle financiare. ( Au mois de fev-rier 1915, M. J. Franklin Ford, ancien gouv~erneur de New-Jersey, est envoye par le Gouvernement Federal, pour raccommoder les fac- tions politiques, dont les repetitions out caus6 des 1uttes continuelles. Cette mission pacifique ne repondait pas a l'attente du Conseil d'Administration de la Banq~ue Nationale de la Republique d'Hai'ti a New-York et de la Compagnie National des Chemins de Fer, represented par M. F~archam. Le New-York Herald &crivit ai ce propos : << Hai'ti n'a point donni aux Etats-Unis de cause pour l'interviention. Si nous allions la, ce serait une guerre de conquite, il y a de pauvres joueurs qlui veulent que les Etats-Unis envoient des troupes en Hai'ti pour proteger leurs enj eux.> M. Ford n'ayant trouve ni factions, ni luttes, mais un gouvernement cons- titutionnellement etabli, s'en alla comme il etait venu.> Ce qu'est devenu entire les mains des gens des finances le nouvel evangile Monroe, le senateur Raynal, du Maryland, le denongait deja aux R~publiques de I'Ambrique Latine, lors de la discussion du traitP dominicain an Senat des Etats-Unis. < 6trange~res qui s'avancent sur le D~partement d'Etat, c'est un syndicate de mer- cenaires et d'usuriers implacables, qui trafiquent des calamit~s publiques, con- side~rent les malheurs des nations comme autant de marchandises, et pour un profit v~nal, mettraient aux encheres et a l'encan, vendraient au plus off rant toutes les libertbs du genre human >, Le Rapport nous permet de suivre la resistance, opposee par le Gouver- nement, les Corps politiques et le people d'Ha'iti au protectorat financier des Etats-Unis. Les m~mes hommes, qui protestaient contre toute mngerence etran- gere, attentatoire a notre independance et a notre souverainete, veulent mal de mort aux Hai'tiens qui persistent a dire aujourd'hui ce qu'eux memes di- saient hier. Qu'y a-t-it de change depuis ce passe recent ? Les Etats-Unis, a la faveur de nos troubles civils, d~g~n~rant en sanglants dbsordres, sont intervenus sans itre appel~s, et out occupy militairement notre territoire. GEORGES SYLVAIN Ne voulant pas aller jusqu'au bout de leur usurpation, on tenant a en masquer la violence, sous les dehors d'un accord librement negociC, afin do donner le change a l'opinion du monde civilise, les intervenants ont mis tout en cours forc6. Ils ont pris, en fait, tous les atouts danis leur jeu. Mais s'ensuit-il qu'il faille leur abandonner la parties et se livrer sans defense a leur discretion ? Tel n'est pas I'avis de la Commission, pour qui il existe a des limits sacrees qlue le Peuple hai'tien ne saurait di~passer.>> Ces limits sont fixes dans la Constitution du pays. Le passage ou~ le Rapport, a propos de P'art. 2, demontre que la Convention, par le fait q~u'elle viole notre souverainete nation nale, et modifie la Constitution, ne saurait itre vot~e telle quelle, est a retenir. Une inspiration non moins heureuse a Oth de d~finir, avec une irrefutable precision, la position que ferait a notre Rdpublique le vote de la Convention, eu Pgard aux contracts de Banque et d'Emprunt de 1910. Le Gouvernement des Etats-Unis nous promet ses bons offices pour faci- liter un re~glement avec les co-signataires de ces contracts. Et le Secretaire d'Etat des Relations Exterieures a declare que l'Ambassade de France a Washington, aussi bien que la Banque Nationale de la Republique d'Hai'ti, ont bien voulu donner l'assurance qu'elles ne s'opposaient pas au vote de la Convention entire Hai'ti et les Etats-Unis. Mais des textes nous lient, avec lesqluels la Convention nouvelle est en contradiction formelle. Des sanctions y sont attaches. Avant de substituer d'autres conditions a celles qui dl~ja nous obligent, la prudence la plus 616mentaire command d'en fixer les terms avec nos premiers contractants. Dans les conclusions du Rapport, relatives aux clauses du traits de protec- torat, on ne retrouve pas la mime rigueur logique ni la mime nettetC, et nous craignons que l'opinion adverse n'en tire advantage pour embarrasser le S~nat et enlever son vote. On sait ce que je pense de la faculty d'amendement du Corps Legislatif en matiere de traits. Le droit de sanction, consacrC dans notre texte constitutionnel, I'implique. Le Rapport considibre que modifier le project, ce serait empi6ter sur la prerogative du Prbsident de la R~publique, qui seul fait les trait~s. Au lienl de I'adopter (ce qu'il ne pouvait faire, I'ayant reconnu inconstitutionnel) ou de: le rejeter (ce qui, en raison des circonstances actuelles, serait peut-itre flicheux, le principle en Ctant reconnu opportun et salutaire), la Commission s'est arratic a un moyen terme, une formule transactionnelle, propre a contenter les S~na- teurs, qui ne jugent pas la Convention bonne, mais ne voudraient pas la rejeter purement et simplement : elle a vote le principle du project, mais sur I'ensemble, a conseill6 au S~nat de subordonner sa sanction a des modifications que le Pou- voir Ex~cutif serait invitC a ndgocier de nouveau. Si cette procedure doit aboutir au bon r~sultal qjue nous de~sirons: on aurait mauvaise grfice a en chicaner l'application. DIX ANNEES DE LUTTE POUR LA LIBERTE Mais je regrette que trois des articles du project n'aient pas etC jugs dignes p'ar la Commission d'une redaction plus explicit. L'Art. 12, dans sa formule gi6nralisee, semble impliquer l'ahandon aux Etats- Unis du droit de traiter pour notre compete avec les strangers qui ont des r~cla- mations pdcuniaires pendantes a faire valoir contre notre R~publique. Le plus souvent, ces r~clamations sont prisentees par les Gouvernements, auxquels ressortissent les plaignants. Or, est-il hien dans nos intentions de laisser I'Etat qui nous assisted r~gler en notre nom nos litiges avec les Puissances 6trange~res ? A l'Art. 14, qui prevoit pour les Etats-Unis le droit (et selon l'interpr~tation du Secretaire d'Etat des Relations Exterieures) le devoir d'intervenir, le cas echeant, pour preserver 1'independance national et maintenir un gouvernement capable de protdger les vies, les proprietes et la liberty individuelle, le Rapport a propose de dire simplement : << Gouvernement constitutionnel, c t apribs : << le cas Achbant ,; le ( Gouvernement consulted >. D'accord, mais l'intervenant restera-t-il libre de limiter a sa guise la duree de son assistance militaire, ou devra-t-elle cesser, automatiquement, avec les circonstances qui l'auront rendue necessaire ? L'Art. 16 laisse dans un vague inqui~tant la faculty pour l'une ou l'autre des Parties contractantes de renouveler le traits au bout de dix ans, si les vIues et objets q~u'il consacre ne sont pas remplis. II leur suffira de formuler des raisons precises. -- a Et en cas de disaccord ? a-t-on demanded au Secretaire d'Etat des Rela- tions Exterieures ? < Nous nous adresserions au Tribunal de La Haye, comme nous y auto- rise la Convention Generale que nous avons signee, conjointement avec les Etats- Unis, et notre traits particulier d'arbitrage >. -- H61as De quel poids ont pese ces deux Conventions, en regard de l'intervention armee et de l'Occupation militaire actuelle ? Chiffons de paper! Chiffons de paper ! N'importe! On aurait eu plus d'avantage a prevoir expressement dans le: traits le recours a I'arbitrage de La Haye qu'a s'en referer tacitement aux clauses d'une Convention anterieure. ~Les reserves que je viens de formuler ne m'empechent pas de souhaiter q~ue l'effort de la Commission sinatoriale pour ambliorer le sort fait a notre pays soit efficace. Quand mes observations seront revenues publiques, le Sbnat aura deja status. 11 en sera ce que Dieu voudra. Le d~bat n'est pas clos : il va se poursuivre au S~nat des Etats-Unis. Continuous, chacun dans la measure de ses facult~s, d'y projeter le plus de lumiere possible. L'homme qui, a travers des vicissitudes inouies, finit par arracher les Pays- Bas a la domination de l'Espagne, et devint le premier souverain de la Hollande, GEORGES SYLVAIN 52 avait pour coultume de dire : < 11 n'est pas toujours n~cessaire d'esperer pour entreprendre, ni de r~ussir pour pers~virer >> Georges SYLVAIN 10 novembre 1915 LA CONVENTION EST VOTEE Le Senlat enr unle seule stance qui a dure toute la journ~e du 11 novembre, a rejet& l'ajournement propose par sa Commission et vot6 tel quel le project soumis a sa sanction par le Pouvoir Excutif. Nous d~plorons que le Corps L~gislatif n'ait pas jug6 possible l'amendement de cet acte diplomatiq~ue. Ml~me parmi les partisans du protectorat, il y a bien peu de gens a ne pas convenir qu'il content de graves lacunes et que des critiques qu'on en a faites, plusieurs auraient m~ritC d'8tre prises en consideration. Quoi qu'il en soit, on espe~re g~nbralement que ce vote va mettre fin a une certain tension des affaires : toute notre vie Cconomique depuis quelque temps y semblai~t suspendue. < usuel pour ne rien conclure. Et maintenant qu'allons-nous faire ? Poursuivre courageusement, chefs ou soutiens de famille que nous sommes, notre besogne quotidienne ; ticher, a l'abri de l'ordre materiel, si l'on parvient a l'6tablir, de reconstituer nos forces morales et sociales, en nous donnant les maeurs de la liberty ; commencer en nous-mimes l'oeuvre d'apaisement, en mod~rant nos appdtits, en pratiquant les uns envers les autres, la justice et la tolerance ; nous aider sans servilitC de la protection qlu'on nous impose pour r~pandre autour de nous le plus de bien possible. < II) Quelques apergus sur les Avenements politiques de 1916 a 1920 DIX ANNEES DE LUTTE POUR LA LIBERATE _55 NOTES PRELIMIINAIRES L'Occucpation une fois installee &i Port-au-Prince et dans d'autres villes de la. Rdpubliqu~e avait tenu ci entrer egalement en, contact avec le Dr. Rosalvo Bobo et son general en chef, I'ancien, ministry Pierre Benoit Rameau, qui guer royaient dans le Nord contre le Gouvernement de Vilbrun Guillaume Sam au debarquement des Marines. A cet effet, une delegation officielle, qui comprenait notamment Mlonseigineur Conan, archev~eque de la Capitale, se rendit au Cap et rkussit: c convaincre le Dr. Bobo de la ne'cessitk des pourparlers. Le Dr. Bobo et le General Rameau(' prirent passage ci bord d'ucn navire de guerre amtricain et se rendirent ci Port-au-Prince. Les conversations eurent lieu ci la Leg~ation Amkricaine, ai Port-au-Prince, Rue Bonne Foi (actuellement le local duL Depar- tement de l'Education Nationale) . Sacrifiant ses chances certaines ai la Presidlence, le Dr. Bobo, d'accord avec son General en chef, rejeta le principle mime d'une convention de protectorat. Le Dr. Bobo s'exila volontairement (il ne devait jamais retour~ner aur pays et mourut en France) tandis q/ue Rameau peu apres regagnait son quarter general dans le Nord et soulevait l'etendard de la revuolte. En consequence de l'echec de ces pou~rparlers, le Senateur Sudre Dartig~ue- nave ful: Clu Prksidlent d'Hai'ti le 12 aolit 1915. Deux jours apres, le Charge dl'affaires ame'ricain, Mr. Robert Deale Davis junior, presentait un project de convention qu'il souhaitait devoir itre accepid a sans modification >,. Apras qu~elq~ues tiraillemnents, le Gouvernemenlt h~aitien accep-ta le traits le 16 septembre 1915 et la Chambre et le Se'nat le ratifibrent respectivement le 6 octobre et le 11 novemnbre de la mime anneke. Le Senat s'etait montre plutat recalcitrant. Le 5 aoli't 1916 p~arurrent dleux.2 dicrets de I'Exd~ecutif : I'utn dissolvait le Senat et transformait la Chammbre enr Assemnblie Constitu~ante en vue de la revision, de la Constitution de 1889 quri ne repondait pas ai la nouvelle situation et l'autre, instituait utn Conseil d'Etat ai caract~re consultatif don't les membres e'taient ri la nomination, du Prisid'ent de la Republique. Les deux de'crets talent parfai- tement inconstitutionnels puisque la Constitution. de 1889, sous l'empire de la- quelle Dartiguenave avait ete elu, ne prevoyrait pas ucn pareil mode dle revision et ne prevoyait pas non plus le Conseil d'Etat. Le 23 juin. 1916, le Prisident Dartiguenave convoqua la Chambre en Assemblee Constituante pour le 14~ aoilt suivant, en vue de la revision constitutionnelle. Ce futl un echec total, car, ai la date indiqluee, seulement dixz deputes se prdsenterent: a la Chambre et ai huitaine? oft I'ouverture des travaux ful reportee, ils n'ktaient que dix-huit surr cent quatre. Cependant, comme le mandate de la Chambre des diputes expirait le 10 janvier 19)17, il fallait bien convoquer le corps electoral. Le 22 septembre 19)16, I'Exdcutif prit un de'cret mnodifiant la L~oi Electorale et certains articles de la Constitution. de 1889 relatifs au Pou~voir Lkigislatif. Le nombre des ddputis fut riduit ci 35 et celui des se'nateurs ai 15 : les elections furent fixies aux2 15 et 16 1) Rameau ne voulait pas laisser son arm~e pour se rendre par mer B Port-au-Prince. Rameau, qui vit encore B Port-au-Prince, m'a donn6 sa raison en citant ce proverbe creole combien rempli de sagesse : aBoeuf pas mache sans conn 11 e. Le Dr. Bobo insista pour qu'll I'accompagn~t et 11 ceda. GEORGES SYLVAIN janvier 191'7, le Senat et la Chambre une fois elus, deevant se reunir en Assem- blee Constituante pourr la revision constitutionnelle. Les elections eurent lieu le 15 janvier 1917 et les Chamlbres se reulnirent en anvril de la midme anne~e. L'Assemblee Nationale se trouvait en presence dl'un project dle constitution du Conseil d'Etat et de << sulggestionls obligatoires, >> ue Mi. Bailly-Blanchard, Mli- nistre americain ai Port-au~-Prince, avait notifies au Gouvlernele~nt; elle y passa outre et le 8 juin 1917.i sa commission de reforme constiturtionnelle deposa su~r ses bureau~ le project die constitution qul'elle avait Elabor-i. La noucelle consti- tution etait detja votee lorsq/ue le 19 juin 1917r. I'4fssemnblee N\ationale fut dlis- persee manu military ; elle le ful essentiellemnent parce qlue la Constituction votee n'accordait pas le droit die propriete' imm~obiliere aux etrangers. se cramponnant a cette tradition dessalinienne jamais dementie jucsqul'alors de notre Droit Pub~lic. Le 17 juin 1917, le General Cole avait te~legraphid aue G'oure~rement amdricain: < Antagonisme Assem~blee \Nationale contre dlroi t de propriete auxs e~trn- gers tel qlue auculn effort sauff dissolution nre poulrran elpicher vote Constitution selon condition, rapportee par ma d~lepche 13107. Si Aissemrblhe refulse die pren- dre garde ai pareil avertissem~ent, it sera nicessaire die dissoudre Assemblee p~our prevenir tel vote. < Le Conseil d'Etat du1 5 avril 1915 JulI trnsfo~rmd enl Pouvoir L$gislaCtif (il le restera julsqu'en 1930) et en2 juin 1918. fulr a plebiLscitee a ucne nlouvellle Cons- titution que F. D. Roosevelt, ci l'epoquce Souls-Secretaire dl'Etat de la M~arine, se van~ta d'avoir redige~e. On sait qlue ce grand amehricain. d~ecenur Presideent d~e la grande Repulbliqune, devait mettre fin aul regim~e die l'Occu~pation de notre pays sur la base die so politiqlue de bon voisinagc avlec les 20 autrres IclRepuliques inde~pendantes du N'ouveauL Monde. Voici quelqules extraits dur journal intimre die Georges Sylvlain et d['autres documents relatifs aux: principauxn evenemrents p~olitiques de 1916 ai la reconsti- tution de l'Union. Patriotiqlue en 1920 : MON JOURNAL 3 Avril : lournme historiqure. << Ce matin de bonne heure, un tirage extraordinaire du journal a LE MA- TIN >. Le Doyen Nau vra chercher le nume~ro d'un journal et nous lisons en choeur qlue le Pouvoir Exicutif va rendre un d~cret dissolvant le Senat et con- servant la Chambre comme Assembl~le Constituante. Depuis q~uelques jours, on contait le propos du President a un D~putd : < retient la dissolution >. Sous le coup de cette menace, le ComitC permanent du S~nat avait 6crit auxr deputes et sCnateurs en prlov'ince d'Ctr~e exacts a ouvrir la 1) Ratpporte par le Senateur Borah dans son intervention au Congres reproduite plus loin. troisieme parties, page 225. DIX ANNEES DE LUTT~E POUR LA LIBERTE session ai la date constitutionnelle. Le Gouvernement repondit par un communi- que du Ministre de l'Int~rieur qui avait l'air de poldmiquer avec le Comitd permanent et concluait a engager les Chambres a ne pas se r~unir jusqu'apres le travail de la Commission de Washington. Le Comite permanent ripondit a peu pre~s en ces terms : . Entre temps, le Gouvernement faisait une circulaire publice et commented favorablement dans le journal < nement pour leur enjoindre de conseiller aux inviolables de ne pas se d~placer. Ils se sont d~places en grand nombre cependant. Le premier lundi d'avril, on a constate la presence de 62 deputes inscrits (sur 66 necessaires au quorum) et 19 s~nateurs (sur 26), mais on prevoyait qu'avant la fin de la semaine, il y aurait forte majoritC. Le Gouvernement, menace d'avoir a rendre compete de son administration ginerale et plus specialement de sa gestion financiere, qui depuis l'Occupation est dans un pur 6tat d'anarchie (l'Amiral Caperton encais- sant les recettes de l'Etat en son nom et ne devant compete qu'au Pr~sident desj Etats-Unis) a pris les devants. II a jete le gant a la representation national. Les gens en place, pour excuser la measure, soutiennent que la revision de la Constitution s'impose et qu'on a cesse d'8tre sous le regime constitutionnel depuis l'Occupation. Mais si la these est vraie, quelle est la valeur juridique: de la Convention ? La veritP est que le Gouvernement a pris lui-mime l'initiati- ve d'un acte r~volutionnaire, il s'est mis hors la loi. Jusqu'ici ses difenseurj pretendaient legitimer les actes d'usurpation des agents des Etats-Unis en soute- nant qlue la force et le droit se confondent et qlue le droit international consacre en faveur des grands Etats le droit d'intervention armie en temps de paix, situa- tion on l'on peut appliquer les lois de la guerre a un pays avec qui on n'est pas en guerre. Mais ils n'en etaient pas encore venus a vouloir nous faire admettre que le Pouvoir Exe~cutif, nommC par les Chambres en vertu de la Constitution, pilt les supprimner au mepris de cette mime Constitution. Nous 6tions r~unis .4 8 heures p. m. chez le President de la Societe de Legislation, Bonamy, quand on a apporti le numero du Moniteur contenant les decrets. Cai- ils sont deux dC- crets : un ler crbe un Conseil d'Etat de 21 membres nommds par le President d'Hai'ti, a 150 dollars d'indemnite par mois. C'est une fiche de consolation pour les Senateurs qui se rallieront. Le 2e~me decret conside~re qlue la procedure actuelle de la revisions de la Constitutionl ne permet pas d'aboutir en temps utile auxu r~formes urgenltes q~ui sont la raison d'e-tre de la Convention et qlue l'actuelle Chambre des dep~utis est sortie d'une consultation populaire sp~ciale qui l'a investie directement du pouvoir constituent, caracte~re distinctif, fundamental, qui manque au Senat de la R~publique. En consequence. il declare le S~nat dissous. On convoquera la Chambre en quality exclusive d'Assemblee Consti- tuante pour reviser la Constitution en collaboration avec l'Exdcutif et statuer sur les projects urgents qlue celui-ci lui pr~s~entera. La Chambre se constituera a la majority absolue de ses membres. Les Constituants presents a leur siege toucheront 300 dollars par mois. Je n'ai encore entendu personnel pour d~fendre ces decrets. Hubert Alexis, 58 GEORGES SYLVAIN present chez Bonamy, en compagnie de Montas, Commissaire du Gouvernement, de Rodolphe Barrau, Chef de Bureau aux Relations Ext~rieures, s'est contente de dire : < Le jeu force a couper. Le Gouvrernement a les plus forts atouts : il coupe >. 6 avril : Laraque, President du Comite permanent, m'apprend que les gen- darmes de l'Occupation ont ferme les portes du S~nat. On se rdunira ailleurs pour faire les actes nicessaires. Laraque a l'air tres soucieux. Les S~nateurs out decide de se reunir demain matin dans une maison appar- tenant a Camille Latortue, derrie~re l'Exposition. Ils en ont prevenu l'autorith dite ambricaine. '7 avril : La gendarmerie s'est opposee a la reunion, et troupeau docile, lesi Senateurs se sont disperses. On dit qu'ils auraient constitute Mes. F. L. Cauvinl et Ed. Lespinasse pour obtenir en r~fer6 l'ouverture des portes du Palais Ldgis- latif, dont le Colonel Waller aurait regu les clefs. Bizarre, cette procedure de: la part du 2e~me Pouvoir Constitutionnel >. Apri8s de longues tentatives d'entente quli durleront uln mrois entier les par- lementaires seront disperse's par la force.. < Samedli '7 mai : Voici comment Pouget me raconte la seance d'expulsionl. En se s~parant jeudi, on avait bien convenu qlue la prochaine stance aurait lieu vendredi aprels-midi. Mais des senateurs ayant besoin de leur vendredi s'etaient ensuite entendus avec Laraque pour ne se trouver la que mardi. Les autres nonl avertis se presente~rent des 3 heures et quart a la Halle Killick. Les premiers arri- vbs trouverent la porte fermee. Deux gendarmes hal'tiens y etaient posts en sur- veillance. Le garden des clefs pour la Chambre a qui l'on dit d'ouvrir declare que les gendarmes s'y opposent. Ce~ux-ci confirment qu'ils ont I'ordre d'empicher d'entrer. On leur demand qui a donn6 l'ordre. Ils refusent de le dire. Finale- ment, ils exhibent une carte sans signature ou~ il ya ecrit Bureau de la Gendar- merie. Lequel ? Motus. Pendant ce colloque, les senateurs arrivent en nombre, passent par la cour, dont la porte n'etait pas fermbe et ouvrent partout. On1 commence a verbaliser. Les mimes gendarmes entrent dans la salle et intiment I'ordre aux senateurs de se retire. On leur ripond de sortir eux-mimes et devant I'attitude r~solue de leurs interlocuteurs, ils se decident a vider les lieux. Mais c'est pour se mettre au coin et siffler a tue-tete. Un officer americain (su- balterne) se presenta alors et dit aux s~nateurs : << Go ahead >. Et comme it fait mine de porter la main sur I'un d'eux. Ne nous touchez pas >, lui crie-t-on - << Votre geste nous suffit >. On veut continue ai verbaliser. Le gendarme hai'tien qui avait d'abord porter la parole se saisit du paper et le froisse. Ce qui lui attire cette apostrophe de Roumain << Vous marquez hien la votre origine Cc que le blanc n'a pas fait, c'est vous q~ui le faites. Depuis nan guinin, c'est ne~g qui vann ne~g !> Uine fois dehors, une parties des senateurs s'achemine dans le voisinage chex le notaire Rosemond pour achever le proces-verbal. Le chef des gendarmes hal'tiens, Daumec, venu sur ces entrefaites avec une nombreuse 6q~uipe, profbre en gesticulant qu'il a ordre d'empicher toute reunion de s~nateurs n'impor-te oh. DIX ANNEES DE LUTTE POUR LA LIBEIRTE 59 II va chez Rosemond A qui l'on dit qu'on vient perquisitionner parce qlu'un gendarme a signalC la presence d'hommes arms. < Personne d'entre hous n'est armC >. Pure malveillance disent les s~nateurs a l'Amdricain. On se disperse finalement. Le Senat croit encore possible a ce moment-la de se mettre en contact par un intermediaire avec Waller. Denis St.-Aude. candidate au ministere, ayant dit a Camille ~L60n que personnel n'acceptera le ministe~re si ce n'est pour faire l'entente avec les Chambres, on prend ce propos pour de I'argent comptant et on s'accroche a l'id~e de l'entente. Mais il faut vite en rabattre. La 18re phase du conflit est bien close >. Lan 2eme phase se deroulera au mrois db'aout alors qlue le Fouvoir Executif cherche ai reunir son Assemblee Constituante. Jeudi 1'7 aouit : Ce soir, je trouve chez Pouget, Lherisson et Pauleus en grande audience. On a su que l'Occupation s'etonnait de l'inaction de l'Oppo~- sition qui laisse l'Ex~cutif preparer le decret-loi en vertu duquel devront 8tre nommes les 30 on 40 constituents qlue le people va etre convie a elire. Ils ne savent qlue parler et ecrire, a-t-il ete dit dedaigneusement. Alors pour supplier a l'inertie des bureaux du Corps Legislatif, le journal < organiser une reunion de bons citoyens, un meeting oil I'on Cchangera des vuej sur la crise politique et les moyens de la resoudre pacifiguement. La formule a &tC propose par moi. Lherisson a ete charge de pressentir a ce sujet quelques personnel, entire autres Edmond Roumain. Pauleus convoquera Camille L60n, Pouget, le sdnateur Martineau. Nous nous rdunirons de nouveau demain soir pour compliter l'organisation. J'ai opine pour qlue les orateurs inscrits ne soient pas des hommes politiques deija a Ptiq~uetes >> qu'on pourrait suspecter d'ambitions personnelles. Le meeting nie doit pas Stre une mana uvre de candidate. Cependant, les membres du Corps Leg~islatif sont tous q~ualifibs pour amorcer les debats. On avertira la gendarmerie et la Commission Communale et on comptera sur leur concours pour aider au bon ordre. L'entree de la salle sera libre. mais les organisateurs contraler~ont les entr~es. J'ai dit ai Lherisson qui a cri6 dl'abord a f'exageration : << les Bureaux des deux Chambres auront leur part de: responsabilite dans l'aggravation de la crise, s'ils continent a rester inertes. Qu'attendent-ils pour convoquer le Corps Ldgislatif qui est en session et dont la reprise des travaux n'a eth q~u'ajournee ? Quand je me suis expliqub, Lh~risson n'a trouve r~ien a redire et a dclari: que je devais S~tre on des orateurs du meeting. En sortant, je donne a Paul~us mon id~e sur attitude a adopter par << Lal Republique >>, et a faire adopter par le meeting. Le parti le plus siniple et le plus pratique, c'est pour les Chambres de se reunir. Si elles y manq~uent, on se trou- vera en presence du d~cret de convocation des Assemblees electorales. IMais qlui convoque ? Un Pouvoir jadis 16gal, qui s'est mis delih~rement au travers de la Constitution pour echapper a tout contr61e 1Cgitime et &met la pr~tention de se servir de la force StrangZ~re pour changer nos institutions dans un dessein deja manifestC d'oppression et de rapine. Repondre a l'appel de ces autorit~s sans mandate, ce serait donner une manibre: de sanction a leurs ill~galitis, p~roclamei GEORGES SYLVAIN la deche~ance du Corps L~gislatif, (les Pouvoirs de la Chambre n'expirent qu'au 10 janvier). Qu'un gouvernement nouveau, voire un gouvernement provisoire, pour d~nouer la situation et sur le refus des Chambres d'exercer leur mandate constitutionnel, si refus il y avait fit appel a la nation pour blire une Consti- tuante, ce serait le cas de proc~der a ces Clections, dans un veritable esprit de concorde pa~triotique mais !le gouvernement des coups d'Etat du 5 avril n'a aucune autorith pour decr~ter des elections a la Constituante. C'est un gouver- nement outlaw : la nation ne le connait plus. Pauleus a acquiesce completement a cette << platform a qui sera celle de << La Republique >, du meeting et de la champagne de protestation que nous propagerons dans tout le pays contre les d~crets Clectoraux en preparation >>. Le meeting aura lieu le 22 aouit. Voici les exztraits duL compte-rendub qu'en donne << La Republique >: << LE MEETING ,, A l'unanimite des voix, DOUZE CENTS citoyens de la Capitale ont vot6 des motions condamnant d'ores et dbja les measures electorales qlue le Gouvernement compete adopter. C'est avec le plus grand emnpressement qlue le public de Port-au-Prinlce 1 r~pondu i l'invitation qui a Cth faite de prendre part au meeting qui eut lieu le mardi 22 aoilt courant, de 5 heures et: demie a huit heures du soir, a Pari- siana et dont a La Republiq~ue > avait pris l'initiative. Une affluence considerable a tenu a prendre part a cette reunion pacifique des citoyens de la Capitale, invites a emettre leur opinion sur la crise politique actuelle et a proposer, par des resolutions discut~es et votes par l'ensemble de l'Assemblbe, des moyens propres i d~nouer, dans I'intbrit du Pays, cette crise. Bien que ce filt pour la premiere fois dans nos annales politiques que pareille institution eut i fonetionner d'une part, et qlue de l'autre, tout a &tb mis en oeuvre par les adversaires du meeting pour en contrarier la r~ussite, le suciaes le plus complete a couronn6 cependant l'initiative de << La R~publique >. Tout ce qlue Port-au-Prince compete de plus notoire dans le barreau, la ma- gistrature, le monde politique, le monde litt~raire, dans le commerce et les af- faires, en dehors du Corps L~gislatif dont la presence Ctait naturellement indis- pensable, a 6tC reprbsenti a cette manifestation patriotique. L'Occupation ambricaine elle-mime, dans la personnel d'une dizaine de << Marins >>, i part la d616gation de la Gendarmerie d'Hai'ti, a voulu suivre d'un bout i l'autre, les travaux de l'Assembl~e. L'animation la plus grande et la mieux ordonn~e, I''Int~rit le plus vif, I'enthousiasme le plus beau, telles auront &t6 les caractbristiques dominantes du meeting qui demeurera un Cvinement politique d'une tris haute portbe. DIX ANNEES DE LUTTE POUR LA LIBERTE 61 Et ce sera dans la plenitude complete de leur raison et de leur conscience qu'apribs une claire et judicieuse discussion des diff6rents points de l'ordre du jour, que plus de douze-cents citoyens voteront avec la discipline la plus par- faite les diverse motions qui auront resumC les fins pour lesquelles, on s'etait reumi. La motion la plus important, la plus essentielle votee par' le Meeting, disons-le tout de suite, consiste : 10 Dans la protestation la plus formelle contre tous actes, decrets-lois qu'en dehors de la Constitution le Pouvoir Exdcutif pourra, de proprio motu, prendre ai l'encontre de la volonti national. 210 Dans l'abstention la plus rigoureuse par le pays tout entier de prendre part aux Slections illegales que le gouvernement compete entreprendre avant le 10 janvier 1917, pour la reunion d'une Constituante. A 5 heures et quart, M. Georges Sylvain, ancien ministry pl~nipotentiaire d'Hai'ti en France, ancien Directeur du journal a La Patrie >, prend place sur I'estrade ayiant a ses cotes, M. Henec Dorsainville, Secretaire de l'Ordre des avocats de Port-au-Prince, directeur de la Revue litteraire < L'Essor >, et de M. Elie Gudrin, Directeur du journal << Hai'ti Integrale >. Par une bre~ve allocution, dans la forme 61egante et precise qui lui est cou- tumie~re, le Pr~sident du Bureau provisoire d~finit le caracte~re de la reunion. C'est la premiere experience de ce genre qui ait ete tent~e dans notre capital. Non pas qIu'a d'autres epoques elle n'efit ete possible. A en croire certaines gens, avant l'e~re presente rien de bon n'a existed chez nous. Pour ne citer qu'un~e pe- riode historiq~ue notoire, sous Boisrond, au temps ou~ l'on voyait un Pr~sident de la Republique sortir a pied de son Palais pour aller dl~poser un Bulletin de vote dans l'urne blectorale en faveur du candidate de son choix, que cela n'empachait pas les electeurs de blackbouler, I'institution des meetings aurait ete chose toute naturelle. On ne s'en est pas avisC a ce moment, voila tout < dienne, faire entire cinq cents, entire mille, ce qu'd trois ou quatre nous faisons sous nos galleries, sur le pas de nos portes, au coin de la rue avoisinante : deviser de ce qlui se passe, exposer le plan que nous aurions suivi, << si au lieu d'8tre l'enclume, on etait le marteau >. Afin de rendre son plein effet, I'entreprise doit 2tre pr'atiqIuee en toute ing~niosite, sans autre dessein q~ue de s'entr'aider a rC- fl~chir sur notre sort commun et a en tirer des raisons d'agir du mieux possible, dans l'int~rat de la Patrie >. M. Sylvain recommande surtout le calme, la moderation, la tolerance mu- tuelle. Les gros mots, les personnalitis violentes sont a proscrire de ces courtois changes de vues entire gens de bonne Cducation. Que chacun soit pour soi-mame un gendarme vigilant, et tout ira bien !Or, si tout se: passe bien,.le profit moral n'en sera pas mediocre pour notre people. Uine cfe~monstration &clatante aura 6td donn~e de notre aptitude a l'exercice de la liberty de reunion, et l'on n'aura pas de pr~texte plausible a nous l'enlever d6sormais. Aprbs cette allocution, qui ouvre la s~rie des applaudissements, 41. Henec Dorsainville donne lecture de l'ordre du jour suivant : GEORGES SYLVAIN 10.--Formation du bureau d~finitif. 20.--Tableau rapide de la situation politique. 30.--Mise en discussion des questions suivantes. (a) La convocation du Corps Electoral par le President de la Republique et par les Secretaires d'Etat pour I'61ection d'une Assembl~e Constituante, serait- elle conforme ou contraire au droit public ha'itien. (b) Serait-elle opportune ? (c) Quelle serait, eu igard aux circonstances, la conduite a tenir pour denouer pacifiq~uement le conflict entire les Pouvoirs Ex~cutif et L~gislatif. L'Assemblee est enlsuite price de designer parmi ses membres ceux qui doivent former le Bureau dblinitif : un Pr~sident. et deux assesseurs. Elle vote par acclamation le maintien du mime Bureau. Le Pr~sident remercie d'un mot et aborde le 26me point de l'ordre du jour : Tableau rapide de la situation politique. 11 d&crit en quelques traits saisissants le malaise du pays : Messieurs, On dit communement des Hai'tiens qu'ils parent beaucoup, mais n'agissent guere. Il y a pourtant des cas on~ parler c'est agir. Quand le droit est violC, protester par la parole est mieux que de se taire. Quand la nuit se fait sur la route et qu'on chemine par des sentiers distant vers le but invisible, il faut donner de la voix pour s'encourager a la march et s'indiquer en passant les fondriiares. C'est la raison de notre presence ici ce soir. Un malaise ind~finissable pe~se depuis quelque temps sur ce pays. Alors qlu'a travers des vicissitudes douloureuses, inhirentes a la condition des peuples libres, il cherchait p~nible- ment son Squilibre, I'6tranger est survenu, qui a dit : << Puisque d~cid~ment vous ne pouvez pas vous entendre, je prends tout sous ma garde, recettes et dbpenses, c'est moi dbsormais qui command : moyennant quoi, yous aurez la paix >. Et les mandataires officials de la nation, gardens jurbs de ses libertds et de son independance, ont dit, de leur cati : ( Contractons aux conditions qu'on nous propose, puisque l'Ctranger est maitre de nous en infliger de plus dures >. Ainsi verrons-nous par lui notre sort s'ambliorer. Pre~s d'une annee a passe. Le people, qui reste toujours tranquille, tant que les dirigeants et ceux qui sont au pouvoir et ceux qui dbsirent y &tre -- veulent bien le laisser en repos, le people a use de sa patience habituelle. Et quel- ques bons ap8tres d'en conclure : a Voyez la paix ri~gne > Mais dans les families, meme celles qui jadis jouissaient d'une honnite aisance, on a de jour en jour plus de mal a vivre. L''inqui~tude et l'ins~curit6 sont dans les esprits. Le rendement du travail n'est plus le mime. Les affaires sont suspendues. Bien rares sont les Hai'tiens, a qui l'avenir apparat encore sous un aspect rassurant. Or B.cette crise 6conomique et social est venue se juxtaposer, du fait des gouvernants, une crise politique. Nous n'en avions nul besoin. Au moment done oi on s'y attendait le moins, Pouvoir Ex~cutif et Pouvoir L~gislatif, qui jusque-la DIX ANNEES DE LUTTE POUR LA LIBERTE semblaient en parfait accord, sont entries en lutte. Le Pr~sident de la Republique et ses Secrdtaires d'Etat, sans donner aucune raison plausible de leur grave ini- tiative, n'ont trouve de moy;en plus simple d'Cchapper au contrble parlementaire, que de supprimer par decret le Corps L~gislatif. D~put~s et S~nateurs n'en one pas moins ouviert la session, i l'6poque constitutionnelle, valid les pouvoirs desj nouveau blus, former leurs Bureaux, mais lorsqu'il s'est agi d'aller outre, des gendarmes sont arrives, sous la conduite d'officiers strangers et les ont dispersed. Maitres sans coup ferir du champ de bataille, le Pr~sident et les Ministres oult confie a 21 vertueux citoyens, conseillers d'Etat appoints a 150 dollars par mois, le soin d'elaborer a huis clos une Constitution, et ils ont conviC les d~putbs, reduits par eux au rale de constituents, a se reunir le 14 aofit pour la voter. Le 14 aofit, sur les 104 deputes que compete la Chambre des Communes, 18 tout just out repondu ai la convocation. On peut done considerer que, amputes du Corps L~gislatif, nous voila par surcroit dCgus de l'espoir d'assister a ce gracieux avatar : la chrysalide-depute donne naissance au papillon-consti- tuant. Que va faire le Pouvoir Executif ? se demande-t-on de partout. S'il faut en croire ce qui se repe~te, a quoi des declarations officielles de I'honorable Secretaire d'Etat de l'Interieur ne sont pas sans donner quelque fondement, le President de la Republique, s'octroyant les prerogatives des anciens monarques de droit divin, va substituer sa souverainete a la souverainetC national, modifier proprio motu notre statut electoral et selon le mode qu'il aura d~crite, faire nommer par un corps electoral de sa fabrication le constituent dont il a besoin. Que vaudrait au point de vue legal un expedient de ce genre ? C'est la premiere question que vous avez a vous poser. Au seuil de ces d~bats, il n'y avait pas, Mlessieurs. moyen de l'6viter. S'il est vrai, comnme le proclamait encore ces jours passes un des esprit les: plus lucides de la France conltemporaine, le d~pute Joseph Reinach, que le principle de la separation de pouvioir c'est toute la liberty, c'est tout 1'ordre, il n'est pas moins incontestable que l'obbissance aux lois, c'est toute la civilisation moderne, le respect de notre loi national, c'est notre supreme sauvegarde: conltre le retour au servage colonial. Je mnets done enl discussion la question de savoir si dans les conjonetures actuelles, la convocation du Corps Electoral par le Pr~sident de la R~publique et par le Conlseil des Secretaires d'Etat pour l'61ection d'une assemble constituante, serait conforme on contraire a notre droit public. Messieurs, j'entenlds hien qlue cette question ne saurait faire l'objet de longs debats: mais quand vous l'aur~ez rbsolue, elle implique unl corollaire qui peut-itre retiendra plus longltemps votre examen. Une telle measure. si elle est ill~gale, est- elle compatible avec l'existence d'un Gouvernement 16gal ? 2i6me question : Cette measure, inconstitutionnelle au ler chef, serait-elle opportune, nous entendons par la. Messieurs. si elle aurait I'efficacitk nicessaire pour realiser la fin qlui nlous imported par-dessus tout, nous q~ui ne voyons dans toute cette affaire que l'int~rit sup~rieur du pays, a savoir ramener l'apaisement dans les esprits, rdsoudre le conflit pendant et rendre le pays a sa vie normal. GEORGES SYLVAIN Les elections ont eu lieu le 10 janvier 1917. Le Gouvernement se rendant compete qu'~il est en minority ai la Chambre et au Sinal essaye de ndgocier uLne entente avec l'Opposition. L'ex-Sinateu~r Lherisson est chargeC de la negociation ; elle echouera. Voici comment Georges Sylvain en, fait le recit dans << La Republique ,, : HISTOIRE D'UN PROJECT DE IVINISTERE Le jeudi 8 mars, le S~nateur protestataire L. C. Lherisson, recevait la visits de M. le G~n~ral Butler, Chef de la Gendarmerie d'Hai'ti, q~u'il ne connaissait pas et que lui pr~senta M. Andr6 Chevalier. M. Butler, s'autorisant de son titre de << fonctionnaire hai'tien >, venait, avec l'assentiment de M. le President Dartiguenave, le solliciter de coop6rer avec quelques-uns de ses amis politiques a la formation d'un cabinet ministiriel. 11 s'agissait de constituer sous la prbsidence de M. Dartiguenave, un gouvernement, qui, fort de I'appui des Chambres, fut capable de d~nouer la crise politiqlue et de ramener dans le pays l'apaisement et la stability. La seule condition qu'on y mettait 6tait le maintien de M. Edmond H~raux au ministe~re des Finances. Le s~nateur Lh~risson object qu'il serait difficile de trouver des hommes de valeur, bien prises dans I'opinion, qlui consentissent a figure dans un minis- tihe de replitrage a catC d'un membre quelconque du pr~c~dent cabinet. Il ne d~clinait pas cependant la mission et consulterait ses amis. II se mit, en effet, aussit~t en rapport avec les leaders du group d'opposants qui ont pour organe le journal << La Rdpublique > et leur fit part des ouvertures qu'il venait de recevoir. On se r~cria : entrer en contact avec l'homme du 5 avril, grand merci !.. 11 fallut se chapitrer durement pour dominer ce premier movement de r~volte... On finit par decider qu'il serait en principle, fait hon accueil a la pro- position pr~sidentielle, sauf a en d~battre les conditions. Au course de trois autres entrevues que le Chef de la Gendarmerie eut avec le S~nateur Lh~risson, le 9 et le 10 mars, les noms de MM. Georges Sylliain, Etienne Mathon, Price Mars furent d~sign~s pour representer I'Opposition, de concert avec M. Lh~risson dans le Cabinet Ministbriel. Aucun des trois n'avait pris part aux pourparlers engages, mais ils en avaient Ctd informs et leurs amis croyaient pouvoir r~pondre de leur acquiescement. Le point difficile restait le maintien du Ministre des Finances. Mr. Butler expliqua que le Dr. H~raux, avant, depuis deux mois, collabore avec M. Ruan a l'61aboration d'un plan de r60rganisation financibre, dont le project d'Emprunt format la base, il ne paraissait guibre possible de renoncer a son concours, sous peine de tout remettre en question. DIX ANNEES DE LUTTE POUR LA LIBERTE 65 En recevant les noms de MM. Mathon, Price Mars et Sylvain tous trois inconnus de lui, Mr. Butler s'etait fait donner-.quelques braves indications sur les functions qu'ils avaient occupies. II f61icita M. Lh~risson du beau success de sa d~marche. Soumise au Prbsident Dartiguenave, la liste selon l'avis qui nous fut trans- mis ne souleva de sa part aucune objection. Pour y assurer une plus large representation aux divers groupements de l'Opposition, Mr. Butler, a son dernier entretien, donna a entendre que le Gou- vernement allait revenir au chiffre constitutionnel de six ministres : on pourrait done reserver un portefeuille a un ami du Gdnbral, Charles Zamor. 11 se proposait de telegraphier a celui-ci en consequence et comptait que des le 12 mars, le Chef de l'Etat serait entree directement en communication avec les membres du future cabinet. M. Lhirisson ne manqua pas, une fois encore, d'attirer l'attention de son interlocuteur sur la difficult& de conserver au Ministere le Dr. Edmond H~raux. C'est a cette phase des n~gociations que, reunis chez le sdnateur Pouget, MM. Lherisson, Mathon et moi, M. Price-Mars n'ayant pu descendre de P~tion- Ville, mais nous ayant donnC l'assurance de son adhesion, nous decidimes, en premier lieu, de renoncer a toute combinaison minist~rielle qui n'implique- rait pas l'effacement total du cabinet H~raux-Borno-Frangois pour la raison qlue lFopinion publique mise au courant (par d'autres que nous) des demarches du G~nbral Butler, s'etait &nergiquemnent prononc~e contre tout project de re- plitrage. Notre force nous vienait de notre accord avec l'opinion. M~me si nous avions ete d'humeur a ne pas te~nir compete de ses indications dans le cas present, nos amis ne nous auraient pas suivis. Plusieurs d'entre eux 6taient des deput~s et des candidates au S~nat, nous avaient manifestC nettement leur opinion sur ce point. Quoique le Dr. Edmond H~raux eut avec nous d'excellentes relations per- sonnelles, nous jugions impossible son maintien dans un ministe~re appel6 a faire cauvre d'apaisement et a donner pour fondement a la stability gouvernementale le libre exercise du contr81e legislatif. Associ6 a tous les aces inconstitutionnels qui ont determine la crise actuelle, quelle serait son autoritC morale pour decider de I'indispensable retour a la 16galite. Ministre des Finances sous le Gouvernement Th60dore, il avait eu a liquider un emprunt qui allait in~vitablement lui susciter des difficult~s avec le Corps L~gislatif. Si l'aflaire ne tournait pas a son advantage, ce serait une autre crise minist6rielle en perspective. Pouvions-nous en assumer la responsabilit6 ? A situation nouvelle, ministres nouveaux. Nous d~cidimes, en second lieu, de n'accepter le ministe~re que sur un programme defini, comportant essentiellement le respect des lois et la 16galit6 devant la loi, le maintien de nos relations traditionnelles avec les pays etrangers... L'ex~cution strict et loyale de la Convention de 1915 entire Haiti et les GEORGES SYLVAIN Etats-Unis, impliquant la suppression a bref delai du regime d'exception qui devait logiquement disparaitre par la mise en vigueur de cet accord diploma- tique : loi martial, course pr~v~tales, confiscation des services civils ; Le contr81e des recettes et des d~penses de l'Etat par les autorit~s hai'- tiennes q~ui y sont 16galement preposees; La reglementation 16gale du statut des fonctionnaires: en rendant les emplois publics seulement accessible au m~rite ; Une mei~lleure distribution de la justice en relevant la diignitC et le prestige: des functions judiciaires ; Le d~veloppement de l'enseignement et de education populaire notamment de instruction professionnelle ; La protection du travail sous toutes ses formes : La mise en valeur de toutes les resources du pays : L'application prompted des measures propres a assurer la sicurite des cam- pagnes; De l'adoption de ce programme sommairement exposed ci-dessus, et de la retraite total du cabinet nous faisions la condition formelle de notre concours. Avant de nous separer, nous convinmes de la designation d'un Ministrer des Finances pour le cas oil l'idee du maintien obligatoire du Dr. H~raux serait abandonnee. Le lendemain 11 mars, Mr. Pauleus Sanlon, dlans unle conversation avec Mr. le Gen~ral Cole, Chef du Corps Expeditionnaire des Etats-Unis, eut l'occa- sion de lui faire connaltre les points on nous nous 6tions fixes et de pressentic son opinion sur les parties de nlotre programme qui concernaient I'Occupation. De lui-m~me, Mr. Cole declara q~u'il 6tait au courant de la dimarche du General Butler et qu'il y prenait int~rat. II confirm les motifs pour lesquels le maintien du Ministre des Financej lui paraissait desirable. Pour le surplus, il affirma qlue les Etats-Unis n'avaient nul d~sir de prolonger indifiniment le regime de la loi martial et des mesures d'exception qui s'y rattachent. Si on ne les a pas encore levees, c'est qlue lat situation reste toujours instable. Mais graduellement on s'achemine a leur suppression. Ce sera chose faite des qu'aura pu fonctionner un cabinet capable die di- nouer la crise actuelle et donnant des garainties sbrieuses de capacity et de solidity. Depuis cet change de vues on a, dans les spheres officielles, semen le b~ruit qlue Mr. Butler aurait 6tC d~savoue par le Pr~sident D~artiguenave. Sans faire d'un tel propos, plus de cas qu'il ne convient, nous considerons qlue la demarche tent~e auprbs de nous ne saurait plus avoir de suite et, pour couper court auxt racontars plus ou moins fantaisistes, j'ai pris l'initiative d'en publier le r~cit. DIX ANNEES DE LU'T~E POUR LA LIBERTE Les journaux dlu Gouvernement affectant de nier que l'Opposition. ait ite solliciltee d'entrer dans le prochain cabinet, le Genhral Butler faith pairaitre la declaration suivante : DECLARATION Gendarmerie d'Hai'ti Quarter G~neral A propos de certain articles q~ui ont paru dans les journaux de Port-au- Prince concernant l'ex-sinateur Lh~risson je fais la declaration suivante : e Le jeudi 8 mars 1917 vers les 5 heures et demie du soir, je me suis pr~sente chez l'ex-s~nateur Lherisson pour savoir de l'un des citoyens les plus respectable d'Hai'ti s'il accepterait ou non d'entrer dans le Cabinet au cas on~ le President de la Republique jugerait convenable de s'adresser a lui. J'ai demanded en meme temps au senateur Lh~risson de me suggerer des noms d'hommes proeminents dont la presence dans le Cabinet ame~nerait dans son opinion la cessation des difficulties politiques qlui tendent actuellement a retarder l'amelioration de la situation d'Hai'ti. Son Excellence le President de la R~publique m'a autorise a declarer que ma visit au s~nateur Lherisson a 6ti faite dans l'intention de servir les meilleurs interits de la Republique et qju'il en avait << pleine connaissance et avait approuveP > cette demarche de ma part avant de I'avoir entreprise >. (s) D. BUTLER G~ndral de Divisionl Chef de la Gendarmerie << La Republiqlue >, du 24 mlars 1917 Cependant, I'Occupation. Americaine in vestic du Pouvoir multiplie les abus : brimades des citoyens dans les villes, inteellectuels condamnes pour la moindre vitille aux travaux forces, atrocities commtises d~ans les campag~nes, soit pour soumetire les paysans ci l'ancien rdgimae de la corvece remis en honnleur, soit sous le pritexte de rdprimer les soutlevements des cacos. L'opinionl publiqlue auLx Etats-Unis s'en emeut. Au ddbuct de l'e'te 1920, la Socidte; pour l'Aivancement dles gens de coulleur decide de mener sa propre enruatie. Jamles Weltdonl Johnson et H. Seligman sont envoyds c Port-aue-Prince. Au mois d'aolit 1920 la situation s'ag~grave, les agents de I'Occupation entrant directemnent en conflict avec le g~ouvernement. Reprenons le journal de Georges Sy~lvain : 9) aouit 1920.--Grand bruit dans le Landernau politique. << Le Gouverne- ment Dartiguenave est a couteaux tires avrec les Ambricains >. On lui a deman- GEORGES SYLVAIN de : lo) d'accorder a la Banque d'Haiti, pour qu'elle devint entierement americaine, le monopole de l'importation de f'or ; il a refusC ; 20) de revenic sur une loi, vote par le Conseil d'Etat et mettant fin a la liquidation des biens allemands : il a refuse ; 30) d'annuler la loi qui, interpr~tant sa Constitution pseudo-pl~biscitaire, met des conditions restrictives a la propribtC immobilib~re des strangers : il a refusC. Et comme par surcroit, on lui demandait le renvoi de ses ministresl il a d~clar& que son Cabinet ne partirait qu'avec lui. Le << Moniteur >> a public samedi (7i aofit) a la suite d'un Message pr~si- dentiel lu au Conseil d'Etat a sa stance de cloture, deux des pieces du proce~s : Memorandum de M. Mac-Ilhenny, Conseiller Financier et contre-mbmoire du Ministre des Finances. Ces documents decouvrent un coin du voile derrie~re lequel se trafiquent depuis 5 ans les affaires de la Republique. Nous apprenons par Mr. Mac-Kinley qu'aucune measure legislative ne se prend qu'elle n'ait ete prialablement soumise au Ministre des Etats-Unis. Ce personnage, a qui le traiti ne donne aucun pouvoir dans la conduite interieure de nos affaires, les dirige en r~alit5 i son grC. Et pour qu'il y eut un semblant de resistance de la part de nos etranges gouvernants, il a fallu que les rapports se fussent compli~tement aigris, au point qu'on en est a s'infliger des d~mentis publics. Le Conseiller Financier affirme qu'Ctant allC presenter au President d'Hai'ti les measures adoptees par le D~partement d'Etat (a Washington), le Pr~sident s'y est diclarC favorable. Mais a sa grande surprise le Ministre des Finances lui a ensuite notified qu'on 6tait contre. La r~ponse du Pr~sident est plut~t faible. 11 a parley non comme Chef d'Etat, mais a titre priv6, dans une conversation ou~ il ne donnait que son opinion personnelle. C'est le Conseil des Secr~taires d'Etat qui seul a quality pour engager la responsabilitC du Gouvernement Hai'tien. Sur un point, il protest qu'on lui fait dire le contraire de ce qu'il a dit. Le Con- seiller Financier reconnait qu'il a soutenu que les measures priconisdes a propos de l'importation de f'or n'6taient pas opportunes, comment aurait-il pu s'engager ensuite a faire voter les mimes measures dans une loi ? Cette question de I'importation de f'or est le neeud de la discussion. La National City Bank a Cti encouragee par le D~partement d'Etat a prendre en main notre service de tr~sorerie en se substituant a l'Union parisienne. Apres s'Ctre fait un peu prier, la City Bank a pris l'affaire a option de 6 mois. Dans l'intervalle, on a essays d'arracher au Gouvernement d'Haiti la prohibition de la monnaie d'or 6trangbre, que seule la Banque d'Hai'ti aurait la facultC d'im- porter, selon l'appriciation du Conseiller Financier. Du coup, I'Angleterre et la France ont protests, dit-on, au nom de la liberty du commerce international. Le Conseiller Financier declare que le Gouvernement hai'tien est lib par la Convention du retrait signed a Washington entire la City Bank, la Banque d'Hai'ti et le Ministre d'Ha'iti aux Etats-Unis. Le Gouvernement riposte que cette Convention ne content pas la clause de prohibition, ins~rbe apris coup par on ne sait qui. La Convention, devenue loi national, pr~voit que pour assurer la stabilitS du taux de f'or pendant les operations du retrait, le Gouvernement aura la faculty, selon I'appr~ciation du Conseiller financier, de restreindre les quantiths d'or importbes sur le march mais autre chose est ~une telle provision, DIX ANNEES DE LUTTE POUR LA LIBERTE autre chose le monopole de l'importation accord a la Banque d'Hai'ti. Le bruit court qu'en presence de la protestation des Gouvernements anglais et frangais, la City Bank ne trouvant plus int~ressante la succession de l'Union parisienne a renonc6 au transfer. Du coup, la Convention du retrait tomberait a l'eau, puis- que les nouveaux billets de Banqlue devalent s'imettre sous la garantie de la City Bank. En ce qui concern le droit de propri~te fonciere aux strangers, la Consti- tution semble bien ne l'accorder qune sous des conditions de residence et en vue d'etablissements domestiques, industries, agricoles ; mais elle ne precise pas, si bien qu'une loi du Conseil d'Etat 1'a complitee sur ce point. En vertu de la 10i, les acquisitions faites contrairement a ses dispositions sont consid~r~es comme violent un principle d'ordre public et tombent. Les strangers regimbent, natu- rellement, Dartiguenave a envoy au << Nouvelliste > (du 6 aofit) une note demandant l'avis des juristes. Apris avoir promise a Chauvet d'etudier la ques- tion, je lui ai fait connaitre mon opinion. Les scules dispositions 16gales qui competent en la matie~re sont celles que consacre la Constitution vote par 1'As- sembl~e N~ationale en 1916. Tout le reste est en dehors du droit. La politique imperialiste des Etats-Unis, dans ses proc~d~s d'exploitation des peuples faibles, commence a soulev~er de vives protestations. Dans a The Nation >, revue ambricaine, ML. Seligman consacre deux articles a la << Conquete d'Hai'ti > et a la << Conq~uate de la Republique Dominicaine >>. 11 raconte que ct qu'il a vu et entendu n'est pas a l'avantage de sa nation. On signal un rapport de Mr. Elliott, President du Conseil d'Administration de la < Haytian American Sugar Company > qui est accablant pour les agents que les Etats-Unis ont deverses sur les finances et les douanes d'Ha'iti. Mr. Johnson, le d616guC de la Ligue des gens de couleur q~ui nous a recemment visits a annonce une s~rie de conferences et un rapport. A propos de cette facility a manqjuer de parole q~ui deconcerte tant les Yankees dans Dartiguenave, qluelqu'un me faisait remarquer que ce type com- plet de politician ha'itien est dans la pure tradition de sa race. La force de l'Hai'tien est dans sa faculty de se derober. 11 ne dit jamais non. Mais dans s3 fagon d'approuver on d'en avoir l'air il y a des alterations, des restrictions, des reserves mentales, presque a l'infini. Et qluand ainsi il a r~ussi a tromper l'ktranger, c'est une d61ectation intime. << P~tei blanc, nannan ne~g >. Quand c'est son frere de race q~u'il abuse, le sourire est pour Dieu, q~ui voit tout et sait d'avance ce q~ui va s'ensuivre : a ga nPig fait neg. hon Die ri >. 16 septembre.--Un destroyer de la marine des Etats-Unis a amene hier dans nos eaux le G~ndral qu'on dit Stre l'Inspecteur Gene~ral du Corps des ma- rines et qlue notre Fort National a salue a son debarqlue de 21 coups de canon. Il est accompagn6 du General Butler. ex-chef de la Gendtarmerie. dont le Gou- vernement aurait, dlit-on, demanded, il y'a q~uelqjue temps. le rappel, a, cause do son activity politique en faveur de son ami Edmond Hiraux. Dans la visit qlue les deux gen~raux out rendue au Pr~sident, celui-ci n'a trouve rien de GEORGES SYLVAIN mieux que de de~cerner unle medaille d'or au dit Butler enl reconnaissance do ses devou~s services a la cause de l'ordre. Dartiguenave, tout en cherchant a se poser en champion du nationalism, ne n~glige pas les occasions de rappeler au people hai'tien qu'il n'a pas cessC d'itre le politique qu'on a toujours connu. A peine le G~neral Lejeunle parti enl tournee d'inspection dans le Nord, I'amiral Knappe, nomme, dit-on, chef naval des forces americaines affectees a notre ile, est arrivC. On a remarque qlue le navire q~ui l'a amen6 n'a pas salue la rade et qju'il est restC trois jours sans rendre de visite officielle au Chef de 1'Etat. 17 septembre.--La visit a eu lieu ce matin en compagnie de: Bailly-Blan- chard (le mime ministry qui a reconnu par ecrit av~oir donned l'ordre de ne pas payer ses indemnites au mime President don't il est v~enu boire le champagne official). On s'est protocolairement congratulC, mais << ''incident en course a n'a pas fait jusqu'ici un pas de plus. D'apre~s la propaganda, les navires de guerre en rade auraient d~barque nuitamment des troupes ici et au Cap. L'attitude de la population est aussi calme que jamais. 18 septembre.--L'amiral Knappe a eu une nouvelle entrevue avec les mem- bres du Gouvernemnent. Visite d'affaires, cette fois. Rien d'officiel n'en a trans- pir6, mais on assure qu'il aurait dit au Pr~sident de passer I'Cponge sur l'inci- dent. 20 septemrbre.-11l se confirm que le Gouvernement des Etats-Unis retiret ses malencontreuses propositions, a la suite de la vigoureuse champagne de pressed, menee aux Etats-Unis par a The Nation > et < Johnson accompagnant deux articles de lui sur Hai'ti dans ces deux Revues me dlit qlue la a Nation a est un des organes de l'opinion liberale les plus edites la-bas. Seligman, un icrivain blanlc, que I'Association pour les progres de la race noire d616gua en mission d'enquite ici il y a trois mois en mime temps qlue lui, a ouvert le feu par deux articles documents de la < la << Conquite de la R~publique Dominicaine >, ou~ il a contC ce qu'il a vu et entendu. Sa couleur lui a ouvert I'acces aupres des officers de l'Occupationl militaire. Il relate leurs propos. Johnson cite du deuxieme article de Seligman les details biographiques donnas a propos de quelques-uns des agents civils, tirbs presque tous du Sud des Etats-Unis, oil le prbjugE contre le nkgre est le plus feroce. Ils n'6taient rien. Ce sont maintenant des personnages a grosses prbbendes, dont les femmes roulent automobile aux frais de l'Etat hai'tien. Johnson s'applique a d~montrer que toute l'affaire hal'tienne est menee par les financiers de New-York et aboutil a la National City Bank. On nous signal unl nouvel article consacr a l''incident Mac-Ilhenlny avec publication des pieces officielles. < Le Nouvelliste a public unle lettre du Conseiller Financier nlotifiant Je 2 ao~t au ~Gouvernlemenlt d'Hai'ti qlue son << Gouvernemnent a renonce a exiger I'execution du contract de transfer de la Banque. Du coup, le monopole de l'importation de f'or etranger n'a plus de raisons d'itre. Et comme de lui-mime DIX ANNEES DE LUTTE POUR LA LIBERTE 71 le Gouver~nement a annonc6 officieusement son intention d'interpr~ter P'article constitutionnel relatif i la propri~ti immobiliere dans un sens plus favorable auxi strangers, il ne restait plus en question que la faculty demanded pour le Conseiller Financier de disposer par des baux a long terme des biens du Do- maine national, et le maintien de la liquidation des biens allemands aux sC- questres. C'est cela qu'on serait cens6 avoir retir6... momentandment. |