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THIS VOLUME HAS BEENI r. . UNIVERSITY ~3CILr S~c~ AFFAIRES D'HAITI BlBLIOTIHEQUE DIEiMOCRATiQUE HAITIENNE AFFAIRES D'HAITI r I883-1884' Louis Joseph JANVIER Docteur en meidecine et Laurb;t de la Faculth de Paris, Diplombi de 1'Ecole des Sciences Politiques de Paris, Mlemlbre de l'Association Litteraire et Artistique Internationale, de la Socibtb franqaise d'Hlygibne, de la Soci~tB d'Anthropologie, de la Soci~tB de L.Egislation comlparke, etc. PARIS C. MARP'ONV ET E. FLAMMARIONII LIBRAIRES-tDITEURS nrUE RAciNE. 26, PrEs L ODONo 1883 i" ~L~ A LA GRANDE BLESSEjE! ~77~ 2.~- 9' Une des plus douloureuses blessures qui puis- sent faire saigner Je emur d'un patriote, c'est de voir sa patrie diffamee A 1'etranger, les actes les meilleurs des gouvernants de son pays presen- tes comme des crimes accomplish sous la pressing de la peur, d'entendre medire des institutions les plus sages, des souvenirs les plus sacr4s, des noms lesplus glorieux et les plus retentissants de son Histoire national. La douleur deviant plus intense lorsque ceux qui calomnient le font sous le voile de l'ano- myme et tout en so pretendant les fils oules amis de la nation bafouee, vilipendde. Tel est 1'eemurant spectacle auguel il m'a etd donne d'assister pendant prbs d'un an, du mois d'avril 1883 au mois de janvier 1884. ** Le 27 mars de l'annde dernibre, une centaine d'Haitiens arm6s, parties quelques jours aupara- vant d'une Antille anglaise A bord d'un navire 1 VUE GrENERALE LESAFFIRS DHAII.1883-1884. americain, venaient s'emparer, par surprise et presque sans coup f6rir, de la petite ville de Mira- goAne, situee dans Ja presqu'lle mdridionale d'Haiti, puis s'y d6claraient en etal d'insurree- tion centre le government ligal 4tabli & Port- au-Prince. Its se croyaient tellement sx^1rs de pouvoir le renverser que, le mome jour, ils publiaient un d4cret a organisant le mode de formation du gou- vernement provisoire n, un autre portant aboli- tion de tous les droits de douane A l'exportation, un troisibme par sequel ils proclamaient la de- chdance de M. le g6ndral Salomon, president constitutionnel de la Republique haltienne. Le mandate en vertu duquel its rendaient ces d6crets, qui le leur avait confirm ? Le people sou- verain, disaient-ils en tite de ces dberets. 011 et a quelled heare, comment et A quel jour avaient-ils ret;u ce mandate ? Personnel ne le sait. Pour motiver le d4cret de dbehdance, ils fai- saient au president les reproches d'avoir gaspille les resources de I'Etat, accru la dette interience et la dette exterieure de la Republique, viole le secret des lettres, viole la Constitution et les 10is ordinaires. It est bon de faire observer que, d'apris la Constitution de 1867, seul programme econo- LE-S AFFAIRES D'HAPTI. 1883-1884. mique et politique de ces insurgis, aussi bien qu'aux: terms de la Constitution de 1879 laquzelle est actuellement en vigueur et qu'ils repudiaient, en se fondant sur on ne sait quel droit im~aginaire, c~himdrique, le president d'Hai'ti n'est pas respon- sable; que le moindre de ses acte~s, pour Btre va- lable, ex~cutoire, doit Btre contresigad par un mi- nistre qui en repond devant le Parlement; qlue sa dechgance ne peut etre prononcee que par la Chamlbre des DeBput~s et le Senat reunis en Assem- blee national. DBs le~s premiers jours d'avril, la ville de Mi- rago~ne etait cern6e de trbs pr As par le.; troupes du gouvernement. Le 23 mai, la ville de J~r~mie se mit en rebel- lion contre 1'autorite 16g~itimne. Elle le, ft en pu- bliant un manifeste de g~riefs d'une logique plus que bizarre et q~ui continent notamment cett~e phrase a l'adre~sse du magistrat supreme qlue la nation tout entire, representee par ses manda- taires, a~gissant par eux dans la plenitude des droits souverains au-dessus desqluels it n'est point d'autres, s'etait donned, pour sept ans, au mois d'octobre 1870 : a( La Revolution s'impose on dehors de ce qlue vous appelez malicieusement nzationzaux~ et libdrauxL~. Elle est tout & fait etran- gbre aux denominations de par.rtis politiques. ,, Les rebelles de Jeremie, pen verses dans la LES AFFAIRES D)HAPTI. 1883-1884. terminologie politique, ignorant qu'un president de republique ne peut q~ue donner sa admission et qu'un souverain sculpeut abdiquer le pouvoir', terminaient leur curieux manifeste en reclamant du president d'Haaiti son abdication. Le 16 juillet eut lieu B Port-au-Prince, la calpi- tale, la seance d'ouverture du Pazrlement. M. le senateur Montasse, president de 1'Assem- blee nationatle, pregnant la parole au nom du pays legal, adressa, au president un discours oh, enltre autres choses, it lui disait ceci: << President, au moment oh, la session extraordinalire close, la paix publique assuree, Votte Excellence envisa- geait serieusement et sans illusion la situation difficile de la Rdpublique, et aprbs avoir de~mand6, afin d'y rem~dier, le concours de toutes les bonnes volontes sans exception, allait adopter, pour sonmettre au corps legislatif, les measures les plus propres iA ameliorer les finances du pays et A diminuer sinon a faire disparaitre dans un avenir prochai n le malaise general qui l'oppresse ; au moment odi les grands pouvoirs publics, le chef de l'itat le premier, vo~ulant contribuer au relbvement de nos finances, venaient de donner I'exemple du sacrifice, en abandonnant une par- tie de leurs traitemnents et indemnites, o,'est a ce moment que des enfants d'Haliti, toujouxrs devores d'ambition et se disant animus du meilleur pa- LES AFFAIRES D)HA'iTI. 18893-1884. triotisme, sont venus tout remettre en question en se jetant dans la plus aventureuse et dans la phis criminelle des entreprises: ils ont allum8 la guerre civil, qui est pour un people le plus af- freux des suicides!i a Nous n'avons pas, Monsieur le Prbsident, & nous etendre ici sur cette grave et douloureuse conjoneture. a( Le bon sens public faith justice de cette tenta- tive. Est-ce! que presque t~oute la, republique n'a pas prouve par de consolantes addresses ddposbes entire vos mains qu'elle est avec votre gouverne- ment(l) ? u L'Assembl~e national vous donne, Monsieur le President, par mon organa, I'assurance de sa ferme volont6 de concourie avec vous a tout ce qui tendra au retablissement de la paix publique, an relbvemeent de: nos finances, a la regeneration de la Patrie. ,, Comme pour narg~uer I'Assembl6e nationale, la ville de Jaemel imita le fi~cheux example qu'avai t trac6 la ville de Jeremie. Le 23 juillet, Jaemel articula ses griefs par un (1) Nlombre d'adresses des communes avaient 6td publides avant le 23 mai, date de la rebellion de Jeremie; les autres communes de la Republique envoybrent les leurs qui furent publiees avant le 23 juillet, date de l'insurrection de Jaemel. Ces addresses parurent toutes dans le Moniteur, journal ofil- ciel de la Republique halitienne. LES AFFAIRES D'llA'ITI. 1883-1884. manifeste aussi ineple dans le fond qlue ridicule et filandreux en la forme et dont voici un passage qui vise encore la seule personnel irresponsable du gouvernemen t,1le president : a( Vous avez violA le secret des lettres, oubliant qlue l'Union postal vous regardait indignee, et qlue chaque mot qu'on lit dans une lettre est un viol de la propriete. ,, Par son mlagnifique et patriotique message en date du 2Ei j uillet, I'Assemblee national reIpondit a 1'insurrection de: Jacmet. Le president du Con- gres s'exprimaa ainsi: a L'Assemablee national, d'apris l'expos4 de la situation di~fficile qlue vient: de lui faire? le president d'Ha'iti en personnel, tant sons le rapport financier que politique du pays, reconnaissant la justesse: de ses appreciations pa- triotiques et voulant lui donner tons les e16ments n~cessaires pour conjurer cette malhoureuse si- tuation, lui donne mazintenant un nouveau tB- moignage de confiance, et se declare prete a le se- conder dans tout ce qu'il pourra entreprendre pour sa~uvegarder la paix et ramener la confiance dans le pays. ,, Il resort clairement des faits ci-dessus exposes qlue la tris grande majority du pays, soutenue par tout le pays leg~al, bitmait la conduit cou- pable dles deux villes qui s'6taient prononcees dans le m~me sens qlue les pretendus liberaux de Mirag~oine . LES AFFAIRS DIHA'1T[. 1888 -1884. On a toujours applique, et bien & tort, aux in- surges de Miragoine, de Jrermie et de Jaemel la qualification collective de libdraus~t. On vient de voir que coux de J~remie, raisounables en quelque sorted au milieu de leur d~raison, refu- saient d'accepter une denomination politique quelconque, attend que de programme politique its n'en avaient aucun. Quelques na'ifs pour lesquels e'est une jouis- sance exquise que de vivre dans l'ignorance, quelques candides pour lesqixels o'est une dblec- tation sans second que de so complaire dans l'erreur se figurent encore que les singuliers lib6- raux dont il est ici question furent et restent les plus patriots, les plus intelligent, les plus ins- truits, les plus doux, les plus probes, les plus dB- licats, en un mot, les plus parfaits des Ha'itiens. Jaemel avait 6tB compl~tement investie avant la fin du mzois de juillet. Vainous, le 3 aotit, dans un combat qu'ils soutinrent contre les troupes du gouvernement, les rebelles de cette ville fulrent refoulds en d6sordre vers l'interieur de la place. Pour assouvir leur vengeance, ils massacrbrent de sang-froid quatorze citoyens, officiers et fone- tionnaires civils, qu'ils tenaient en prison comme otages et dont le seul crime Btait leur attache- ment bien conna a.u gouvernement constitu- tionnel. LES AFFAIRES D HAITI. 1888-1884. Non contents de cet exploit, 11s pillerent ia Trd- sorerie national. Au commencement du mois d'aotit, entra dlans la rade de Jacmel le steamer anglais de la Malle Royale qui porter aux An tilles le courier d'Europe. Les insurges volbrent les lettres, les ddcache- terent, les lurent, et, par exces de~ maladresse et de cynismne, oserent publier celles des particuliers. Durant que les trojis villes rdvoltee~s se debat- taient contre les murailles humaines qui, chaque jour, se resserraient et s'epaississaient autour d'elles, le 22 septembre, une emente eclatait g Port-au-Prince. Elle fut rAprimbe avec vigueur. Une explication est ici n6cessaire. Quelles Btaient, au point de vue de la m6taphy- sique politique, de la. philosophic social, les cau- ses de 1'insurrection 7... << 11 y adeux sorles de guerres civiles : les unes qui sont des g-uerres d'organisation interieure et qui out lieu durant la grande periodie de deve- loppemlent des peuples; les autres qui sont des guerres de desorgSanisation social et qui eclatent durant la period d'affaissementt et de d6ca- dence (I). n (1) Funck-Brentano. La Civilisation et ses lois, page 4102. LES AFFAIRS D)A'HATI. 1883-1884. De toutes les luttes intestines qui ont Bprouve Haliti depuis son independence, la dernibre, plus qu'aucune autre, peut 8tre range dans la cate- gorie des guerres civiles d'organisation int8- rieure. Les preuves a l'appui de cette manibre de voir abonde~nt dans ce livre. Ainsi que l'a magistralement d6montre un des plus e~minents professes rs de lI'cole des Sciences Politiques qui m'ait; directement honored de ses conseils, M. Funck-Brentano, a la cause des luttes intestines des peuples durant leur pB- riode d'organisation, o'est cette organisation meme n (4). U La coordination des efforts, dit-il, le travail, la fortune privee et publique ne s'etablissent point au sortir de l'8tal sauvage et barbare sans des revendications violentes; I'intelligence des passions et des caractbres; ne se developpe pas sans frottements, et, pa.r consequent, sans d6- sordres; les croyances ne cimentent les peuples qu'aprbs que les divergences originaires ont 6te brisdes; les mcaeurs et les coutumes, les institu- tions sociales et politiques ne s'affermissent point sans que la reciprocite des devoirs auxquels elles remontent n'ait ete souvent mise en question. II faut, en un mot, pour qu'un people parvienne a (i) Funck-Brentano. La Civuilisationz et ses lois, page 403. 10LES AFFAIRES D)HA'ITI. 15883-1884. sa plus grande puissance d'activit6 social, que tous les 416ments de d6sordres et les traces des 6poques savages et barbares aient disparu, dis- parition qui ne peut avoir lieu que par la vio- lence. Aucun people au monde ne s'416ve & la coordination la meilleure de ses efforts, A l'intelli- gence des caractbres et des passions, A 1'unifor- mite des croyances et ide fortes institutions, sans des titonnements infinis et des secousses profon- des. 11 faudrait que dis Posigine it efit la science infuse; qu'il fit civilis6 sans 1'8tre. > L'histoire entire de la civilization attested que ces paroles sont autant de fortes que d'exactes vb- rites. La morale qu'un penseur peut tirer de la con- naissance de ces faits, o'est que les nations vieilles auraient df1 se montrer bien plus indulgentes qu'elles ne le sont gdadralement pour les jeunes peoples qui essaient de marcher sur leurs traces, pour les socidtds, pour les races nerves qui ne font qu'entrer dans la route qu'elles ont dbjA en- tibrement parcourne. ** , On ne doit point se dissimuler que 1'impor- tance des interats economiques et sociaux qui 1'annde dernibre, entraient en lutte en Haiti LES AFFAIRES D)HA'1TI. 1883-1884. I'emportait de beaucoup sur celle des intdrats politiques qui 4taient en jeu. C'est ce qui explique, sans l'excuser aucune- ment, la conduit coupable tenue & I'6tranger par quelgues individus nds en Haiti, qui out volon- tairement emigre de ce pays et dont la plupart ne l'avaient abandonn6 que momentandment, avec idbe de prompt retour. Dbs le mois d'avril, dAs apris que la nouvelle du dbbarquement op6r6 & Miragodne eat 6th con- nue & 1'extirieur, des groups de politicians hai- tiens qui vivaient A la Jamaique, A Saint-Thomas, aux Etats-Unis, en France, adressaient foule de lettres anonymes et de t614grammes aux journaux de ces divers pays pour diffamerle government d'Haiti. Un jeune people a besoin de sa bonne r6puta- tion pour prospdrer, pour grandir. It doit impi- toyablement closer au pilori de son histoire tous les felons, tous les renigats; il doit fl6trir & ja- mais, pour I'enseignement des g6ndrations futu- res, les noms des insens6s et des traitres qui, A 1'6tranger, se constituent les assassinsdel'honneur collectif. Connaissant I'immensit6 du prejudice dont le crAdit du people haltien tout center a eu & souf- frir par suite de critiques injustes dirigees contte ses governments antdrieurs, it me sembla qu'il LES AFFAIRS D)HAITI. 1883-1884. ne m'etait pas permits de laisser amoindric une nouvelle fois en Europe le capital immaterial, le prestige,1'honneur de mon pays m6me par ses fits, que coux-ci fussent ignorant on bien renieurs. Pour tous les politiques serieux, ce n'est jamais le government qu'on insulate, ce ne sont jamais -les gouvernants qu'on hait on qu'on m6prise au dehors: e'est la nation. Tous les patriots vrai- ment dignes de ce titre qui resident ailleurs que sur le sol natal ne reconnaissent qu'un seul dra- peau : cold du gouvernement legal, legitime, du government accept, reconnu par routes les puissances avec lesquelles it entretient des rap- ports. Dans plusieurs journaux de Paris appartenant a des nuances politiques differences od je posse- dais des amis influents, je fis campaign pour renseigner routes les fractions de opinion, pour defender la renommee politique des administra- leurs de ma patrie, afin de conserve a celle-ci l'a'- mitie, I'estime et le respect auxquels elle eut tou- jours droit. Je reunis aujourd'hui mes articles publies en France 1'anneederniere, les faisant suivre de ceux qui parurent ou qui devaient paraitre danslesco- lonnes des journaux d'Haiti. Au tout j'ajoute un plan de politique rigouren- seinent national et scientilique. LES AFFAIRES D1HA'iTI. 1883-1884. On n'ecrit pas froidement quand la patrie est meuetrie, ensanglantee, ruined par la guerre ci- vile; alors que nut ne lui rend justice et que tous la menacent; quand on sent qu'elle va perdre son independence. Je ne m'excuse point. J'explique. J'aime ma patrie et ma race de furieuse amour. Jo les ai defenders avec toute la fougue que je mets A les aimer. Elle ne saurait m'8tre repro- chde par les patriots, les politiques et les pen- seurs. Citoyen haltien, jouissan t de la plenitude de mes droits et connaissant toute l'4tendue de mes de- voirs, j'aiagi de mon propremouvement et selon ma conscience, de propose ddliberd et selon mes convictions. J'entends endorser 1'entibre responsabilitb de mes actes. D'oft qu'elles viennent ou puissent venir, les injures et les menaces me laissent et me laisseront froid. Je ne mendie pas plus les compliments que je ne redoute les rancunes et les colbres. La patrie ne me doit rien: je n'ai fait que mon devoir. Lis-Jos-JVER. Paris, le 4t septembre 1884. LIVRE PREMIER PRESS FRANCAISE CHAPITRE I (d'Avril & Septembre 1883) LES SITUATIONS I LA VERITE SUR LES AFFAIRS D'HAITI. 20 avril 1883. 11 ya quelques jours, des t616grammes dat6s de New-York annongaient qu'une rdvolte venait d'6clater en HaHi, centre le government constitutionnel du gAndral Salomon (1). D'autres tAlbgrammes dat6s de Washington, mais fabriqu6s & Paris, out port6 & la reconnaissance du publiela nouvelle de la d6faite des troupes que le gou- vernement avait envoybes centre los mutins (2). La petite ville de MiragoAne qui, seule, est aux (1) Ces t616grammes on date des it, 12, 13 avril furent in- sir6s sur plusieurs journaux de Paris, notamment sur la Liberld du 13 avril, le Rappel du 14 avril, la Libertd du 14 avril, le Rappel du 15 avril, la Libertd du 15 avril, le Rap- pel du 16 avril. (2) Le Rappel du 15 avril. 18 LES AFFAIRS D'HATTI. 1883-1884. mains des insurg6s n'est pas plus grande que le jardin du Luxembourg : or, d'apr8s un avis official regu d'Haiti par la voie de la JamaTque et public par la 16gation haltienne de Paris, elle 6tait 6troitement cornic dis les premiers moments de sa rebellion (i). Le succhs des troupes du government ne sau- rait 6tre douteux. On a aussi essays de faire croire que le g6ndral Salomon, president d'Haiti, 6tait l'blu d'une fraction de la nation haltienne et qu'il 6tait cruel (2). Double erreur M. Salomon a 6t6 porth A la premiere magis- trature A la presque unanimity des votes librement ex- primbs du Parlement de son pays; de tous ceux qui out occupy le pouvoir en Haiti, depuis 1804, il est certainement un dos plus oldments, un des plus probes, un des plus patriots, un des mieux intention- n6s, un des plus populaires et incontestablement le plus intruit et, par consequent, le plus capable de faire le bien et de conjurer le mal. La d6mocratie haltienne, si honnite et si pleine de bon sens, toute la masse de la bourgeoisie intelli- gente et sArieuse qui a des int6rits matdriels A sauve- garder, la Chambre des repr6sentants et le S6nat de la r6publique antilbenne ont pleine confiance en lui; (1) Le Rappel du 16 avril. (2) La Libertd du 14 avril. On y lit : a On assure que les insurg6s qui se sont empards de Miragodne sont des muld- tres qui se sont r6volt6s centre le gouvernement nigre du president Salomon, A la suite des cruautds commises par ce dernier. n Ce t616gramme a 6td certainement rddigb par un Haition. LES AFFAIRS D HATTI. I883-1884. 19 et, si, par impossible, il venait A descended du pouvoir, mime par un effet de sa propre volonth, avant l'expiration de son septennat constitutionnel, on peut demurer persuadG qu'aucun autre ne saurait occuper le fauteuil presidential ni plus dignement ni plus longtemps que lui. Le people ballien sait cela, et voilk pourquoi son concourse moral et son d6voue- ment effectif le plus absolu sont entibrement acquis au seul government qui donne et peut maintenir une paix durable, la quietude, la stability, le travail et par consequent la richesse danslagrande r6publiquenoire de la mer des Antilles. Quant aux Haitiens indignes de ce nom qui salissent & Paris l'honneur de leur patrie, aid6s on cela par quelques coupe-jarrets de la finance, ils en seront pour la ruine de leurs.espbrances, aussi inavouables qu'insensbes et coupables, et leur conduite, aussi inin- telligente qu'elle est antipatriotique, sera 6nergi- quement fl6trie par la nation haltienne tout entire qui n'aime point les traitres et qui m6prise les re- nigats. Et je signe : Dr Louis JOSEPH JANVIER. (d'Haiti) (1). (i) In Papillon du 29 avril. Mes articles talent signs de mon nom, en routes letters. Dans ce livre, et seulement pour ne pas trop la rip6ter, je ne maintains ma signature qu'au bas des articles dont la phrase finale est construite de fagon telle que la signature, en en faisantpour ainsidire parties intdgrante, ne peut 8tre supprimde sans qu'il n'y ait, en quelgue sorte, faute de logique. EN HAITI. Un Haitien, r&sidant & Paris depuis plusieurs an- n6es, M. Louis Joseph Janvier, nous communique, it propose d'un recent article que nous avons public (1), unelettre de M. Chancy, secretaire du conseil desminis- tres d'Haiti, sur les 6v6nements dont la petite r6publi- que nigre est actuelleutent le thbitre. Voici, d'apr6s cette letter, quelled est la situation exact du pays: << Le 27 mars dernier, cent six exiles, parmi lesquels MM. Boyer Bazelais et Boileau Laforest, ont d6bar- qub & Miragoine et se sont emparbs de cette petite ville. A la nouvelle de cette audacieuse tentative, le president Salomon a envoy des troupes qui ont cern4 Miragoine par terre, tandis que deux vaisseaux de guerre bloquaient le port. Les insurg6s sont done en- ferm#s dans la place sans aucun espoir d'4tre secou- rus. Aux dernibres nouvelles, les troupes r6gulibres se disposaient A bombarded la ville rebelled. << La lettre ajoute que la popularity du president Salomon s'accroit de jour en jour et que le triompho du gouvernement ne fait pas l'ombre d'un doute. << Nous souhaitons sincArement que l'avenir ne vienne pas d6mentir les pronostics optimists de M. Chancy. Aussibien, Haiti, oh l'on parle notrelangue (1) Voir la France du 28 avril. LES AFFAIRES D)HA'ITI. 1883-1884. f21 et oft nos compatriotes ont toujours trouvi: le meilleur et le plus cordial accueil, adroit 8. toutes nos sym- pathies. << Malheureusement, il en est de I'histoire comme de la, m~teorologie : le temps pass est un sbrieux in- dice pour pri~voir le temps future. << Sans doute, ily a des exceptions. 11 peut arriver un moment~oft les calculs les mieux i6tablis sont db- :ra~its par les evbnements. L'histoire du Mexique, pendant ces dernibres ann~es, en est un example con- cluant. << Co beau et sympathique pays qui semblait pour toujours livrC! aux revolutions chroniques, a dfl au der- nior president, Porfirio Diaz, et A son successeur, Gonzalbs, de gofiter de lonlgues annees de paix. Au- jourdl'hui le pli est pris et se conservera. << Le general Salomon parviendrait-il & jouer, en Haiti, le rile r~parateur qlue Diaz a joue auiCexrique? Nous osons l'espibrer, sur la foi de nos honorables correspondants, et nous ajouterons que c'est Ik un de nos plus chers souhaits (l). n (1) Ainsi qu'on peut s'en assurer en lisant la France du 30 avril, cet article est de RI. Lucien N\icot. La lettre dont il est ici question lui fut communique afin de d~truire 10e mauvais effet qu'aurait pu~produire son article du 28 oh il parlait des << dimentis singuliers ,, adress~s a la press par la 16gation d'Haiti 1 Paris. Le chef de cette 14gation, AI. Charles Villevaleix, n'avait pas os6 affirmer que I'insurrection serait rdprimde. NOUVELLES D'HAITI (1). Le Journal des Dibats (numbro du 20 mai) nous mettait au courant de la situation politiqut de la Rd- publique haltienne par les phrases suivantes : a La malle, parties de Port-au-Prince le 24 avril, nous apporto le Moniteur ofticield'Haiti du 14 avril. 8 L'organe du government d6ment la plupart des brits sem6s en Europe et aux Elats-Unis A occasion du coup de main do Boyer Bazelais sur MiragoAne. Il nie notamment que les g6ndraux de l'armbe rdgulibre, A. Proph6te, Lindor, P.-E. Laporte, Lamartinibro, aient it6 tubs; que les g6ndraux H. Piquant et V6ri- quain aiont pass6 aux insurgds; que les villas de Cap- Haition, de la Grande-Rivibre-du-Nord, du Port-de- Paix, du Mile-Saint-Nicolas, de J6r6mie, de Jaemel, se soient prononc60s centre le government r6gulier; onlin que 10 g6ndral I.-Michel Pierre, secretaire d'Etat dela guerre, d616gu6 du gouvernementdans les d6par- tements du Nord et du Nord-0uest, ait 6ti constraint do fnir et se soit rendu du Cap aux Gonalves. 8 Le Moniteur nie igalement que le g6ndral Salomon, chef de l'Elat, soiL malady et mourant, comme on on avait fail courir lo bruit. 11 ajoute: a La v6rit6 sur la situation, la voici : Le reste de la (1) Le Rappel du 23 mai. LES AFFAIRS D HATTI. 1888-1884. 23 R6publique est trbs calme, les populations des villas et des campaigns s'occupent paisiblement de leurs travaux. << Quant aux troupes qui opbrent centre la ville do Miragoine, elles continent & se montrer dignes des chefs qui les commandant. MiragoAne 6tant tris acci- dent6e et prbsentant des positions assez difficiles, il a fallu de la m6thode, de la patience et de la persbvd- rance pour les occuper. << Ces positions 6taient ddji en possession des in- surgbs quand se pr6sentirent les forces du gouverne- ment; et grice A la competence de nos g6ndraux, au courage de nos soldats, et par suite de vigoureuses attaques faites par eux, ils se sont rendus maitres de cos positions, tells que le pont de Miragoine, le car- refour Desruisseau, le fort Brice et le morne Blanc. Aujourd'hui, les insurg6s sont parqu6s sur un seul point de la ville assi6gie, vu le pbril qui les menace ailleurs, attendant ainsi le chitiment qui ne tardera pas A les rapper. << Le government en aurait d6ji fini avec les in- surg6s s'il avait hombard6, la ville de Miragoine; mais, en reason des preuves de fidblitA que les habitants de cette ville lui donned par le vide obstin6 qu'ils font autour de Bazelais, Laforest et les Icurs, il a h6sit6 & recourir A ce moyen. 11 a h6sit6 d'autant plus A le faire, que la ville de Miragoine n'a 606 que trop 6prou- vbe dbji par de frequents incendies. n Le lendemain, on pouvait lire ceci dans trois jour- naux du matin : 24 ,LES AFFAIRS D HATTI. 1883-1884. << Washington, 20 mai. << D'aprAs les deniers avis d'Haiti, les rebelles au- raient battu les troupes du gouvernement dans plu- sieurs rencontres importance. << L'insurrection gagne du terrain. n Ce t616gramme dit tout le contraire de la vbritb et les journaux qui l'ont insdr6 l'ont fait parce qu'ils no s'6taient point apergus qu'il avait 6th ridig6 & Paris le jour m4me et qu'on l'avait fabriqu6 pour rApondre it Particle des Debats et pour dbtruire le bon effet qu'il aurait pu produire. Les auteurs de ces nouvelles alarmantes, s'ils sont des Haitiens, montrent qu'ils n'aiment point leur patric et ils font moins encore l'affaire des insurg6s de Mira- goine qu'ils present servir. Si, par impossible, ceux-ci arrivaient au pou- voir et y restaient, le credit du commerce et du gon- vernement haltiens 6branl6 & l'btranger les empiche- rait de rien entreprendre pour amdliorer la situation &conomique et social du people haltien. En de certaines circonstances, la politique du si- louce est la meilleure. En l'occurrence surtout oft la parole est aux Avine- ments, et toute aux Av6nements, je rappelled aux patriots haltiens de Paris que le silence est d'or. L'EMEUTE D'AQUIN (1). Le dernier courier venant d'Ha'iti nous apporte les nouvelles suivantes : Los insurg6s de Miragoine sont rbduits A la der- nibre extr6mith. Ils n'ont plus de vivres et leurs mu- nitions sont 6puishes. Miragoine est en flames. Le g6ndral Henri Piquant conduit le si6ge avec la plus grande vigueur. Sous peu, la ville sera prise d'as- saut. L'arrondissement de la Grando-Anse a 6th mis en 6tat de siAge et les rebelles de J6r6mie seront bientit fails prisonniers. Une Amente avait Aclat6 & Aquin; elle a 6th r6pri- mAe avec autant de e614rit6 que de vigueur. Le reste du pays jouit du calme le plus par- fait. La popularity du prAsident Salomon est plus grande que jamais. Partout son nom est acclamb avec le plus sincAre enthousiasme. (1) Le Paris du 30 juin : EN thin. Voir aussi le Voltaire du 30 juin, le Rappel du 30 juin et 1'Intransigeant du 2 juil- let. 26 LES AFFAIRS D HATTI. 1883-1884. La majority de la nation haltienne vent la paix. Elle n'entend plus se laisser tromper par les conspi- rateurs et les ren6gats qui, apris l'avoir ruinde, I'in- sultent A l'6tranger. QUESTIONS HAITIENNES (1). Paris, 5 juillet. Monsieur, Permettez-moi de r6pondre quelques mots A un arti- cle qui a &td public dans la France, ces jours-ci, sur , la question haltienne, et qui fourmille d'erreurs histo- riques et gbographiques. On a insinu6 que le droit 6tait pour ceux qui, le 27 mars dernier, avaient surprise la petite ville de Mi- ragoine et s'en 6taient emparbs sans coup fdrir. C'est 14 une erreur et voici qui le d6montre : le g6nbral Sa- lomon a 6t6 blu president de la Rdpublique haltienne par la Chambre et le Sdnat r6unis en Assemblbe na- tionale.Le mandate prAsidentiel lui est confit pour sept ans. La Chambre et le Sdnat se r6unissent en ce mo- ment A la capital, et la Constitution de 1879, qui n'est nullement calquie sur la Constitution f6ddrale des Etats-Unis, mais qui resemble bien plutit aux lois constitutionnelles frangaises de 1875, est en pleine vigueur dans toute l'6tendue de la R6publique, except sur les territories des deux arrondissements de la Grando-Anse et de Nippes, lesquels sont d6claris en (1) Le Par~is du 6 juillet. 28 LES AFFAIRS D HATTI. 1888-1884. 6tal de sibge parce qu'y sont situdes les villes de Miragoine et de J&rimie, occupies en ce moment par les insurg6s. D'aucuns rbp6tent que M. Salomon est imbu de pr6- jug6s de couleur et qu'il nourrit des rancunes contre les mulAtres d'Haiti. Rien n'est plus faux. Dans un dis- cours qu'il a prononed & Port-au-Prince, le 29 avril de cette ann6e, il a fait justice de routes ces ca- lomnieuses et sottes amputations. 11 a insists sur co fait, A savor que sa femme 6tait une blanche, une Pa- risienne, et que, s'il avait eu des infants d'elle, ceux-ci seraient des mulitres; il a montr6 combien sa con- duite avait 6t6 magnanime envers tous ceux qui, pen- dant vingt ans, I'avaient tenu bloignb du sol natal, qui avaient fait fusiller ses parents et qui l'avaient injuri6 alors qu'il 6tait pauvre, seul, abandonn6 sur la terre d'exil. 11 aurait pu ajouter que son minister de l'int6- rieur, M. Ovide Cameau 6tait on mulAtre; que le repri- sentant d'Haiti & Washington, M. Preston, 6tait un homme de couleur aussi blanc de peau qu'un Belge; il aural pu faire observer que tel Mail aussi le cas de M. Charles Villevaleix, le minister rAsident d'Haiti & Paris et & Londres; que tel 6tait le cas de M. Thomas Madiou, I'int6rimaire du ministbre de la guerre, lequel est titulaire des portefeuilles de la justice et des cultes. Nombre d'officiers, commandant les divisions admi- nistratives de la R6publique, sont des mulitres, entre autres le g6ndral Fontange Chevalier, qui est A la tite de l'arrondissement des Cayes, oh il d6ploie un zile tris louable au service du chef constitutionnel. D'ail- leurs, ainsi que M. Schaelcher l'avait dbji prouv6 et LES AFFAIRS D'HAiTI. 1883-1884. 29 ainsi qu'il est rapport dans mon livre intitul6 : la Rd- publique d'Haiti et ses visiteurs, les noirs n'ont jamais eu de pr6jugbs de couleur; au contraire, ce sont eux qui en ont toujours souffert (1). M. Salomon a si peu pill6 le Trbsor, ainsi qu'on l'en accuse, que o'est grice A son administration que les capitaux frangais commendrent A circular en Halti, cela depuis qu'il ya fond6 une Banque national, la- (1) Apris la repression de insurrection et le 16 f6vrier 1884, le g6ndral Fontange Chevalier, dans un discourse qu'll pronougait aux Cayes devant un nombreux auditoire, disait textuellement ceci, s'adressant au president Salomon: << Vos enemies, les ennemis du pays out voulu diviser les infants d'Haiti en s'appuyant sur une ridicule question de nuances. Ils ne veulent pourtant qu'une chose : asseroir une majority d'hommes inoffensifs e. A ces nobles paroles qui partaient d'un emur g6ndreux et franc, le president d'Haitir6pondait en ces terms: a Puisque le g6ndral Chevalier qui est muldtre me parle de cette ques- tion de couleur, je vais vous en dire quelgues mots, mes amis : J'ai dit quelque part que les' libdraux avalent voulu nous ramener A la funeste 6poque de la lutte entre Toussaint et Rigaud; qu'ils voulaient faire revive la question du ub- gre et du muldtre. C'est, en effet, ce qu'ont tent6 Boyer Bazelais et les siens. Dans cette pensde, ils se sont adress6s A tous mes lieutenants qui sont muldtres. Ils out derit au g6ndral Selde Thdl4maque, mulatre, au g6ndral Chevalier, mulatre, au g6ndral Larrieux, mulAtre, au g6ndral Turenne Jean Gilles, muldtre, au general H6rard Laforest, mul&tre, au ddputb Br6a, mulAtre, pour insinuer qu'lls ne devaient pas servir un gouvernement dont le chef est un noir. Mes lieutenants, officers d'honneur, patriots sincAres, m'out tous envoy les lettres qui leur avaient 6t6 addresses, dans ce but criminal, par Thoby, D61inois, Camille Bruno et tant d'autres. 8 La preuve que insurrection qui vient d'6tre andantie 30 LES AFFAIRS D'HATTI. 1888-1884. quelled fait touts les operations de trbsorevie de la R6publique. Les changes de cette a ile merveilleuse n, qui d'ailleurs a ne product plus de suere, a ces Achanges s'annongaient brilliant pour cette annAe, et ce sont les insurg6s de Miragoine, dont le premier soin a 6th de d6clarer par dberet dit r6volutionnaire (?), que tous les impats talent abolish, ce sont eux qui paralysent pour avait pour mobile la question de couleur, e'est que cing noirs seulement se trouvalent parmi les quatre-vingt-dix-huit in- surg6s d6barqu6s & Miragoine le 27 mars de 1'annde der- nibre; e'est que dans J4r6mie, dans Jaemel, sur chaque cen- taine d'insurg6s, on ne comptait 4 peine que dix noirs; et o'est la mime proportion qu'on a remarqude lors de 1'em- barquement & Port-au-Prince des insurg6s du 22 september qui 4taient r6fugids dans les divers consulate de cette ville. On sait qu'ici, aux Ca.yes, un individual s'4tait charge de re- cruter des mul&tres pour insurrection. Cet individu payait le passage des jeunes gens de couleur qu'il dirigeait sur les villas rebelled. On le connait celui-14 et gare A lui. a Mais heureusement que les insens6s, les criminels de la hande bazelaisiste sont en petit nombre, ainsi que viennent de le prouver les 6v6nements. Et o'est grice aux efforts des noirs et des jaunes, grace & 1'entente qui a constamment r6gn6 entre eux, que insurrection est vaincue et que la fac- tion libdrale est A jamais audantie. = Ma dernibre recommendation, ma dernibre pribre, en descendant de cet autel de la Patrie, est un supreme appel que je vous fais, mes amis : Restons A jamais unis et vivons on frbres a (Moniteur haltien du f or mars 1884.) Toute la question du pr6jug6 de couleur en Ha'iti est pour ainsi dire 61ucid6e en ces quelques phrases de MM. Chevalier et Salomon. On volt maintenance pourquol les insurg6s de J6r6mie refusaient de prendre toute denomination politique et n'dlaboraient aucun programme 6conomique; en fait de LES AFFAIRS D'HATTI. 1883-I884. 31 l'instant les affairs commercials de tous les ports d'Haiti. Ces a honnites gens a n'ont aucun respect des lois qu'ils croient au-dessous d'eux. Ils savent que le Sboat et la Chambre sont les principaux gardens de la Cons- titution; ils n'ignorent point que ces deux Chambros out scules le droit d'agir au nom de la Constitution; ils savent que o'est au Parlement haltien qu'appartient 10 devoir de r6gler les libert6s n6cessaires au people haltien, dont il est le mandataire former, et pourtant, m6prisant les amnisties pr6sidentielles, ils ont mieux couleur politique ils n'en avaient qu'une : la couleur plus on moins foucde de leur peau. On conviendra que pour les poli- tiques qui sont doubles de philosophies et de penseurs, pour les homes d'Etat s6rieux, la reason n'est pas suffisante. Qu'on ne s'y trompe point, d'ailleurs, le pr6jug6 de cou- leur du mulitre centre le noir n'est que le pr6texte habile- ment mis en avant; derriere lui se dissimule toujours le vrai motif de toute insurrection : la prise de possession du pou- voir et la premise de ce pouvoir & un muldtre on A un noir ignorant qui devient un mannequin politique entre les mains de ses ministries muldtres. Que les antinationaux ne viennent pas parlor de principles, de lib6ralisme : ils n'ont pas de principles sociaux et ne sont nullement des lib6raux. C'est ce que les artisans, les paysans sentent tris bien, et voild pourquoi le pouvoir des chefs mulAtres n'a jamais 6td que prdcaire; voild pourquoi ils n'ont jamais pu bdtir que sur du sable. 11s n'auront jamais la conflance du yrai people, s'ils ne prouvent, au pr6alable, par toute une existence de labours, par une conduit pleine do respect pour les lois du nombre et pour la loi derite, que le pr6jug6 de couleur ne fit jamais parties de leur baggage po- litique. Puissent-ils me comprendre pour le plus grand bien de la patrie. 32 LES AFFAIRS D'HATTL 1883-1884. aim6 liver leur patrie, qu'ils dissent tant aimer, a toutes les chances, A tous les dangers, A routes les tristesses, A toutes'les horreurs, A routes les d6solations de la guerre civil. Les vbritables lib6raux sont ceux qui respectent la loi, qui n'ont d'autre arme que l'article de journal, le livre, la parole, le bulletin de vote, et qui, dans au- oune circonstance, ne veulent liver leur pays A la guerre intestine, A l'anarchie. Les insurg6s n'occupent que le littoral de la ville de J6r6mie et un quarter de la ville de Miragoine. Le government est si peu avide de leur sang, si plein de mansubtude, qu'il youdrait les porter A se rendre par la famine plutit que d'ordonner un assault dans lequel nulle vie ne serait 6pargn6e. De routes parts, de nombreuses addresses sont cou- vertes de signatures des Haitiens les plus marquants et les plus honorables, et elles sont envoyAes au prd- sident d'Haiti pour l'assurer de la confiance de la na- . Lion; les commergants strangers out mis spontand- ment un million A la disposition du government, et ils out fait remettre au president la plus flatteuse de ces addresses. On a soutenu que depuis 1804 il y avait en soixante- dix revolutions en Haiti. Cette assertion est tellement ridicule qu'elle en est puerile ou senile. Au fond, il n'y en a jamais eu qu'une scule : o'est celle que Salomon vient d'opbrer en janvior de eette ann6e en faisant rendre une loi agraire aux terms de laquelle les pro- priAths de l'Etat seront morcelbes, de manibre que chaque paysan puisse devenir propri6taire foncier. LES AFFAIRS D'HATTI. 1883-1884. 33 Des chefs d'Etat haltiens, dont il est parl6 de fagon fort inexact, P6tion resta onze ans au pouvoir comme president et comme dictateur, Christophe pendant treize ans, et Boyer pendant vingt-cing ans. En France, depuis Louis XV, aucun chef n'a exerc6 la supreme magistrature pendant vingt-cing ans. Faustin Soulougue, president en 1847, empereur en 1849, abdiqua en 1859; Geffrard, sur le compete duquel on est fort mal renseign6 en Europe, fut president pen- dant huit ans, et Nissage Saget est rest6 & la pr6si- dence pendant le terme quadriennal que la Constitu- tion lui avait assign. Le g6ndral Salomon fera son septennat. De mime que M. Salomon, tous les ministers qui sont actuellement au pouvoir sont animus des meil- louces intentions enters la France, et ils songeaient A resserrer les liens qui les rattachent au pays oh tous out viou et oh plusieurs out 6tudid, quand ils ont 6th traverses dans leurs projects pacifiques et civilisateurs. Un mot pour finir : La mason d'arrAt de Port-au- Prince ne peut pas contenir douze cents prisonniers, les empilit-on les uns sur les autres. Quelques sus- pects politiques ont 6th mis en 6tat d'arrestation, mais ils seront tous relaxes dAs que insurrection aura mis has les armes, e'est-A-dire sous peu. Toutes ces nouvelles, je les donne d'apris les letters et les journaux que j'ai directement regus de Port-au- Prince et du Cap-flaitien, aussi bien que d'aprbs les documents imprimis qui m'ont 6th envoys je ne sais d'ob et par qui, mais qui portent tous le timbre de la JamaIque. 34 LES AFFAIRS D'HATTI. 1883-1884. Tous ceux en France qui ailment leur pays et qui s'int&ressent A l'avenir *d'Haiti et de la race noire doivent d6sirer qu'aucune guerre civil ne dbehire A nouveau ce jeune people qui fait tant d'efforts pour mdriter l'estime, la sympathies elle respect des vieilles nations oh elle envoie ses fils puiser l'esprit de told- rance, le respect de la volont6 national et de la loi, la patience,1'amour des siens pouss6 jusqu'd l'abn6gation, au sacrifice, et les lumibres politiques qu'ils devront meltre plus tard au service de la patrie. LE PARLEMENT HAITIEN. 0 Le D' Louis Joseph Janvier (d'Ha'iti) nous commu- nique les nouvelles suivantes, qu'il vient de recevoir do son pays par le dernier bateau arrive des An- tilles (1) : a L'armbe du government opbrant devant Mira- goine occupe toutes les hauteurs et tous les forts qui dominant la Basse- Ville, dernibre retraite des r6volt6s. Cern6s de tous cit6s, n'ayant point de vivres, point de munitions et aucun moyen de faite, leur position n'est plus tenable. La ville et la commune des Abricots sont au pouvoir dos troupes depuis le 24 juin. Le 27 juin elles ont oc- cup6 le fort Marfranc. La ville de Jdrbmie se troupe resserrie au point de ne pouvoir tirer des vivres du dehors. Son port est en 6tat de blocks. Menace par la famine et le bombardment, Jdrbmie ouvrira ses portes avant longtemps. Les insurg6s, d'ailleurs, sont divis6s of los commergants de cette ville, qui craignent d'8tre bruins, sont on pourparlors avec eux pour les amener A se rendre avant l'assaut. Le reste de la R6publique liaitienne jouit du calmo 10 plus parfait. (1) Le Rappel du for aoit. 36 LES AFFAIRS D HAITI, 1883-1884. Le 2 juillet, une imposante manifestation se produi- sait dans les rues de Port-au-Prince. Le 6 juillet, la Chambre des d6put4s s'est r6unie dans la salle de ses stances et a constitute son bureau. D'un autre cit6, sur trente membres dont se com- pose le Sbnat, vingt-deux 6taient presents A la capital et la session allait s'ouvrir. Le government est assez fort pour n'4tre pas ri- goureux enters les 6gar6s; if 6puisera les voies de conciliation pour les ramener par la douceur. LES AFFAIRS HAITIENNES (1). 11 a paru dans le Moniteur des consulate, du 4 aofit, un article injurieux pour le caractbre politique et pour la personnel du gAndral Salomon, prAsident d'Haiti. La place nous manque pour reliever toutes les erreurs gbo- graphiques, historiques et politiques que content cet article. Toutefois, it faut 4claircr opinion publique en France afin qu'elle ne soit point trompAe par ceux qui ont inthrAt A le faire. Le g6n6ral Salomon, ancien am- bassadeur d'Haiti prbs la cour des Tuileries sous l'em- pereur Napolbon III, est certainement l'homme politi- que haltien dont la carribre est la plus longue, la plus glorieuse et la mieux remplie. C'est un esprit cultiv4, forme et conciliant; depuis trois ans qu'il occupe la prbsidence, il a rendu & son pays d'6minents services, de ces services qui competent dans la vie d'un people. 11 a permits introduction des capitaux frangais en Haiti pour la creation d'une Banque national; il a fait enter le pays dans l'Union mon6taire latine (2), dans l'Union du mitre frangais, dans l'Union international des posters, el, par ainsi, il l'a entibrement lanc6 dans 10 courant de la civilization moderne. (1) La Patrie du 10 aott 1883. (2) Si nous u'y sommes point encore, la faute en est & M. Damier. 11 serait A d4sirer que la Chambre et le S6nat lui fissent rendre compete de sa gestion. 38 LES AFFAIRES D HA'ITI. 1883-1884. 11 est president constitutionnolloment Sllu pour sept ans. La Chambre des dt~puths et le Senat reunis & Port- au-Prince en co moment participent avoc lui & la con- fection des lois of veillent 9. l'observance de la Consti- tution de 1870 qui est en pleine vigueur. Comme on no peut articuler contre lui aucun grief politique serieux, on essaie de reproduire contre le president Salomon le reproche qu'on a adresst: B plu- sieurs de ses pr~di~cesseurs : celui de s'appuyer sur la plus nombreuse fraction du people ha'ltien pour gou- verner l'Etat. 11 n'agit pas autrement qu'on agit ail- leurs et qlue n'agiraient ses dl~tracteurs si, par impos- sible, ceux-ci arrivaient au pouvoir. On no gouverne pas avec les minorities, si insolentes soient-elles. Les ennemis du president d'Ha'iti le calomnient quand ils rd~pi~tent qu'il n'aime pas los mul~tres. Voici des preuves : Alme Salomon est une blanche, nee Fran- gaiso; le ministry de la Justice et le ministry de l'Int6- rieur, les ministres residents d'Hai'ti & Paris et & Was- hington sont des multitres. 11 en est do mime de bon nombre des fonctionnaires civils et militaires qui en- tourent WI. Salomon et qui out 4te nommes par lui aux charges qu'ils occupent. ou conserves dans celles qu'ils occupaient (1). (1) Ces arguments,prisentis comme r6ponses ides calom- nies souvent reproduites, seront souvent rirp~tds. Toute~s les redites que l'on pourrait rencontrer dans ces pages, derites d'ailleurs au jour le jour, sans plan arr~t6, au hasard de la poldmique, sont des ripostes g des redites. Elles peuvent 6tre regarddes comme absolument ndeessaires etl6B gitimes ;1e articles eux-m~mes doivent 8tre consid6rds acomme absolument isolds les uns des autres. LES AFFAIRES D HA'ITI. 1883-1884. 30 Les robelles, qlui se tionnent dans les deux petites villes de Miraga~ine et de J~r6mic, sont Btraitement cern~s par les troupes du president 16gal qui n'atten- dait qu'un vote des Chambros pour on finir compli~te- ment avec l'insurrection. Le d~partement du Sutd est tout acqluis i l'ordro de choses etabli par les deux Chambres du Parlement halitien; et, d'ailleurs, ti~moin Ics nombreuses addresses qui sont envoyees au president de tous les points de f'ile d'Ha'iti, la majority: paisible et travailleuse intend soutenir, par tous les moyens, le gouvernement cons- titutionnel qlui lui assure la paix, la2 shourilt: et le tra- vail et qui, seul, peut les lui garantir & l'avenir. Le president Salomon sait tr~op ce qu'il so doit k lui- mn~me et ce qu'il doit i sat patrie et & sa race pour ne pas faire respecter la loi et pour ne: pas remplir son devoir jusqlu'au bout. VIII < LA VICTOIRE NOUS RESTERA! (1) b Les journaux d'Haiti apportent de ce pays les nouvelles suivantes : Les deux Chambres du Parlement haltien sont r6unies & Port-au Prince. Elles ont modifi6 article 31 do la Constitution alin d'armer to government do pouvoirs suffisants pour la repression de la rAvolte et pour le chitiment des rebelles et de leurs complies flui ont tentd d'incendier la capital. La ville de Miragoine est cern6e plus que jamais, et les insurg6s, loin d'en pouvoir sortir pour marcher sur Lbogane, songent, au contraire, A s'enfuir ou se donned la mort. J6r4mie, privde de munitions et privbe d'eau, est sur le point de capituler. Dans sa stance du 25 juillet, I'Assembl6e national, par un vote unanime et d'acclamation, a donn6 au prb- sident d'Haiti une nouvello marque de sa conflance; clie a d6clard, par un message, qu'elle 6tait prite & seconder le president Salomon dans tout ce qu'il pou- vait entreprendre pour sauvegarder la paix et ramenor la s4curit6 dans le pays. Dans la nuit du 23 juillet, quelques meneurs, qui s'6taient r6fugibs au consulate anglais de Jaemel, on (1) Le Natliolnal du 30 aoflt 1883. H.Cinl. LES AFFAIRS D'HAITI. 1883-1884. 41 sont sortis et ont pris les armes dans cette ville. La population des campaigns, sur laquelle ils comp talent, n'a pas r6pondu & leur appel. DAs le 28, la ville 6tait 6troitement invested par les forces du government, A la tite desquelles se trouve le g6ndral Parlanqu6. Le 3 aofit, so voyant vigoureusement attaqu6s et chassis des remparts qu'ils avalent 61ev6s A la hAte, les insurg6s se sont replies sur le centre de la ville. Entourbs dans leurs nouvelles positions, its out as- sassin6 dans les prisons plusieurs vaillants officers et honorable citoyens dont le seul crime 6tait leur fid6- lit6 au government constitutionnel (1). L'acte de sauvagerie commit par les soi-disant libi- (1) Voici le texte de la proclamation adress6e au people et A l'armde par le president de la R6publique haltienne pour porter A leur reconnaissance la nouvelle des 6v6nements dont Jaemel fut le th6dtre dans les premiers jours dumois d'aott: Haitiens, Les insens6s qui, A Miragoine, A J6r6mie et & Jaemel, sont en armes centre le gouvernementl4gal et au nom, disent-ils des principles de la liberty et de la civilization, viennent de donner la preuve la plus 6clatante qu'ils ne sont pas seule- ment des rebelled; i.1s sont aussi et surtout des assassins!!l Attaquds & Jaemel par les forces du government le 3 de ee mois, A dix heures du matin, etrefoulds dans leurs derniers retranchements, ces misdrables out assouvi leur vengeance en 6gorgeant dens les prisons de cette ville les lieutenants et les amis du government qu'ils avaient surprise au mo- ment deleur prise d'armes, le23 du mois dernier. Les victims, dont le seul crime 6tait leur fiddlitd au gou- vernement constitutionnel, sont : les g6ndraux Joachim V6- riquain, chef de mon 4tat-major, d616gu6 du gouvernement dans arrondissement de Jaemel; Millien Jean-Jacques fils, 42 LES AFFAIRS D'HAITL 1883-1884. raux de Jaemel a provoqu6 par toute la R6publique une explosion d'indignation centre les soblbrats qui en ont 6td les anteurs et centre leurs partisans. La nation haltienne yout la paix. Do tous les cit6s, on demanded au government de mettre promptement commandant 1'arrondissement; Pierre-Augustin D6sir6, an- cien commandant de 1'arrondissement; Miaille Jean-Jacques, directeur de l'arsenal; Village Hilaire, chef de la police admi- nistrative; Kernisan Etienne, contrbleurhladouane; Joinisse Saumerville, sous-chef de la police administrative; Merlo Malique, dit Dumay, directeur de 1'h6pitalmilitaire; le citoyen Leclere Merlo, comptable au Trbsor de Jaemel et d'autres ci- toyens. Haitiens, Un tel acte d4passe les bones de imagination, lorsqu'on se rappellesurtout quele g6ndral V4riquainune des malheu- reuses et regrettdes victims de cette triste journde, a tou- jours 6td respect de ses enemies mimes; qu'il a toujours covert de sa protection et qu'il avait combl4 de bientaits ses assassins d'aujourd'hui. Le g6ndral V6riquain, comme les g6ndraux D4sird, Millien Jean-Jacques et autres out d'autant moins m6rit4 le sort qui Jeur a 6t6 faith Jacmel, qu'ils se sont toujours conduits dans I'accomplissement de leurs devoirs, de favon & satisfaire et le government et la soci4t6 de Jaemel. Le government, tout en poursuivant duergiquement la repression des rdvoltes de Jaemel, de Jdrdmie et de Miragodne d6nonce au pays et au monde civilis6 le crime de Jaemel, contraire mime A routes les lois de la guerre. Haltiens, Vous avez 4td timoins de toutesles measures quej'ai praises pour 6viter de terrible malheurs; A ma moderation les re- beUes out r6pondu par un abominable assassinate, par le massacre de plusieurs de mes lieutenants. LES AFFAIRS D'HATTI. 1883-1884. 48 fin A la rebellion en ordonnant qu'on enlbve d'assaut les villas de Miragoine, de J6r6mie et de Jaemel. 11 en sera ainsi fait, car la measure est comble. Les criminals qui occupant ces trois villes seront punis de fagon exemplaire. En face de cette nouvelle situation que me orient ces in- sens4s, je n'oublierai pas mon devoir; je l'accompliral & la satisfaction de la patrie dont les destinies m'ont 6t6 librement conflbes. Miragodne, J6r6mie et Jaemel, ces repaired d'assassins,.se sont abrit6s sous le m8me 4tendard. C'est au nom de Boyer Bazelais, qu'ils se sont pronounced centre mon government. Une guerre A mort est done dd- clarde entre eux et le pays dont je suis le chef ; la victoire nous restera ! Vive la souverainet6 du people! Vivela constitution I Vivent la paix etla tranquillity ! Donn6 au Palais National de Port-au-Prince,1e 6 aott 1883 an 80* de find6pendance. Scomon. Apris avoir rapport le texte de cette proclamation, 1'Evdne- ment du 30 aott le faisait suivre de ces quelques lines: << Tous les Haitiens r6prouvent les criminals attentats d'une poignde de factieux. Le president de la Rdpublique reste fort de l'appui du Parlement et de l'armde. << 11 est probable que le prochain courier d'Halti nous ap- prendra la d6route des rebelled, refoulds dans leurs derniers retrenchments et la fla de l'insurrection, 8 LA REVOLT EN HAITI (1). - La France d'hier a public un article intitul6 la Revolution d'Harti. Cet article content autant d'inexactitudes que celui qui avait paru & la date du 3 juillet dernier dans les colonies du mime journal et sous la mAme signature. Documents officials en mains, on peut prouver que la bonne foi de son auteur a 6t6 surprise. 11 y est dit que le prAsident d'Haiti, le g6ndral Salo- mon, << ancient ambassadeur & Paris, est un noir; qu'il a les d6fauts de sa race, et que e'est un vrai tyranneau 8. Peu do gens en sont & savoir que les plus grand trans dont I'histoire ait enregistr6 les noms n'appar- tenaietit nullement A la race noire (2). - Pour traitor des questions haltiennes, il ne suffit pas d'avoir quelques values notions sur l'histoire (1) Le Paris du for septembre 1883. (2) Tibbre, N4ron, Hbliogabale, Pierre le Cruel, Charles IX, Henri VIII, C6sar Borgia furent des tyrants dont 1'Europe oc- cidentale ne saurait oublier les noms. Ils n'6taient pas des nigres. Je d611e qu'on cite le nom d'un seul chef noir qui les ait 6gal6s en f6rocitd. 11 serait grand temps qu'on fdt juste, indulgent enters la race noire; qu'on l'innocentit surtout de tous les crimes et forfeits dont il 6tait de mise autrefois de charger la m6moire de ses types les plus 6minents ou les plus c616bres. LES AFFAIRS D'HATTI. 1888-1884. 45 d'Haiti,1aquelle est'des plus 6pineuses etdemande une 6tude particulibre et trbs approfondie. Selon le signataire de Particle, le president Boyer gouverna << douze ans Haiti n et le fit << aveo boonomie et moderation n. Il ya 14 une triple erreur historique. Boyer occupy la prbsidence pendant vingt-cing ans, du 30 mars 1818 an 13 mars 1843; ce fut un tyran; it n'arriva au pou- voir que par l'intrigue et n'y resta qu'en 6nervant le people et en le private de toute lumibre; sa politique extbrieure, d'une parfaite ineptie, fut la plus funeste A la nation haltienne; et elle est cause de tous les mal- heurs actuels. Puis done, la pr6sidence d'Haiti n'est pas un fief h6r6ditaire ! M. Boyer Bazelais, le chef des rebelles de Miragoine, est un homme dont l'esprit est tellement << ouvert et belairA a et << it portage tellement a les idAes politiques qui out cours dans les << pays les plus avaneAs d'Eu- rope n, qu'il n'a pas craint de d6chainer la guerre civil sur son pays, dbji tant 6prouv6 par les luttes intestines. A cette heure, le commerce et I'agriculture ch6ment, routes les 4coles sont fermbes, tout travail est suspend parce que ce factieux croit avoir regu du ciel la mission de diriger les destinies de la nation haltienne, cela contraireinent au voeu du people qui l'a chasse en 1879 et dontles mandataires directs sont en ce moment r6unis & Port-au-Prince, autour du chef constitutionnellement 61u. Au fond, M. Boyer Bazelais n'a pas plus << de grande intelligence n que de << bon jugement n, et son pr6- tendu libbralisme n'existe qu'en paroles. Son obstina- 46 LES AFFAIRS D'HAITI. 1883-1884. tion singulibre & vouloir escalader le pouvoir, mime en versant le sang de ses concitoyens, prove qu'il a tous los instincts despoliques de son funeste aleul, le president Boyer. Quand on est vraiment intelligent et sincirement liberal, on arrive au pouvoir autrement qu'en dbsolant sa patric par la guerre civil et en la faihant avilir A l'6tranger. Contrairement A ce qu'on advance, la Banque natio- nale d'Halti, fondue au capital de dix millions de francs, dont cing ont 4td souscrits & Paris, fonetionne admi- rablement. Elle est si peu ruinbe, qu'il ya trois mois & poine elle distribuait un dividend de dix pour cent A ses actionnaires frangais, lesquels peuvent tous en t6moigner. Notre contradicteur est fort mal ranseign6 quand il borit que c'est << A la prise de Jbrbmie a que les rebelles ont fait passer par les armes sept g6n6raux faits pri- sonmers. La v6rit6, la voici : Quatorze prisonniers, tant civil que militaries, dont le seul crime 4tait leur fid61it6 au government constitutional, out 6t6 IAchement et froidement massacres dans les prisons de Jaemel par les soi-disant libdraux de cette ville, aprbs qu'ils y eurent lev6 I'6tendard de la rdvolte centre l'ordre des choses r6gulibrement 6tabli. Cet acte inqualillable, commis par ces pr6tendus << honnites gens n, a soulev6 centre eux et leurs par- tisans une indignation g4ndrale dans toute la R4pu- blique. On ne peut rien attendre de M. Boyer Bazelais. Sa candidature A la pr4sidence est tude & jamais. Si, par AES AFFAIRS D'HATTI. 1888-1884. 4.7 impossible, il montait au pouvoir, il en serait imm6- diatement renvers6. 11 n'obtiendra jamais la con- fiance et l'estime dti people que ses partisans mala- droits font insulter chaque jour en Europe et en Ambrique. Jaemel, Jbrbmie et MiragoAne sont les trois seuls places occupies par les insurg6s. Elles sont btraite- ment investies toutes trois, et, au lieu de singer A marcher sur Port-au-Prince par la route de L&ogane, ces malheureux Agards de Miragoho se suicident, meurent de faim et de soif, on vont faire leur soumis- sion entre les mains des assibgeants. Ces trois villes seront I'une apris l'autre bombardbes et emportbes par les forces de terre et de mer du gou- vernement, aussitdt qu'arrivera dans les eaux hal- tiennes le navire de guerre que l'Etat vient d'acheter aux Etats-Unis. La Chamber et le S6nat, expression du vote libre de la majority de la nation, resteront en session perma- nente A la capital. Its out d6clar6 par un message en date du 25 juillet dernier, qu'ils 6taient prits & secon- der M. Salomon<< dans tout ce qu'il pourra entreprendre pour sauvegarder la paix et ramener la conflance dans le pays >. L'Assemblde national, en s6ance solennelle du 27 juillet, a modifi6 l'article 31 de la Constitution et a remis, par cela mime, au president d'Haiti les armes dont il avait besoin pour donner use legon au parti dit liberal qui, A vrai dire, n'est compose que de pr6tendus aristocrats, vaniteux et anarchists, lesquels se croient trop grand seigneurs pour obbir aux lois et 48 LES AFFAIRS D'HATTI. 1888-1884. d'un certain nombre de samples, homes du people fanalis6s par les premiers. Avant peu << l'affaire sera dbeidde d'une fagon d6fi- nitive n, mais en faveur du parti de la 16galit6, de l'ordre et de la representation national. L'lNSURRECTION HAITIENNE (1). << LeD'JanvierquinousadAjicommuniquAd'intAres- sants renseignements sur I'insurrection d'Haiti, nous adresse aujourd'hui la communication ei-dessous, qui dbmontre combien sont peu lib6rales el d6mocratiques les revendications des factieux : 8 Miragoine, Jaemel et J6r6mie sont trois villes situbes A de grades distances l'une del'autre. Elles sont 6troi- tement investies par los troupes du government. Au- cun autre point du territoire n'a imit6 Icur example. On peut 4tre certain que la r6volte sera comprimbe, pour le plus grand bien de la patrie. Les officers et employs qui out 6th massacres par les insurg6s de Jaemel servaient un government 16- gal, constitutionnellement 6tabli, et fonetionnant con - stitutionnellement. lis talent plus honorable que tel des pr6tendus libbraux de MiragoAne. A tous les points de vue, ils ne valaient pas moins que ceux qui sont cit6s comme des patriots intigres et intelligent, encore qu'ils appartiennent au parti dit libAral. La Chamber et le S6nat, en session APort-au--Prince, sont composes d'hommes instruits qui tous compren- (1) L'Evenement du it september 1883. C'est une r4ponse A un article public par le Paris du 6 september. 50 LES AFFAIRS D'HATTI. 1883-1884. nent leurs devoirs; leur patriotism etleur courage ci- vique sont & toute 6preuve, et au-dessus de tout bloge. Si, par impossible, le parti soi-disant liberal avaitle dessus, il ne pourrait dissoudre le Parlement sans vio- ler la constitution et sans replonger le pays dans la guerre civil; s'il ne le dissolvait pas, il ne pourrait gouverner pendant un mois. D'apris la Constitution do 1879, aussi bien que d'a- pris celle de 1867, le president de la R6publique hal- tionne no peut 4tre blu que par l'AssemblAe national; or, elle no donnera jamais la pr6sidence A l'un des in- surg6s de MiragoAne, de J6r6mie ou de Jaemel. Le president Salomon u'a jamais fait mettre A mort aucun enfant ni aucun vicillard, et, sous son gouver- nement, il n'y a jamais eu d'exboution capital & Saint- Louis ou & Cavaillon. La reputation d'int6grit6 et de capacity administra.- tives qu'on fait au chef dos r6volt6s est absolument surfaite. Le tact politique et la science 6conomique de II. Boyer Bazelais no talent pas plus que ceux de son aleul, le prAsident Boyer, de triste m6moire. 111. Bazelais et ses partisans out 6th ceux qui ont d'a- bord fait render l'emprunt contract par Halti en 1875. Le riglement de cet emprunt qui fut plus tard pro- pos6 par lui 6tait tel qu'il ne fut pas accept par les porteurs frangais, et qu'il nous valut mime des obser- vations de la part du gouvernement frangais. Sous son inspiration, les Chambres dberbtaient, en 1877, la r6- duction du chiffro des obligations sans mime consul- ter les porteurs. Dans son outrecuidance, M. Baselais * croyait pouvoir moditor A lui soul un contract synallag- LES AFFAIRS D HATTI. 1883-1884. 51 matique. A la suite de cette decision arbitraire, des millions furent exp6dibs par les soins du government du president Boisrond Canal, et non par ceux de M. Ba- zelais, A M. Noil, banquier, pour le service des cou- pons; les porteurs n'acceptant point le riglement, cet argent resta improductif dans les caisses du banquier. Pour sortir de l'impasse et essayer de r6parer les bb- vues de ce << curieux financier n, les ministers du pr6- sident Boisrond Canal so virent obliges de remettre la question sur le tapis. Le correspondent anonyme a peu connaissance des questions qu'il a la pr6tention de trailer; il confond le r6glement adopt en 1877 avec le project soumis au government de Boisrond Canal en 1878; celui-ci de- vait modifier et m4me annuler le premier. Non content de cette confusion, il attribute la paternity de ces deux r6glements & M. Bazelais, ce qui constitute une erreur. Le president Salomon, arrive au pouvoir en 1879, ne prita pas la main & ces combinations. 11 fut loyal, il s'entendit directement avec les principaux int6ress6s; les porters, r6unis & Paris, arritbrentaveo le ministry des finances d'Haiti un r6glement qui fut sanctions par le Corps 16gislatif. Ne pouvant rendre le public fran- gais responsible des fautes commies par les gouver- nants haltiens, le jeune people noir reconnaissait I'em- prunt au taux de 500 francs, chiffre de l'6mission. Les coupons en souffrance furent paybs etle service n'en fut suspend qu'en presence du pressant besoin d'argent n6cessit6 par l'imminence de l'insurrection de MiragoAne. De cos deux rbglements, quel est le plus honnite, 52 LES AFFABES D'HATTI. 1883-1884. quel est le plus favorable aux intbrits frangais? Colui d6cr6th en 1817 par M. Bazelais et ses caudataires, sans le consentement des porters frangais, ou celui qui leur fat propose par le president Salomon et libre- ment accept par eux?... M. Salomon a pass6 vingt ans de sa vie hl'6tranger. Apris avoir 6t6 minister pendant onze ansenHaiti, il a 6th ambassadeur & Paris et & Londres Un parcel homme ne peut croire A aucune superstition, qu'elle vienne d'Afrique ou d'Europe. La veritable cause de insurrection, la voici: En fA- vrier de cotte ann6e, le president d'Haiti a fait rendre une loi en vertu de laquelle les terres de l'Etal seraient morceldes et distributes en toute propridtd aux paysans qui s'engagent A les cultiver. Les soi-disant libbraux, dont les aleux avaient escamoth les plus belles terres A leur profit, out compris que, si cette loi recevait sa pleine execution, its ne pourraient plus vivre aux dd- pens des paysans dont ils confisquent le travail (1). Ils ent vu que, la terre passant entre les mains des pay- sans, coux-ci deviendraient de vdritables citoyens, ayant conscience de leurs droits, au lieu que jusqu'd cette houre, its vivotent dans un demi-servage sur les grandes propri6t&s rurales, et que ce sont eux seuls qui sont soldals.Aufond, la lutte est aussi social que politique, et mime plus 6conomique que constitution- nelle entre la nation et les rebelles. Ceux-ci en seront pour leurs frais. La nation ne paiera point leurs dettes. (1) Voir dans la Balaille du 4 september le magistral arti cle do M. A. Crid quir6sume admirablement la question. LES AFFAIRS D'HATTI. 1883-1884. 53 Elle no se laissera point gruger par ses.ruineurs d'hier et d'aujourd'hui et par ses insulteurs de domain. Quelle que soit I'issue des Av6nements, les soi-disant libbraux ne pourront ni porter atteinto & l'ind6pendance du people haltien, ainsi qu'ils le complotent, ni le jugu- ler, I'bnerver et I'ab6tir comme autrefois. Les deux Chambres du Parlement, rbulties dans la capital, sont scules chargAes, avoc les ministers, de rendre compete A la nation de leur conduit vis-4-vis d'elle. Pour ceux qui sont libiraux sinchres, le fusil n'est jamais un argument. Dans l'btat malheureux oft se trouve actuellement le people haltien, grAce A l'imp6- ritie des phres des libbraux de Miragoine et grice A la leur lorsqu'ils 6taient au pouvoir, toute prise d'armes est non seulement un crime de 16se-nation, mais un crime de 16se-humanit6. A l'Histoire d'un crime en Haiti je r6pondrai par l'Histoire des constitutions Haitiennes. Jo la prepare. LES QUESTIONS D'HAITI (1). Ainsi qu'on l'a dit, elles sont raiment int6ressantes et m6ritent de fixer attention. Aussi coux qui les veulent traitor doivent-ils le faire de fagon sbrieuse, et apr6s qu'ils en ont 4tudid les te- nants et les aboutissants. On fait remarquer que j'ai demand le partage des terres de l'Etat en Haiti, et l'on ajoute : << Le partage des terres n'est pas une loi d'essence d6mocratique; o'cst un proc6d6 obsarien; o'est le systime des empe- reurs remains; avoc ce systbme, on latte la pl6be, on n'dlive pas un people. n Je fais observer que co systime, qui depuis a servi & la colonisation de l'Algbrie (2), ful introduit en Haiti par P6tion, lequel passe aux yeux des pr6tendus lib6- raux de Jaemel, pour 4tre le president module, le (1) L'Evdnement du 14 september 4883. Cet article refute un article du Paris du 12 september oil j'4tais d6sign6 en routes letters et mes doctrines 4conomiques d6nonc6es comme subversives. (2) N'en ddplaise A l'inspirateur de article du Paris du 12 september, le partake des terres est une loi d'essence db- mocratique; 11 n'est devenu a un proc6dd edsarien a qu'aprbs avoir 6t6 employ plusieurs fois sous la R6publique romaine. Au surplus, on peut consulted Rollin, Histoire romaine, Cantu, Histoire des Italiens, Mommsen, Histoire romaine, et Duruy Histoire des Romains, pour s'assurer que je ne dis rien ici LES AFFAIRS D'HAITI. 1888-1884. 55 Washington d'Halti. Je n'ai fait que demanded qu'il ftt remis en usage (1). Il est erron6 de pr6tendro que la press soit bAillon- nde en Haiti. Aucun journalists n'a 6th emprisonn6 pour le fait d'avoir commit des dblits de press. On soutient aussi que << le rive caress par le pr6- sident Salomon est celni-ci : la division de la famille haltienne par la distinction des nuances de l'6piderme n, et l'on ajoute, en parlant de moi : << L'apologiste de M. Salomon ne parle-t-il pas aussi du jeune people noir? n Le president d'Haiti n'a pas plus de haine prAcon-- gue centre les mulitres qu'il n'a fait fusiller d'impu- bbre. Je l'ai d6jkprouv6 dans Paris du 6 juillet, en faisant observer que l'6pouse de M. Salomon est une blanche, n6e Frangaise, et que ses agents diplomati- ques & Paris, A Londres, A Washington et ses minis- tres en Halti sont des mulitres. N'en d6plaise A quiconque, d'apris tous les auteurs classiques, notamment d'apris Levasseur (de l'Insti- tut), On6sime Reelus, Cortambert, le people haltiep est un people noir. Dans tous les ouvrages d'histoire et de qui no soit de la plus exact v6rit6. Pour plus ample inform, je reuvoie 18 lecteur & la note AA la fin du volume. De nos jours, oh a eu recourse aussi au partake des terres pour colo- niser nombre de pays republicans. Voir Paul Leroy-Beaulieu, Colonisation chez les peuplesmodernes, et Paul Leroy-Beaulieu, Essai sur la repetition des richesses. (1) Voir mon ouvrage : Rdpublique d'Harti et ses visiteurs, note A, page 581 et suivantes. Voir aussi la note B, h la fin du present volume. 56 LES AFFAIRS D'HATTI. 1883-1884. gbographie, aussi bien que dansles relations de voya- ges postdrieurs & 1859, Haiti est ainsi d6signie : Rd- publique noire de la mer des Antilles (1). 11 en sera toujours ainsi jusqu' au jour oh l'on aura dder&td que les HaHiens appartiennent A la race caucasique ou & la race mongolique. Jo doute que ce jour luise ja- mais (2). (1) Les journalists de tous les pays commencent & Stre au courant de ces hoses. Et voici qui le prove : << Los noirs foment on Haiti la trbs grande majority de la population, car sur environ un million d'habitants on ne compete gubre plus de cinquante mille mulAtres. (Le Propa- gateur, journal de la Martinique, 1883.) << Les mulAtres ferment A peine le dixibme de la popula- tion; loin d'4tre exclus des employs publics, 11s sont appeals A partager une bonne parties des fonetions publiques. Des cing secretaires d'Etat du president Salomon, deux sont mu- 1Atres, sa femme est une blanche. > (Le Nero-York Herald du 14 avril 1884.) a L. J. Janvier. Les Antinationaux. Paris, 1884, page 42. n L'anonyme, dont les correspondence au Paris out servi de canvas pour la rddaction de l'article du 12 september, a 6t6 bien mal inspired quand, aprbs m'avoir d6sign6, 11 a derit cotte phrase : << L'apologiste do AI. Salomon ne parlo-t-il pas aussi du feune people noir ? Dans une vraie d4mocratie existe-t-il des questions de race, de distinctions de couleur? Non. n Pour moi, et j'ai ddjk expliqu6 la chose tout an long dans ma Republique d'Haiti et ses visiteurs, tous les Haitiens sans exception sont des nbgres. Par consequent, 11 est absurd et pudril de souvenir, d'insinuer mime que j'6ta- blis des distinctions de couleur entre les Haitions. (2) 11serait A ddsirer qu'un Haitien, quelle que soit la couleur de sa peau, derivit, sp6cialement pour son pays, unlivre court et pr6cis oh il strait ddmontrd que le mulatre est un hybrid LES AFFAIRS D'HATTI. 1883-1884. 57 D'apr6s la Constitution (articles 23, 186 et 187), tout HaHien peut 6tre appel6 A servir. Ceux que le gouver- nement arme, et il n'arme personnel de piques, - :sont des soldats coilstitutionnels. Ils peuvent 6tre des et qu'll n'existe pas de race muldtre; que noirs et mulAtres devraient vouloir se qualifier de nigres; qu'en Europe et en Ambrique le mulAtre et le n6gre ne font qu'un; qu'aux Etats-Unis et en France, par example, on no fait aucune dis- tinction entre un muldtre et un nigre instructs; qu'on n'en fait non plus alloune entre un muldtre et un noir ignorants; qu'en tant qu'on 6tablisse distinction entre un nbgre ins- truit et un mulatre ignorant, I'avantage est tout enter en faveur du nigre. En so servant des journaux frangais de la premiere quinzaine d'aott 1884, oh it est rendu compete des d6bats du Congrbs de Versailles et de Tattitude de ce Con- grbs enters 31. Gerville-R6ache, d6putd de la Guadeloupe et muldtre trbs clair de teint; en se servant des journaux amd- ricains qui rendent compete de l'dlection de AI. Blaine & la candidature prdsidentielle aux Etats-Unis par la convention de Chicago dont un muldtre, if. Lynch, fut le president, on pourrait avoir foule de renseignements pour bien trailer cette question. Dans les journaux frangais, AI. R6ache, dans les journaux am6ricains, hi. Lynch sont constamment appeals ndUres. Ils ne sauraient s'offenser et ne s'offensent point d'une denomination qui leur prevent et dont its peuvent s'enorgueillir au lieu de s'en attrister ou de s'en courroucer. C'est la race noire qui a des reproaches 4 faire A la race blan- che; o'est la race noire qui a 6td pendant trop longtemps sa- crifl6e, m6connue, exploited, calomuide par sa soeur, et ca- lomuide cruellement. Ceux qui font la preuve de I'6galit6 intellectuelle et morale de la race noire avec les autres races peuvent Stre fiers, mais ils ne doivent ni oublier, ni senior leurs frbres, quel que soit 1'6tat d'inf6riorit6 momentande dans laquelle se trouveraient quelques-uns de ceux-ci. Un pareil livre, mis entre les mains de tous, 6clairerait tous les cerveaux, scrait un puissant facteur do paix, et d6truirait 58 LES AFFAIRS D HATTI. (883-1884. montagnards, Haiti est toute montages, mais ils ne sauraient 6tro des bandits, ainsi qu'on essaie de le faire croire (1). L'article 201 do la Constitution est ainsi congu: << Le pouvoir 16gislatif, sur la proposition de l'une des deux Chambres ou du pouvoir exboutif, a le droit, A n'importe quelle 6poque, de d6clarer qu'il ya lieu a reviser telles dispositions constitutionnelles qu'il dA- signe. n C'cst en vertu de cet article et des deux qui 10 suivent que la Constitution a 6t6 revise en juillet dernier. Quand on cite un auteur, il est meilleur de ne pas tronquer ses phrases. Voici le texte exact du passage tird de mon livre : la Rdpublique d'Haiti et ses visi- teurs, passage que le correspondent anonyme a jug6 bon de citer, tout en en retranchant quelques mots : << 11 est clair qu'il est pr6f6rable d'avoir des gouverne- ments despoliques, ainsi que le furent ceux de Pition, finalement le pr6jug6 de couleur du muldtre centre le noir, tel qu'il existed encore en Haiti. Ce sont les ignorant qui out peur d'entendre dvoquer le spectre du pr6jug6 de couleur. 11 est des morts qu'il faut qu'on tue. (1) L'auteur de l'article que je refute ici parlait des piquets haltiens. Les piquets 6taient des paysans qui, n'ayant d'att- tres armes que des piques, avalent os6 demanded, en plu- sieurs fois, aux gouvernements r6actionnaires d'autrefois, les terres de 1'O'tat que celui-ci laissait improductives. Je ren- voie 4 ma brochure intitulde le Vieux Piquet. Toutes les re- vendications des piquets talent justes et bien fondles au point de vue de la justice et du droit, comme au point de vue dconomique. LES AFFAIRS D'HATTI. 1883-1884. 59 de BoUer, de Faustin 1" et de Gelfrard, lesquels en- courageaient le travail, donnaient do l'extension A la poissance productrice du pays, garantissaient la sAcu- ritb des propri6t6s et la vie des citoyens paisibles et laborieux, que de subir des pdriodes d'anarchie comme cells de 1843 & 1848, de 1867 & 1870, od le rigne des lois 6tait suspend, oh les propri6t6s ne pouvaient itre ni garanties, ni respectbes, et od routes les libertAs 6taient bien plus fouldes aux pieds que jamais.n (Page 492.) Cette phrase vient, en manibre de r6flexion, A la suite de plusieurs paragraphs oh je d6montre com- bien inutiles, et sanglantes, et ruineuses, et funestes A tous guards, out 6th les r6voltes qui out d6sol6 HaIti, depuis 1806 jusqu'd nos jours (1). Cells de Miragoine et de J6r6mie auront le sort des pric6dentes. Puisqu' on cite la Rdpublique d'Haiti et ses visi- tours, qu'on veuille bien relire attentivement ce livre ; on y verra que mon opinion sur Boyer n'a pas varid: que j'ai bnergiquement combattu le pr6jug6 de cou- leur, dont il fut un dos principaux propagateurs, et que j'ai proud que les noirs n'avaient jamais cu ce prbjugi, mais qu'au contraire ils continent A souffrir do ses d6testables effects. 11 ya 6th cit6 plus de vingt pa- ges extraites des divers ouvrages de l'illustre n4gro- phile Schaelcher, pour mieux d4montrer que ce pr6- jug6 n'existe que dans la cervelle de ceux qui, de par la (1) Voir in Republique d'Haus el ses visilcurs, le chapitre intitul6 : Les Oppositions en Haiti. 60 LES AFFAIRS D'RAITI, 1883-1884. simple couleur de leur peau, se pr6tendent sup6rieurs & d'autres homes, et croient avoir le droit de mbpri- ser et d'insulter leurs semblables (1). L'insurretion est localise sur trois points de file. Voild l'exacle vbritb, d'apres les nouvelles qui m'ont 616 envoydes de Jaemel et de la Jamaique, et que j'ai re- ques hier. D'ailleurs, elle strait encore Atouffbe, efit- clle en son pouvoir le department du Sud tout enter. J'ose l'affirmer. Je ripite que, quand on est sinebrement liberal et qu'on a la pr6tention d'4tre instruit, ce n'est pas par le sabre qu'on monte A la prbsidence. C'est 14, de plus, une costume dangereuse et qui donne d'insolen- tes et ill6gitimes espbrances aux sabreurs de pro- fession. Les revolutions sanglantes et armies ont ruind mon pays, et lui front perdre son autonomic. Voilk pourquoi, sans jamais recevoir inspiration de per- (i) Voici en quoi consist le pr6jug6 de couleur : dans tou- tes los Antilles, autrefois, et dans certaines Antilles, dans les Antilles A m6tropole, maintenant encore, un blanc, ffit-il ab- solument illettr6 et savetier ou character de son 6tat, se croyait et se croit sup6rieur A un noir ou & un muldtre, ceux-ci fussent-ils trbs instruits et gros contribuables. Aujourd'hui, en Haiti, encore que les individus qui en sont imbus le montrent le moins possible, et qu'ils silent peu nombroux, ce pr6jug6 consist en ced : un muldtre, absolu- ment ignorant et ne possddant que ses deux mains pour tout capital, de par la couleur de sa peau, se figure quelquefois Stre un individu sup6rieur on mieux nd qu'un noir pur qui serait docteur en mddecine do la Facultd de Paris. Voir au surplus mon livre : La R publique d'Haiti et ses visileurs. LES AFFAIRS D'HAITI. 1883-1884. 81 sonne, j'ai toujours combatta sans reliche tous ceux qui, HaHiens ou pr6tendus Europbens avant v6cu en Haiti, les fomentent pour s'enrichir pendant que ma patrie en meurt. El je signe : Louis JANVIER. LES REPUBLlQUES SOEURS (1). Le dernier courier arrive des Antilles nous apporte los journaux de Port-au-Prince. D'apris eux, I'insur- rection haltienne touched A sa fin. Les villages de Mari- got et de Bainet out 6t6 occup6s par les troupes du government. La troupe insurgie que commandait Clbovil Mod6 a 6th d4truite. La ville de Jaemel est 6troitement cernbe par les forces places sous les or- dres du secretaire d'Etat Frangois Manigat, dil6gu6 du president d'Haiti. Les femmes et les infants aban- donnent la villo avant l'assaut. Le bombardement de Miragoine continue. Les poin- teurs out fait taire le feu des insurg6s et d6moli une parties des remparts qu'ils avaient 61ev6s. Il reste A reverser ceux construits dans la nouvelle cit6 et der- ribre lesquels se tiennent les partisans de Boyer Baze- lais. Devant Jbrbmie, le fort Salomon a 6th reprise sur les insurg6s, et leur obef, le g6ndral Kerlegrand, s'est rd- fugid dans un consulate. Les troupes du government se pr6parent & enlever le fort T616maque. Les d6par- tements du Nord-0uest, de l'Artibonite et du Nord sont on plcine tranquillity. (1) Le Rappel du 30 september 1883. Cette note parut aussi dans la Republique eradicate du7oc- tobre. XII LES AFFAIRS D'HATTI. 1883-1884. 63 Une note du Moniteur, journal official, announce le depart des Etats-Unis de la corvette de guerre achethe r4cemment dans ce pays par le government haltien. Le president du V6nbzuela of le president de la R4- publique dominicaine ont derit au president Salomon pour lui manner qu'ils souhaitaient la prompted pacifi- cation de la Rbpublique d'Haiti. La Chamber et le S6nat sont toujours en session & Port-au-Prince. CHAPITRE II (Octobre De'cembre 18831 ACTIONS DECISIVES I CORPS A CORPS. Le 4 octobre, plusieurs journaux de Paris, et parmi eux le Rappel, insbraient ces trois d6piches : to < tement excitbs, se seraient livrds & des voies de fait centre les n6gociants strangers. 11 ya eu pillage, in- cendie et mime des morts. Les 16gations ont 6th pro- tigbes avec peine par les armes de leurs marines res- pectives. Les ddsordres ont cess6 apr6s une menace de bombardment centre le fort et le palais. a Le Chasseur, envoys, comme on le sait, pour la la protection de nos nationaux, sous les ordres de M. le capitaine de fr6gate Courejolles, a donn6 asile it 180 r6fugibs. 88 LES AFFAIRS D HAITI. 1883-1884. a Un accord complete rigne entre tous les consuls, et les navies do guerre sont presents sur rade. n go a Saint-Thomas, 2 octobre. a Des avis de Port-au-Prince, 6manant du gouver- nement haltien, annoncent l'insucobs de la prise d'ar- mes du 22 septembre dans la capital. a L'ordre est r6tabli et la sbouritb est complete. n Son Le ministry haltien a regu desnouvellesdePort- au-Prince annongant la repression du movement insurrectionnel qui avait &clatb dans cette ville. L'or- dre y est actuellement r6tabli et la s6curit6 y est com- pl6te. n Le plus simple bon sens et le plus vulgaire patrio- tisme me commandaient de rassurer de mon c6t6 les commergants qui avalent des intbrits APort-au-Prince, ainsi que tous les Europbens qui s'intiressaient aux questions haltiennes et qui, depuis le mois d'avril, s'6taient habitues A suivre les journaux dans lesquels je donnais des nouvelles de mon pays. Je pris sur moi-mime de faire publier la note sui- vante dans le numbro de la Rdpublique radical du 5 .octobre et de la faire reproduire sur l'Etendard du 6, dans le Courrier international des 14-18 du mime mois : Des d4piches t616graphiques, parties de Saint- Thomas et de New-York le 2 octobre, nousapprennent que le 22. septembre une tentative insurrectionnelle avait eu lieu & Port-au--Prince. Elle a 6th imm6dia- LES AFFAIRS D HATTI. 1883-1884. 87 cement r6primbe. La vie des commergants strangers qui habitent Port-au-Prince n'a jamais 6t6 menace. Toutes les measures out 6t6 prices pour les prot6ger. Le president d'Halti est soutenu par la Chambre et le S6nat. 11 ne pourrait diriger d'6meute centre les Europbens qui habitent son pays. Ses sympathies pour la France sont connues. C'est lui qui a ouvert Haitiaux capitaux frangais. Sa. femme est une blanche, nde Fran- galse. Le navire de guerre du government est parti de Philadelphie depuis le 26 septembre. Avant peu, I'in- surrection sera comprimbe & Jaemel, A Abrimie et & Miragoine. LA QUESTION SOCIAL EN HAITI (i). Les causes de insurrection qui d6sole en ce mo- ment la R4publique baltienne sont bien plus 4conomi- ques et socials qu'elles ne sont d'ordre purement po- litique ou constitutionnel. Les paysans haltiens out toujours v6cu dans un demi-servage depuis que la nation a conquis son ind6- pendance. Le systime agricole, institu4 par les colons de Saint-Domingue, consistait dans exploitation d'im- menses plantations appelbes habitations, v6ritables prisons sans murs, manufactures odieuses, produisant pendant des sidles du tabac, du caf6, du suere et con- sommant des esolaves. Apris la proclamation de find6pendance et de 1804 & 1807, la barbaric de ce systhme fulApeine attinube, des considerations d'ordre primordial se rapportant A existence et A organisation du novel Etat qu'on venal de fonder l'exigeant impbrieusement ainsi. De 1807 & 1818, P6tion, premier president d'Haiti, morcela les terres dans l'Ouest et dans le Sud et les distribua aux officers et & un petit nombre de soldats de l'armbe r6publicaine. Christophe, rol d'une parties d'Haiti, n'imita cel example dans le Nord et dans l'Ar- tibonite que vers 1819, une annbe avant sa mort. (1) Republique radical des 6 et 21 octobre. LES AFFAIRS D'HATH. 1883-1884. 89 En 1821, le president Boyer, successeur de P6tion et de-Christophe, revint au systime de la grande pro- pri6th fonci6re. Plus que jamais, les paysans furent 6troitement parqu6s sur les habitations sueribres et cotonnibres. Ils restbrent attaches A la gl6be, mainte- nus dans cet 6tat d6gradant par un code rural qu'in- terpr6tait A sa guise une gendarmerie champ4tre dont les inspections 4taient des plus abusive et des plus vexatoires. En 1843, le president Boyer fut chasse du pouvoir. Dans le cours des deux annbes 1843 et 1844, les paysans demandaient, en toute propri6td, pour les faire cultivar et fructifier, les terres de l'Etat que ce- lui-ci laissait improductives; en m4me temps, ils rb- clamaient I'instruction primaire pour leurs enfants. Ces paysans, qu'on a appeals piquets, et dont les revendications 6taient entibrement justes et bien fon- dbes, furent massacres on disperses par les troupes rbgulibres que les gouvernants rbactionnaires, qui-sib- goaient & Port-au-Prince,.envoybrent centre eux. Jus- qu'd aujourd'hui, en Halti et A l'4tranger, des publi- cistes mal renseignis on peu sinebres continent d'insulter A la m6moire de ces vaillants prol6taires. De 1843 & 1883, la situation continue d'6tre d6plo- rable pour les paysans. Ils travaillaient sue des terres qui 6taient d6tenues par de soi-disant propri6taires, dont les droits 6taient souvent contestables et quel- quefois absolument probl6matiques et qui, pourtant, s'emparaient audacieusement de la moitib et mAme-des deux tiers-de leurs rbooltes. Seuls, avec les artisans, ils 6taient soldats; seuls, avec les artisans, ils payaient 70 LES AFFAIRS D'HATTf. 1883-1884. les impositions les plus lourdes et les plus injustes. (in fit dit que, encore qu'ils constituassent 10 substra- tum de la nation, la nation les tenait pour des pariahs. A partir de la prdsidence de Geffrard, la situation des artisans deviant A peu pris la mime que celle dans laquelle vivotaient les paysans. Dbs 1860, la petite industries haltienne, qui naissait A peine, fut tube par la concurrence 6trangbre, grAce A l'avidit6 des grand commergants et grAce A l'imp6- ritie ou plut6t A la complicity du government, dont ils 6taient los bailleurs de fonds et les soutiens int6- ress6s. A cet 6tat de chooses, le president Salomon, qui avait vieilli en exil parce qu'il avait servi dans sa jeunesse la cause des opprimbs, devait vouloir porter un prompt remade, dbs son arrive A la premiere magistra- ture. Dans les grades lines, son programme peut 6tre ainsi r6sum6: Creation d'une banquet national, industrielle et commercial; Entrde de la Rbpublique haltienne dans I'Union inter- nationale des poses et dans l'Union mon6taire latino; Creation d'une banque agricole; Instruction primaire g6n6ralisbe et obligatoire mime pour les fillies et les gargons des campaigns; Extension de l'enseignement supArieur; extension de l'enseignement secondaire et de l'enseignement professional, industrial et agricole; Creation de caisses d'6pargne et associations ou- vribres; LES AFFAIRS D'HATTI. 1883-1884. Ti Expositions nationals d'Halti quinquennales et an- nuelles, g6ndrales et rigionales; Rdorganisation de I'armbe et de la marine, de ('ad- ministration et des finances; D6nonciation du Concordat et r6daction nouvelle d'un contract religieux reposant sur des bases philoso- phiques, nullement endiscordanceavec lalibre pens6e et le protestantisme en Halti; Distribution des terres de l'Etat aux paysans; Etablissement et p6r6quation de l'imp6t foncier. d'apris un cadastre g6ndral; impit personnel et ino- bilier, taxes somptuaires; neutralisation de l'ile d'Haiti ot- sipossible-confbdbration quisqudyenne; Elablissement de chemins de fer, de tramways et de lines t616graphiques entre los principles places com- merciales; exploitation des mines et des forts; cr6a- tion d'une Bourse & Port-au-Prince; reorganisation des services des ministries et des chancelleries. Plus qu'aucun autre gouvernement, celui qui tient en ce moment le pouvoir en Halti s'est achievement on- cup6 de l'amblioration du sort du people. 11 a diminu6 les droits d'exportation dont le caf6 4tait frapp6, afin de permettre A cette denrbe de faire concurrence aux products du Brbsil sur les marchb8 d'Europe. Le people se reposait, pour l'amdlioration de son sort, sur la vigilance bion connue, la science et le pa- triotismo incontestables de M. Salomon at do ses mi- nistres, quand ceux-ci furent traverses dans lours pro- jots civilisateurs. Soutenue ouvertement par le gouvernement local de 72 LES AFFAIRES 1)'lfATTI. 1883-1884. la Jamalque, qui a tout intbrit & paralysed le dbvelop- pement du commerce haltien, dont la cohourrence est ginante pour celui de la colonies anglaise, la faction 6tiquet6e liberal, sans doute par antiphrase, car elle n'est compose que de grand propri6taires fontiers, de leurs courtisans 4golstes et corrompus ou de leurs clients bornbs d'esprit, ne pouvait voir d'un bon ceil la prise on consideration et I'ex6cution de r4formes poli- tiques et sociales qui, si elles aboutissaient, dbouple- raient en vingt ans la production g6n6rale du pays, lai permettraient d'6teindre sa dette, enrichiraient la nation tout entire, en mime temps qu'elles empiche- raient d6sormais le paysan de so laisser mener mica- niquement, lui donneraient une pleine connaissance de sa valour comme cellule social et fermeraient A tout jamais l'Are ddsastreuse des rbvoltes, des pronun- ciamientos et de la knisbre. Les principaux chefs de cette faction, exiles par le government provisoire qui pr6e6da celui d6finitif de M. Salomon, refusbrent routes les amnisties qui leur Maient offertes par le president blu en 1879. Its se r6- servaient de p&n6trer en Haiti les armes A la main pour s'emparer du pouvoir, afin de payer leurs dettes et surtout afin de sonmettre le people A leur domination de grand seigneurs en chrysocale (1). (1) La cohesion intellectuelle est chose capital et la disci- pline est chose supdrieure. Les Prussiens savent se sonmettre les uns aux autres: de 141eurs triomphes. La discipline coercitive, celle qui donne & 1'enfant 1'habi- tude de se conformer aux lois; le sentistrent d'all4geance et de loyautd (loyalisme anglais) qui existed aussi dans une dd- 'LES KFFAIRES D HAITI. 1883-1884. 73 L'insurrection de Miragoine, suivie de cells de JArbmie et de Jaemel, sont les preludes de faction po- litique tentAe par les faux libbraux pour remettre A nouveau le people haltien sous un joug aussi berasant qu'insultant, ou pour 6tablir sur leur pays le protecto- rat d'une puissance anglo-saxonne : l'Angleterre. La question est prboise, nette et claire. D'un edtA sont des homes que la soif de f or et du pouvoir et I'inbluctable attraction de grossiers et ignobles plaisirs entrance A comploter la ruine de leur pays et son as- servissement; de l'autre c6t6 sont des patriots sin- obres qui, par l'amblioration du sort des classes labo- rieuses, veulent la march ascensionnelle de leur pays tout entierdanslavoie d'une civilization ininterrompue. mocratie oh 1'on croit & la liberty, A I'6galit6, au people; I'es- prit do nationality qui lie tous les homes ensemble dans une nation, leur donne un grand respect de l'honneur du pays, tout cela manque absolument aux pr6tendus libbraux hat- tiens. Ils ne savent pas obdir et aspirant tous au commande- ment, encore qu'ils ne fassent absolument rien pour le md- riter, pour le tenir de ceux qui en sont les v6ritables dispen- sateurs. 11s ne comprennent pas le bourgeois; ils n'ont ja- mais devind Partisan. Quant au paysan, ils l'ignorent.11s se figurent que les montaguards n'ont rien dans le cerveau, ce en quoi ils se trompent grossibrement. De l'histoire de leur pays, ils savent A peine les noms ou les renient; les iddes du pass6, cells du present et de l'avenir, on dirait qu'un brouil- lard les leur d6robe. Ils sontaveuglesetsourds. Quosvult per- dere Jupiter dementat. Un esprit superstitieux dirait qu'ils expient le crime du Pont-Rouge. Moije dis qu'ils expientles attentats centre la justice et le droit, tous les mensonges que leurs phres et eux ils out commit de 1801 & 1883. Une fatality effrayante et mystdrieuse pbse sur eux. Le peuplese venge. 11 est Destin, Fatum. 74 LES AFFAIRS D HATTI. 1883-1884. M. Salomon est president constitutionnellement blu pour sept ans. Il est essentiellement I'ami de la France et il est le premier chef d'Etat haltien qui ait s6rieuse- ment ouvert son pays aux capitaux frangais. Le Parle- ment le soutient. La nation haltienne le maintiendra au pouvoir (1). Elle saura ne point se laisser tromper par les falla- cieuses et hypocrites processes de ces aristocrats de contrebande qui ont h6rit6 de tous les prdjugbs et de totes les states vaniths qui distingu6rent le president Boyer et ses ndfastes collaborateurs, lesquels ont 6nerv6, paralys6, pervert et appauvri la nation hal- tienne de 1818 & 1843. L'impartiale histoire et la science Aconomique don- neront reason au president Salomon sur ses calomnia- teurs et sur ses adversaries. L'incapacit6 et la duplicity parfaites, I'impopularith notoire, ainsi que l'impuissance administrative de ceux-ci ne sont un mystbre que pour les gens de mau- vaise foi, pour les bloignds ou pour les ignorants. (1) La nation, c'est 1'Etat vivant, e'est l'8tre,1e corps; le gou- vernement, c'est 1'6tat pensant et agissant, c'est le cervean, I'esprit. Le citoyen instruit doit respecter le corps et respecter le cerveau tout en signalant & celui-ci ses ddfaillances, tout en travaillant patriotiquement et pacifiguement Al'empicher do commettre des fautes qui pourraient 8tre pr6judiciables non seulement aux g6ndrations vivantes, mais encore aux g6ndra- tions futures. Ce devoir, un des plus glorieux parce qu'il est un des plus difficiles, il doit le remplir en tout temps, entout lieu, m6me au p6ril de sa vie. UN FORCEUR DE BLOCKS (1). L'incident de l'Alps n'a. pas eu pour thbitre la rade dePort-au-Prince, maisbien cellede JArbmie, et J6r6mie est situde A la pointe sud-ouest d'Haiti, A 52 lieues de la capital. Le president d'Haiti n'y est pour rien. Le port de J6r6mie avait 6th d6clar6 en 6tat de blocks, par un arrit6 presidential pris en conseil des ministers, et public dans le courant du mois de juillet. Le blocks avait 606 r6gulibrement dAnoncA aux agents diplomati- ques accr6dit6s & Port-au-Prince. De plus, ce port a 6th ferm6 au commerce stranger par une loi qu'a vo- the l'Assemblde national, dans sa stance du 6 aoilt 1883. L'Alps, navire marchand, sortant do Port-au- Prince, ne pouvait ignore cet 6tat de choses, et il violait par trois fois les rigles du droit international en entrant dans la rade de J6r6mie, et en forgant doux fois le blocks. D'ailleurs, on ne doit pas ajouter foi aux nouvelles d'Haiti, qui arrivent en Europe par la voie de la Ja- maTque. La redaction des d6piches exp6dides de cotte ile anglaise aux Etats-Unis suffirait pour 6tablir lour pen de vbracit6. Ainsi un passage de la dernibre d6pi- che publide par le New- York Herakl est ainsi cone : (1) Intransigeant, National et Rappel du 20 octobre. Voir aussi dans la Bataille des 20 et 23 octobre Ics articles de M. A. Crid. 76 LES AFFAIRS D'HATTI. 1883-1884. aA trois miles du port de Jdrbmie, le coilsul britan- nique qui se trouvait en mer sous pavilion ambricain, dans la crainte que sa chaloupe ne fdt prise pour celle de l'Alps, monta sur le steamer, et, au moment oh il mettait le pied A bord, le fort langa une autre bombe. Celle-ci n'arriva pas jusqu'au navire, mais sur le pont on ramassa des cleats du projectile. n L'enquite dont est charge le navire de guerre an- glais Dido ne relivera aucun fait, A la charge du gou- vernement haltien, qui puissenbeessiter une interven- tion de l'Angleterre dans les affairs int6rieures de la R6publique haltienne (1). (1) Quelgues journalists charitable, styles par les antina- tionaux Haltions, souhaitaient, dans leurs articles, de voir 1'Augleterre donner & Haiti une bonne legon. Voir le XIXeSid- cle du 19 octobre. 11 est peu honorable de donner des lemons aux petites nations lorsque le droit est de leur c$td. A vaincre sans pdril, on triomphe sons gloire. Le temps approche oh les pr6tendues grande nations qui ailment donner de bones lemons aux petites en recevront & leur tour. Que dire de ces Haltiens qui demandaient que l'Angleterre intervint dans les affairs de leur pays? LE 22 SEPTEMBER 1883 (1). < les plus curieux renseignements sur les derniers bvb- nements d'Haiti n: Voici excitement ce qui s'est pass6 & Port-au-Prince, le 22 september dernier : Trois hands d'6meutiers ont tent6 un movement insurrectionnel en faveur des insurg6s de Miragoine et de Jaemel. Un certain nombre d'entre eux se rubrent sur la mason du gouverneur militaire de Port-au- Prince, le g6nbral P6nor Benjamin, et lemassacrbrent. Une autre bande prenait possession de plusieurs mai- sons du quai, tandis qu'une troisibme occupait diverse masons de la principle rue de la ville, tirait sur les femmes et les infants, et assassinate tous les amis du government qui se rendaient A leurs poses respec- tifs. Le g6nbral Br4nor Proph6te, secretaire d'Etat de la guerre, assists de ses principaux lieutenants, fit atta- quer de toutes parts les 6meutiers dont on eut reason aprbs une demi-heure de combat. Pour se manager une retraite, les brigands mirent le feu aux plus beaux quarters de la ville. (1) Rdpublique radical du 27 octobre 1883. 78 LES AFFAIRS D'HATTI. 1883-1884. Les assassinate, commis de sang-froid et saus pro- vocation, exaspirbrent la population, dont le g6ndral Benjamin 6tait tris aim6. Voici le plus important passage de la proclamation du president d'Haiti, publibe A occasion de ces bvd- nements : << Haitiens, << Le government, apris des prodigies de mod6ra- tion et de patience, jure de burger le pays de tous ces ibcorrigibles qui ont r6solu, cottle que cotite, I'anban- tissement de la patrie, en y arborant l'6tendard du brigandage. << Toutes les measures sont praises pour assure la s6curit6 des families. n Les insurgbs hallions n'ont pris les armes que polir empicher le government de distribuer les terres de l'Etat aux paysans. Le patriotism des soi-disant libbraux, qui sont en ce moment cernis & Jacmel, A Miragoine et & J6r6- mie, et celui des pr6tendus republicans, qui out in- condid Port-au-Prince, est tel que lours partisans A l'6tranger sollicitent une intervention anglaise dans tes affairs intbrieures de leur pays. . Les correspondences qu'ils n'osent signer, addresses par eux aux jouruaux europbens, ne prouvent que mieux le peu de sinc6rit6 qu'ils apportent dans la dis- cussion des affairs haltiennes et le pou d'amour qu'ils ont pour leur patrie. UNE MANOEUVRE (1). Monsieur le r6dacteur, Hier, il a paru une brochure intitulbe : Le cas de II. Janvier. Elle ne porte ni nom d'ailteur, ni nom d'bditeur, ni nom d'imprimeur. Je d6fie quiconque de s'en d6clarer l'auteur. Moi qui signe tout ce que j'beris, qui combats A visage d6couvert, je ne puis sbrieusement me justifier d'imputations continues dans des brochures ano- nymes. Je vous prie de donner l'hospitalit6 & ma pro- testation et d'agrber I'expression de ma haute con- siddration (2). (1) Rdpublique eradicate du 29 octobre 1883, (2) Cette brochure contenait surtout des calomnies dirigdes centre ma personnel. Je crus qu'il ne m'6tait pas permits de m'occuper de moi lorsque la patrie 6tait en danger et que je me devais tout A elle. Toutefois, plus tard, j'ai r6fut6, dd- truit les assertions de mes calomniateurs en publiant une brochure intitul6e : Les Antinationaux : Actes et principles. (Paris. Aoth 1884.) 11 6tait tout natural que le d6fenseur de la patrie filt vili- pend6 par les rendgats de la patrie. Je m'y attendais et n'en 6prouvai nulle motion. 11 doit renoncer & la politique ce- lui qui ne se sent pas le courage d'6tre injurid, diffam6 chaque jour. En politique surtout, la calomnie. est un bapt8me et une consideration. L'AMNISTIE DE SEPTEMBER (1). Par un arrit6 en date du 27 septembre, le president Salomonusant du droit que lui confbre l'article fit de la Constitution, a accord amnistie pleine et entire A tous ceux qui, le 22 september, avaient pris les armes & Port-au-Prince. Ont 6th excepts de cette amuistie dix des principaux meneurs. Le mime jour, le government faisait un appel au bon sens des citoyens et invitait les families qui s'6- taient r6fugibes dans les consulate et A bord des na- vires en rade & renter dans leurs foyers, leur donnant la garantie qu'elles ne seraient nullement inqui6thes. 11 resort d'une enquite faite par le Conseil com- munal de Port-au-Prince que trente personnel au lieu de quinze cents auraient 6th tubes pendant les 6v6ne- ments du 22 septembre. Les noms de vingt-six de ces personnel figurent dans le Moniteur du 6 octobre que nous avons sous les yeux. Le 2 octobre, la corvette de guerre r6eemment achetbe aux Etats-Unis par le government haitien est arrive & Port-au-Prince. D'apris le journal port-au-princien, I'(Eil (numbro du 6 octobre), la capital avait retrouv6 sa physiono- mie des ancient jours, le calme 6tait r6tabli et les affairs avaient reprise leur cours. (1) Republique radical du 30 octobre 1883, Haiti. CIRCULAIRE DIPLOMATIQUE (i). Nous lions dans le Moniteur hartien du 6 octobre la circulaire suivante, qui donne un compete rendu d6taill6 des 6v6nements dont la ville de Port-au-Prince a 6t6 le theatre dans les journ6es des 22 et 23 sep- tembre dernier : Cette circulaire, datbe de Port-au-Prince le 28 sep- tembre 1883 et adress6e par M. Salomon, president d'Haiti, au corps diplomatique et consulaire, s'exprime ainsi : << Je vions vous renouveler, par cette prbsente, les declarations que je vous ai faites et les assurances que je vous ai donates dans votre reunion au palais, lundi dernier, 24 courant. << Le Port-au-Prince 6tait prboccup6, mais 6tait calme, quand, le samedi 22 september, A dix heures du matin, des individuals arm6s se rubrent sur le comman- dant de l'arrondissement, I'6tendirent raide mort dans son h6tel, y mirent le feu et, se divisant en trois bandes, se portbrent sur d'autres quarters de la ville oft ils tubrent, entre autres personnel, un officer de l'6tat- major g6nbral et plusieurs homes du government, qui 6taient accourus pour combattre le movement qui (II Le Ralppel du 30 octobre 1883. 82 LES AFFAIRS D'HAITI. 1883-1884. venait d'bolator. C'est li le point de depart de tout ce qui s'est pass6 de triste et de deplorable dangles jour- nbes de samedi et de dimanche, pendant lesquelles I'autorit6 a 6th impuissante A r6primer les d6sordres et les excis. << C'est ainsi que, payant.de ma personnel, Le diman- che, dans la matinee, I'on me couch en joue au mo- ment on j'ordonnaisl'arrestation d'un pillar du magasin de M. Carr6. Sur d'autres points encore, ma vie. se trouva expose; mais telle 6tait ma volont6 de voir I'ordre se ritablir le plus vite possible, que je donna mon'consentement au d6barquement des soldats des bitiments de guerre strangers en ce moment sur rade, afin d'avoir leur concourse. << Les responsables des malheurs arrives au pays sont ceux qui ont attaqu6 le government 16gal, le 22 september et ceux qui, A Miragoine, A Jaemel et & J6r6mic, troublent cette paix et cette tranquillity de trois annbes que j'avais donndes au pays. Aujourd'hui l'ordre est ritabli et je le maintiendrai pour l'hon- neur de mon government, pour la s6curit6 et la ga- rantie de tous et, notamment, des strangers qui ont quitt6 patrie et famille pour venir s'6tablic parmi HOUS. << Les ennemis do mon government font couric routes sores de bruins dans le but de le discr6ditor. C'est ainsi qu'ils me pr8tent I'intention de faire massa- crer une parties des citoyens, et que, poussant I'infamie jusqu'd l'absurde, ils vont jusqu'd dire que je veux faire assassiner les blancs. Copendant, ce sont ces mimes epnemis qui, dans leurs pamphlets d'abord, et lors do LES AFFAIRS D HATTL 1883-1884. 88 leurs tentative centre mon government, en 1880 et 1881, A Saint-Mare, m'ont pr6sent6 au pays comme indigne de sa conflance, attend que favais epoust une blanche, et qu'en consequence j'allais vendre le pays aux blanks. Faut-il que je le rdpite ? e'est de l'btranger que nous vient la lumibre, et o'est en mar- chant sur ses traces qu'Haiti pourra advance et pro- gresser. << Quant & mon dessein de faire disparaitre une parties de mes concitoyens, ma conduit depuis que je suis au pouvoir et I'amnistie que j'ai signed hier pro- testent centre cette monstrueuse calomnie. Les efforts que j'ai constamment faits pour 6pargner A mon pays les horreurs d'une guerre civil se trouvent dans tous mes actes, sont attestbs par mes discourse pronounced dans diffbrentes audiences, notamment dans celui du 25 f6vrier 1883 et reproduit par le Moniteur dont je vous remets sous ce pli des exemplaires. << Aussi est-ce sous l'empire d'une triste et patrio- tique preoccupation que j'entends dire qu'un d6barque- mont sera fait sur cette capital. Au Port-au-Prince, se trouvent concentrds les plus grand intbrits 6tran-- gers qu'il s'agit de prot6ger au prix des plus grand efforts. << Attaqub, le gouvernement se d4fendra et, pourtant, son plus grand d6sir serait de ne pas voir la capital expose aux malheurs d'une lutte sanglante. << Sur ce point, j'appelle toute votre attention et toute votre solicitude, Alessieurs; A part la question d'intbrit, il ya aussi une question d'humanit6 I << Mon government espire done, Messieurs, que 86 LES AFFAIRS D IfATTI. 1888-1884. Yous lui priterez votre concourse pour le maintain de la paix et de la sbouritb des families dans cette capi- tale (i). . (1) Le Rappel du 30 octobre content aussi la note qu'on vient de lire A la page 80 et sous ce titre: 1'Amnistie de Sep- tembre. La circulaire et la note furent reproduites dans le num6ro du Courier international des 1-8 novembre 1883 sous la rubrique : Nouvelles d'Haiti. VIII AU PIED DU MUR (1). Monsieur le Directeur, La pr6tendue refutation qu'on a voulu presenter A mes deux articles, publics dans la Republique radi- cale des 6 et 21 octobre, m'oblige & revenir sur les motifs qui ont d6termin6 l'insurrection dont mon pays est en ce moment le thditre (2). On a soutenu que M. Salomon, president de la R6pu- blique haltienne, s'est, moins que tout autre chef d'Etat haltien, occupy d'ambliorer le sort du people. C'est 14 une double erreur, historique et bconomique. Rivibre H6rard, Guerrier, Pierrot, Rich6, Salnave, presidents 6ph6mbres, out eu, moins que lui, le temps et occasion de s'occuper de l'amblioration du sort du people. Je maintains que, plus qu'aucun autre magistrate supreme et depuis 1804, M. Salomon a 6t6 probe, 6mi- nent, patriots. 11 a cr66 la Banque franco-haltienne, institution riv6e depuis soixante-dix ans; il a fait enter Haiti dans l'Union international des poses; il a permits introduction des capitaux frangais en Halti; (1) Rdpublique radical du 4 novembre 1883. Hiin. (2) Cette pr6tendue refutation avait 6td adress6e au direc- teur de la Republique radical, I'honorable M. Laisant, dd- put6, qui l'insbra apris m'avoir avert et dans le d6sir od il 6tait que la lumibre ffit faite par son journal sur les giles- tions haltiennes. Elle fut faite et si bien faite que M. Laisant 6crivit lui-mime un magistral article en faveur de la politi- que du president Salomon. 86 LES AFFAIRS D HATTI. 1888-1884. il donne droit de naturalist haltienne A routes les com- pagnies 6trangbres, industrielles ou agricoles, qui voudraient exploiter le sol haltien. 11 a imprimb une vigoureuse impulsion A l'instruction popular. (Voir la Rdpublique d'Haiti et ses visiteurs, page333 et sui- vantes.) 11 est essentiellement l'ami de la France, et o'est pourquoile ministry de France en Halti, M. Burdel, le soutient de routes ses forces. Par une loi qu'il a propose au Parlement et qui a 6th vothe en date des 26-28 f6vrier, M. Salomon a fail d6clarer que les terres de l'Etat seraient morcelbes et distributes conditionnellement aux paysans qui en feraient la demanded. Les insurg6s ont pris les armes en mars, un mois apris que les Chambres haltiennes event voth cette measure, afin d'empicher qu'elle ne f6tmise A exboution sur tout le territoire de la R4publique. Que ceux qui insultent & Paris leur race, leur pays et leurs gouvernants dissent en toute franchise, en toute conscience, pourquoi les insurgbs n'avaient jamais song& & prendre les armes avant le vote de la loi dont je parle!... Ils n'ont pas voulu que le paysan devint le maitre du sol dont ils 6taient un peu trop d6tenteurs, mais dont ils ne savent ni ne peuvent rien tirer par eux-mimes. Dans leur bouche le terme liberal n'est qu'ua mot. Leur lib6ralisme n'est mime pas un libbralisme poli- tique; il n'est nullement un libbralisme bconomique et social. Au fond, M. Salomon est plus liberal, plus db- mocrate qu'eux. C'est par la liberty, par I'ind6pendance du paysan LES AFFAIRS D'HAIT1. 1883-1884. 87 que sera fond6 en Haiti et pour toujours le rigne de la liberty politique. Voilk le vrai. Qu'ils laissent M. Salomon achiever son cauvre. Cela profitera & tout le monde, A eux autant qu'aux paysans et aux artisans. M. Salomon a refuse la donation de 250,000 et non de 500,000 francs qui lui avait 6t6 offerte par les Chambers. Qui soutient le contraire est un ignorant ou un imposteur. 11 ne pense point A faire auoune mission de papier- mounaie. De concert aveo la Banque national d'Haiti et avec le Parlement, il va faire augmented le chiffre des billets de cette Banque actuellement en circulation, tout en donnant cours forc6 & cette monnaie fiduciaire. 11 faut 4tre un novice on science financibre pour ignore que l'Angleterre a fait la mime chose sous le ministbre du second Pitt, pendant la guerre centre la France, et que le cours fored de son paper de banquet n'a cess6 qu'en 1819; il faut n'avoir pas 6tudid m6tho- diquement la science politique moderne pour ne pas savoir que la Russie et l'Autriche ont, dans ce sibele, donn6 la mime excuse; qu'en Italie le cours forc6 n'a cess6 que l'annbe dernibro, sous le ministbre Depretis- Magliani; que les Etats-Unis Amirent les green-backs pendant la guerre de sbeession et que la France donna le cours foreb aux billets de la Banque de France, en 1848, et tout derni6rement encore, en 1870, au mo- ment de la declaration de guerre centre l'Allemagne. Aussitbt insurrection comprimbe, aussitit cessera cours forc6 du billet de banquet haltien. AU PIED DU MUR (1). (Suite.) Monsieur le Directeur, Permottez-moi d'ajouter A ma letter prbeddente, que vous avez bien voulu insurer, quelques considerations 6conomiques sur lesquelles il imported de r6tablir la v6rit6. M. Salomon ne songe nullement & e6der file de la Torture aux Amdricains. 11 ne le peut ni ne l'oserail.Et le voudrait-il que les Chanibres qui sibgent en perma- nence seraient 14 pour l'en empicher. C'est file de la Goncive qui doit 4tre affermee A une companies fran- gaise. Le project de loi est A l'6tude; il viendra en dis- cussion en seances publiques de la Chambre et du Sdnat. Je me propose mime de le critique (2). Les ennemis de M. Salomon out employed tous les moyens pour faire croire au people haltien que le prb- sident, ayant 6pous6 une blanche, une Frangaise, you- lait vendre le pays aux blanes. C'est 1& une infAme calomnie. C'est M. Salomon qui, en 1880, a fait reconnaltre par le Parlement haltien l'emprunt contracts & Paris on 1875 par Haiti, emprunt que les soi-disant libbraux, (i) Republique radicale du 5 novembre. Hiin. (2) J'ai tenu parole. Voir ma brochure intitulde: Haiti aux Haitions. LES AFFAIRS D'HAITI. 1883-1884. 89 en ce moment en rebellion, avaient fait renier en 1876, alors qu'ils 6taient A la tite de administration. M. Salomon est arrive au pouvoir en octobre 1879. Ses ennemis d'aujourd'hui 6taient dbji en exil. II leur fit proposer de renter dans leurs foyers, car lui qui avait 6th banni par les parents et amis des pr6tendus libbraux, il savait mieux que personnel combine l'exil est cruel, deplorable et dur. Les exiles ont d6daigneu- sement repouss6 ses offers, I'ont bern6, bafou6, in- sult6, et ont finalement rdpondu qu'ils reviendraient le fusil & la main. Ils out tenu parole pour le malheur d'Haiti. Le parti dit liberal & Port-au-Prince ne correspond nullement au parti republican frangais. A quel partird- publicain d'abord (1)? EnFrance,1espartis republicans sont ouverts A tous. LA-bas le parti dit liberal est ex- clusif, fermb. C'est le parti national qui est ouvert. En France, jamais un republican, filt-il collectiviste, ra- dical, opportunist, conservateur, ffit-il insurg6 mime, ne violerait le secret des letters. Les insurgbs de Jac- mel ont violb le secret des miennes. La chose ne leur profitera pas. En France, pas un republican ne you- drait escalader le pouvoir les armes a la main. Les (1) Tous les HaYLiens sont republicans. 11 faut qu'un indi- vidu soit crapuleusement ignorant en politique pour qu'il puisse croire qu'un republican francais lequel aime son pays 4 l'adoration et est toujours pret A se faire hacher pour lui, puisseressembler, mime de loin. A un pr6tondu liberal hal- tien qui refuse d'stre soldat, qui fuit toute responsibility ci- vique, qui, vivant & 1'6tranger; y insulted son pays et sa race sous le voile d'un Idche anonyme. LES AFFAIRS D'HAITI. 1883-1884. insurg6s haltiens, au lieu de chercher A reverser le government de M. Salomon par la persuasion, par le livre, par le journal ou en champ clos de Parlement, entrant en insurrection centre la nation, centre la vo- lont6 national, centre l'Assembl6e national. Et leurs coreligionnaires A l'6tranger ont la maladresse de ca- lomnier et de renier leur race (1). En ce qui touche les malheureux bvbnements dont Port-au-Prince a eu le spectacle les 22 et 23 september, on peut lire dans le Rappel, dans le Temps, dans la Rdpublique radical, que le cabinet dePort-au-Prince, d'abord d6sarm6, avait eu une attitude des plus loua- bles pendant I'6moute et des plus magnanimes aprbs sa repression. Trois jours apris sa victoire & Port-au- Prince, il accordait une amnistie aux 6meutiers de cette ville. A l'heure oil j'6cris la parole est d6finitivement au canon. La flottille de guerre du government haltien fait peut-8tre entendre sa voix deviant Jbrimie ou de- vant Miragoine. Dure, mais ineluctable ndeessitb! Attendons les lettres et non les t616grammes. Dans un 6tat d6mocratique on ne doit consider que l'intdrit du plus grand nombre. M. Salomon et ses ministers out pris en main la cause du plus grand nom- (1) On s'imagine trop facilement qu'un parti liberal et un parti conservateur sont opposes absolument. C'est une erreur. Les parties diff6rents en France sont essentiellement frangais. Le parti liberal frangais diffbre entibroment du parti liberal de n'importe quel pays du globe. Un liberal frangais ne res- semble pas A un liberal italien. Funck-Brentano. Cours de l'Acole des Sciences Politiques. Legon du 22 janvier 1884. Notes personnelles. LES AFFAIRS D'HATTI. 1883-1884. 91 bre, la cause des paysans. Ceux qui habitent les mon- lagues do Jaemel I'ont si bien comprise qu'ils viennent d'offric en don, et spontandment, A la patrie toute leur rdcolte annuelle de caf6. Ce faiL nous ramine aux plus beaux jours de Sparte ou de Rome, aux 6poques glo- rieuses de la RAvolution frangaise. M. Salomon veut affranchir les paysans de la servi- tude mat6rielle et immatirielle dans laquelle ils erou- pissent depuis quatro-vingts ans. La cause est noble et sainte. 11 r6ussira. J'ajoute que sans I'affranchissement, I'bducation et la richesse du paysan, il n'y aura jamais ni veritable liberty ni 16gitime richesse pour le bourgeois haltien. Si mime il 6tait sincere, politique, rigoureusement consequent avec lui-mime, le parti dit liberal n'aurait jamais pris les armes, et les ayant prices il d6sircrait itre vaincu. Vainqueur et montant au pouvoir A la suite d'une insurrection, son autorit6 scrait illibbrale, ill6gitime comme son origin. 11 aurait menti & son programme, menti & son nom. Les insurrections rbpbtbes renverse- raient l'oeuvro sortic d'une insurrection. Il est vaincu d'avance. On ped espirer que vers la fin du mois prochain la pacification complete de la R6publique d'Haiti scra un fait accompli. 11 ya intbrit capital & ce que la nation haltienne puisse dvoluer en paix: elle est la sentinelle advance de la civilisation noirc-latine. LEURS AVEUX (1). Monsieur le Directeur, Le numbro de la Rdpublique eradicate du 14 novem- bre content une lettre qui vous a 6th adressbe par un correspondent haltien et dans laquelle l'auteur pretend vous renseigner sur les affairs de mon pays. 11 y dit que les members du parti dit liberal, aujour- d'hui en rAvolte ouverte centre l'Assembl6e national, laquelle si6ge en permanence A la capital, avaientau- trefois r6gl6 le service de la dette extbrieure d'Haiti En effet, Ils I'avaient r6gl6, mais ce fut en reniant l'emprunt contracts & Paris, en 1875, par la nation hal- tienne. Le proodd6 6tait simple, facile, commode, mais peu scientifique. A si bon compete, quel gouvernement ne r6glerait imm6diatement le service dela plus lourde des dettes publiques ?... Ces scrupuleux financiers n'ont point 6th exiles par M. Salomon dont, au contraire, ils n'ont jamais voulu accepted les amenities. Je l'ai dbji prouv6 dans le nu- mdro de votre journal qui porte la date du 5novembre, et votre correspondent I'avait lui-mime reconnu dans sa pr6c6dente letter du 2 novembre. 11 reproche au government 16gal d'Haiti d'avoir viold le secret des lettres. Lors mime que la chose se- rait vraie, y aurait-il 15 motif A insurrection ? (1) Republique radical du 16 novembre 1883. HATU. |