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X 327.7294 K39U/i UNIVERSITY OF FLORIDA LIBR ARIES THIS VOLUME HAS BEEN MICROFILMED BY THE UNIVERSITY OF FLORIDA LIBRARIES. lw 7jjjjjjjjjjjjjjjfjpjjjjjjjppW All Ch.-Emmanuel KERNISAN ANOIEN DtPUTt AU PARIEMENT HAITIEN LA REPUBLIQUE D'HAITI ET LE GOUVEINEMENT DEMOCRATE DE' M. WooDnow WILSON 6~i 3 2. ~~1`a31 ,~y. DEDICACE AU SENATEUR RUY BARBOSA, DU BRSSIL, RIO-DE-JANEIRO. Je vous dedie ces pages, honorable senateur, parce que non seulement vous avez dt& la premiere voix oficielle amrricaine qui s'est dlevde centre la violation de la neutrality belge, mais aussi parce que vous avez prononcd ces paroles mimorables qui ont une portge morale considerable : a Si les faibles n'ont pas a la force par leurs armes, qu'ils s'arment de la force de lear adroit D. C'est ce que je viens faire au nom de la Rdpublique faible d'Haiti. Je vous prie d'agrder, Monsieur le senateur, mon profound respect. Ch.-Emmanuel KERNISAN. OBSERVATION M. Wilson, tenant d la fois de Jaurds par ses discours et de Bismarck par ses actes, est I'homme le plus extraordinaire de ce temps. M. Wilson a la reputation d'etre un enteit, et c'est bien cet ent6tement qui jera le malheur du grand people ambricain si les 6minents hommes d'Itat du parti rdpublicain n'y prennent garde. Les pages qu'on'va lire et qui ont attend, pour 6tre publishes, que l'auteur se trouvdt sur une terre dtrangdre, d cause de la grande tyrannie qu'exercent dans son pays les agents de M. Wilson, essayeront de prouver l'hypocrisie du President des A9tats-Unis. On verra combien ses discours sont en opposition flagrante avec ses actes, quand il s'agit surtout de peuples faibles et malheureux qui avaient le plus besoin d'une protection bienveillante et salutaire, situds qu'ils sont hors de I'action politique des grandes puissances de l'Europe. Paris, le 3 Octobre 1919. AVANT-PROPOS Cette brochure, 6crite en 1917, n'aurait pu voir le jour sans le triomphe des Allies qui lutterent pour la defense des droits des peuples faibles et les nationalists opprimees. Nous appuyant sur ces principles de haute humanity, solennellement proclames devant Dieu et le monde civilise, nous venons done demander justice aux nations liberales qui forment 1'Entente. Malgrd les grands 6v'nements qui sont survenus depuis 1917, nous n'avons rien & ajouter ni A retrancher de ce que nous avons ecrit; mais nous tenons seulement & attirer attention du monde, une fois de plus, sur les m6morables paroles qui ont Utd pronounces au dernier moment par les hommes d'Atat autorises des Allies de l'Entente, et par M. Wilson lui-mgme. Voild done le but de cet Avant-Propos. Les hommes d'Etat qui auront le grand honneur de fire parties du Congrds de la Paix vont-ils 6couter avec confiance les suggestions de M. W. Wilson en faveur des nationalit6s opprimees et du caractdre nouveau qu'il faut donner au monde dans le sens du droit, de la justice, de la liberty et de 1'independance integrale des peuples quand, a l'instant m8me oh il parole, ses agents oppriment certain peoples faibles de l'Am6rique?... Celui qui ecrit ces lignes est un de ces Haitiens qui ont toujours demanded avec foi que des reformes politiques et -6- 4conomiques viennent imprimer une nouvelle direction au pays, avec l'aide sincere des homes du Nord. Mais il n'entendait point que cette aide fOt octroyee bruta- lement, come a une peuplade conquise, en foulant aux pieds ce que le celIbre homme d'Atat francais, M. Clemen- ceau, appelle les droits imprescriptibles de l'independance. 11 a toujours preconis6 l'union intime de toutes les repu- bliques amdricaines, mais il entendait qu'elle fit 6tablie sur la base absolue de 'lgalitd des droits. Tous les homes d'Etat v6ritablement humans deman- dent que la grande guerre soit la derniere par la victoire definitive du droit. M. Lloyd George, entire autres, croit'que la victoire des armes est indispensable pour faire que le monde soit libre, mais il a eu soin de dire que s'il n'y avait aucune perspective d'amrlioration des choses, ce serait une infamie que de prolonger la guerre. QuantA nous,de ce cot6-ci de l'Am6rique, nous ne voyons aucune perspective d'amelioration de notre situation, car nous sentons qu'avec le triomphe des Allies de l'Entente va s'appesantir plus lourdement le poing gant6 de fer d'une puissance qui a foul aux pieds nos droits imprescriptibles d l'independance; d'une puissance qui ne peut pas reconnaltre, comme a dit l'honorable M. Ernest Lavisse, ( qu'un people, ( qu'il soit tout petit ou qu'il soit tr6s grand, peu imported, u mais qui a su former un groupement human ob6issant a des lois et coutumes, honneur ch6rement pay6 toujours, a a conquis le droit de singer dans une haute Cour d'huma- s nite ); d'une puissance qui ne veut pas se rendre compete, comme l'a fort bien dit le c61lbre homme d'Etat anglais, Lloyd George : que le monde est fait pour le faible comme t( pour le fort; sinon pourquoi Dieu aurait-il permis l'exis- i tence des petites nations? Il n'y a pas deux especes d'indd- a pendance : une espkce d'ind6pendance pour une grande ( nation et une esp6ce inferieure d'ind6pendance pour une a petite nation ,, ajoute encore 'honorable homme d'Etat anglais. C'est done pour anaantir tout ce que l'ancien monde avait de mauvais, que la grande guerre se pursuit; et il faut que toutes les races, totes les nations orgueilleuses arrivent a savoir que le temps de 1'esclavage des hommes comme des peuples est passe. Nous sommes en train de a crer un monde nouveau; cette creation implique de )r grands sacrifices, et de la grandeur de ces sacrifices naitra a la grandeur du monde nouveau que nous enfantons (LLOYD GEORGE). M L'anit6 de direction qui regne parmi les Allies est due a a ce que tous se rendent compete qu'ils d6fendent une a grande cause, qu'ils combattent pour la justice et le droit a centre la force. Si par notre victoire nous rdtablissions a simplement le monde dans l'etat oi il dtait antdrieure- ( ment, non seulement nous aurions combattu en vain, a mais nous aurions laissd dchapper la plus grande chance a qui ait jamais Atd offerte h une g6ndration humaino I d'accomplir une grande acuvre. II nous income d'dtablir le system international sur des bases nouvelles (ROBERT CECIL). a Aucune puissance dtrangere, ni celle des raisonnements, K ni celle des mitrailleuses, n'enseigne A un people l'art de a se gouverner. L'experience seule instruit, et 1'experience o exige du temps. Soyons patients n (Le Temps). Tous leshommes d'itat sont obliges de se decouvrir devant ces paroles d6cisives de ce grand journal independent. C'est done cette patience, que je viens solliciter pour Haiti, ce people jeune, don't les aspirations sont sollicitdes A la fois par plusieurs forces extdrieures. Le monde nouveau qui vient de s'ouvrir par la guerre de 1914-1918 n'admet que l'int6graliti des choses: la rdalisa- tion complete des aspirations morales, des int6rets mat6- riels; le droit, la liberty, la justice et l'ind6pendance int6- grale. Pas de restriction possible au bdndfice d'aucune nation prdtendue supdrieure. M. Woodrow Wilson l'a tellement bien compris, qu'it vient de poser ces questions c6elbres aux homes d'Atat du monde: -8- t Une puissance militaire d'une nation quelconque ou K d'un group de nations peut-elle determiner le sort des a peuples sur lesquels elle n'a pas d'autre droit de r6gner c que le droit que lui confdre la force ? c Des nations puissantes seront-elles libres d'opprimer c des nations faibles, de les assujettir? Des peuples devront- c ils continue a subir la volont6 d'autrui et ne pourront-ils a faire leur propre volont6 ? R6alisera-t-on un ideal commun c pour tous les peuples, toutes les nations, ou le puissant c pourra-t-il continue ; agir comme il le voudra et faire c souffrir le faible, sans reparation? Est-ce que la revendi- c cation du droit sera aleatoire, ou y aura-t-il une entente c commune pour rendre obligatoire I'observation du droit c commun? c Aucun homme, aucun groupement d'hommes n'avait K pr6vu que ces questions se poseraient comme aboutisse- Smrent du conflict, ajoute M. Wilson. Non, dit-il, ces r6sul- c tats sont sortis directement du conflict mgme, et ils doi- c vent 8tre r6gl6s non pas par un arrangement, par un < compromise, par un ajustement d'int6rits; mais definitive- c ment, une fois pour toutes, sans equivoque, et sur ce prin- c cipe que l'int6ret du plus faible est aussi sacr6 que l'int6ert c du plus fort. c Voila ce que nous pensions, ajoute M. Wilson, quand c nous parlons d'une paix permanente.Nous parlons sincA- c rement avec une connaissance reelle de la grave question c que nous traitons ). En parlant de la sorte, M. Wilson s'est revel6 un veritable homme d'Etat de l'humanitd, un vrai citoyen du monde, et sa voix a fait echo puisque le plus grand homme d'ttat frangais de nos jours, M. Clemenceau, a pu dire a son tour que l'arm6e glorieuse de France, qui' hier 6tait l'arm6e de Dieu, est aujourd'hui 'l'armee de l'humanit6. Alors que fait M. Wilson en Haiti? A-t-il une sorte de pudeur a ne pas avouer sa faute? II ne faut pas que les grands hommes d'Etat fassent une -9- question d'orgueil' national des erreurs et mgme des injus- tices qu'ils ont pu commettre avant l'avenement du monde nouveau, car l'effet retroactif des lois morales est la plus puissante base international pour l'Nvolution des peuples et une n6cessitd de la civilisation. Les 6v6nements qui viennent de s'accomplir ne sont que la conclusion logique de plusieurs siecles d'histoire des dirigeants du monde. I1 est done incontestable que cette guerre est la condemnation de tout ce qui a 6t0 fait contrai- rement au droit, A la justice, A la liberty et aux lois natu- relies. Et il est non moins incontestable que les homes d'ttat qui auront le privilege de s'asseoir autour du tapis vert de la Conference de la Paix, doivent tenir compete des lemons de l'Histoire gendrale pour faire ressortir pleinement les fautes et les injustices qui ont pu 6tre commises au detriment de chaque people. II n'y a plus une seule faute A commettre; il n'y a plus un seul germa de trouble interna- tional a laisser subsister dans le monde, pour me serv.ir une fois de plus de la noble expression de M. Asquith. L'organisation" du monde nouveau doit done avoir pour base la force morale du droit. Nous supplions les Puissances lib6rales de porter leur attention sur notre malheureuse Patrie que nous ddsirons voir jouir int6gralement de son independance, de sa liberty et de sa vie de people. Nous affirmons que lorsque M. Herbert et quelqucs hono- rables membres de la Chambre des Communes Blevdrent la voix pour demander l'appui du cabinet de Londres en faveur de la. noble France cdras~e sous le poing allemand, afin qu'un pareil crime n'efit pas de suite faneste pour le repos du monde, aucun people, aucun homme d'litat du monde ne se doutait alors du mal qu'il se faisait A lui-mgme et au rest du monde en restant sourd a ces voix gen6reuses des honorables membres de la Chambre des Communes. Eh bien, je viens a mon tour clever ma faible voix de * 10 - citoyen d'un people faible et opprim6, et en meme temps de citoyen du monde, pour demander que le droit, la justice et la liberty soient respect6es dans la personnel de ma Patrie, et que les agents de M. Wilson cessent de l'opprimer, afin que son cri n'aille trouble le concert des nations lib6rales, ne suscite la col6re divine. Ce 26 novembre 1918. CH.-EMMANUEL KERNISAN. LA RIPUBLIQUE D'HAITI Les droits des peuples, grands ou petits, sont egaux. Le premier coup de canon de la guerre de 1914 a 6t le prelude de l'effondrement de l'ancien monde. L'Univers entier est done en train de faire table rase de. tous les edifices vermoulus qui le composaient. Les trones don't les assises reposaient sur des coutumes, des mceurs et des habitudes centenaires, j'ose mime dire mill6naires, sont renvers6s comme des chAteaux de cartes. C'est que rien ne resiste plus A la poussee de l'opinion pu- blique, manifestation des interets immediats et primordiaux des peuples; et tout cela pour la reconstruction d'un monde nouveau.Quelles seront done les assises de ce monde nouveau? Le respect des nationalities des peuples faibles; des constitutions repondant pleinement aux aspirations politiques de ces peuples; la.destruction de tout germe de trouble international partout oi il se trouvera dans le monde, pour me servir de la noble expression de M. As- quith: le droit qu'ont tous les peuples de disposer d'eux- mimes, quelles que soient les regions dans lesquelles ils se trouvent, et cela dans tous les ordres. Plus d'hdgemonie, plus de zone d'influence respective, et j'ajoute meme : plus d'int6rets essentials a sauvegarder.,. Les nations doivent agir d6sormais non dans le sens de leurs inter6ts immediats respectifs, mais dans le sens de la communaut6 international. II faut que l'action national d'une puissance quelconque soit en harmonie avec l'int6ret international des autres, de facon que cette action, au lieu de porter atteinte aux intd- - 12 - rats de toutes, serve au contraire de complement aux int6- rots respectifs de chacune d'elles. L'existence stable de chaque people doit avoir sa source dans son g6nie d'organisation politique et 6cono- mique. Toutes ces idees, toutes ces nobles aspirations, tous ces buts paraissaient chim6riques avant la grande guerre. Mais comme l'homme s'agite et que Dieu le mene, tout ce qui avait paru au premier abord chimBrique est devenu d'ordre divin, r6alisable pour le repos de l'humanit4. L'Empereur d'Allemagne lui-meme nous apparalt comme l'instrument par qui le monde doit 8tre transform dans un sens qu'il ne pouvait lui-meme pr6voir, car les desseins de la Providence sont imp6netrables. Lorsque j'6crivis l'annde derniere ma petite plaquette intitulee : a Un mot pour ma Patrie ), j'6tais loin de m'at- tendre au d6veloppement actuel des idees de haute mora- lit6 international, Et si, au premier abord, certaines grandes puissances savaient l'id6al pour la defense duquel elles avaient pris les armes, il n'est pas moins vrai que cet ideal paraissait imprd- cis a bien d'autres, au point qu'il y en a meme qui ont osd demander leurs buts de guerre aux combatants de la pre- miere heure... Done, si la victoire de l'Allemagne paraissait certain A bien des peuples, peut-on en conscience faire un crime A un d'entre eux, d'avoir pris ses precautions en vue des conse- quences de cette victoire? L'Allemagne victorieuse aurait organism 1'Europe en vue de la conquite du monde par une guerre de continent a continent, ce qui eft amend neces- sairement une alliance entire le Japon, les Etats-Unis, quelques republiques am6ricaines et les debris de l'Europe vaincue. Mais 1'Allemagne victorieuse aurait-elle permis'a oette alliance de s'affirmer? - 13 - L'Allemagne vaincue, I'Europe sera organisde en vue de Ia liberty gnderale du monde. Done, tout pdril d'h6gdmonie oppressive sera Bcartd pour le monde par la victoire des Allies de 1'Entente, victoire qui signifie la fin de l'ancien monde s'appuyant sur le militarism, la violation des droits des peuples faibles et celle des nationalities par les peuples forts. 11 a fallu que l'6quilibre ffit 4tabli entire le bien et le mal, en attendant que la lutte qui se livre en ce moment soit de- finitive pour le triomphe de l'un ou de i'autre. Des nations g6n6reuses, sans doute, se virent dans l'obligation de prendre des precautions qui ne tendaient a rien moins qu'a la viola- tion des droits naturels de certain peuples faibles. C'est cette lutte pour l'equilibre qui a absorbed les hommes d'Etat du monde depuis la guerre de 1870-71. * Les ttats-Unis, que la nature a d6sign6s comme une na- tion exclusivement agricole, se sont rvedls le plug puissant people commercial du monde; et, de la, la nation la plus democratique est devenue la plus absolutiste et la plus im- perialiste parce que ses intdrits commerciaux lui en font Obligation. I1 va sans dire que si elle 6tait seulement agri- cole, elle aurait fait la conqukte morale du monde et le bonheur de l'humanit6, mais il faut tot ou tard que ses int6- rets commerciaux s'entre-choquent avec ceux des autres na- tions moins grandes par 1'etendue et qui ne peuvent vivre que de l'industrie. Si la guerre europeenne n'avait pas eu lieu, cette nation eft done 6t6 oblige de continue, soit par le dollar ou par la force, sa politique d'oppression des peuples faibles de cet hemisphere. Dans tous les cas, une pareille politique serait consid6ree comme une measure preventive, et comme une des consequences de la politique g6n6rale du monde. Voila pourquoi, en plein xxe siecle, on voit les Etats-Unis - 14 - commettre des crimes de l6se-peuple en s'emparant de Pa- nama, en violent les nationalities haitienne et dominicienne et en intervenant dans les affaires int6rieures de certain autres peuples de l'Amerique central. Avaient-ils le droit de proceder ainsi? Je r6ponds que oui, la politique mondiale d'avant-guerre leur en faisait I'obligation. Mais cette polii tique 6tant condamnee par les grandes puissances liberales qui seront sOrement victorieuses, nous nous demandons quelle sera la situation des ttats-Unis au Congres de la Paix au point de vue international, en presence des violence don't certaines nationalities ont Wt6 l'objet de leur part. Les Etats-Unis, en s'installant chez nous par la force, ont place leurs int6rets au-dessus du droit international. Ils seront done obliges de licher leur proie et d'en ref6rer a la Soci6te des Nations, don't leur President demand la cr6a- tion, on vue de rigler les litiges qui peuvent exister entire eux et les petits peuples don't les droits naturels et impres- criptibles viennent d'etre violas par eux. Mais les t tats-Unis peuvent-ils 6tre passibles d'un verdict de culpability de la Soci6t6 des Nations apres avoir prWte leur concours pour vaincre l'Allemagne? Je r6ponds que oui, pour la raison bien simple que les ttats-Unis sont intervenus-dans la guerre parce que leurs interets 6taient menaces par une Allemagne victorieuse, et non guides par un sentiment d'ordre moral. D'ailleurs, leur intervention est d'ordre militaire, non politique. Ils semblent mmme dans leurs declarations manager le people allemand, insinuant .qu'ils ont des raisons de ne pas se brouiller trop profond6ment, puisqu'ils ont les memes aspirations Bconomiques. Et s'il y a une influence 6trangrre qui a pr6domind aux Etats-Unis au point de s'infiltrer dans toute la vie national de ce pays, c'est bien I'influence allemande. Debarrassez-vous de votre Empereur, semblent-ils dire au people allemand, et nous nous entendrons apres pour - 15 - dominer commercialement et Bconomiquement le monde. S11 est done evident que le gouvernement de Washington ne s'est decidMe intervenir dans cette guerre lib6ratrice qu'au moment oi toutes les esperances d'6chapper i ses con- sequences fatales lui ont paru vaines. 11 faut que la foi de l'Allemagne dans le triomphe de sea sous-marins soit bien inebranlable pour qu'elle n'ait pas consent A faire des concessions aux Rtats-Unis sur les con- ditions de cette guerre, afin de conserver, au point culmi- nant de la lutte, I'espoir d'une alliance avec ces Etats. Car cette coalition pour la defense du droit, de la liberty et de l'independance des peuples faibles doit peser lourdement sur les destinies futures de ces deux nations. Sans 1'entrecuidance excessive de l'Allemagne, M. Woodrow Wilson aurait donn6 le spectacle d'un homme d'ltat conduisant son people vers des mendes qu'auraient reprouv6es peut-6tre ses sentiments intimes, mais don't auraient certainement b6n6ficid ses intdr6ts mat6riels. * * S'il nous a paru strange que, pendant la lutte des nations lib6rales pour la liberty et la defense des droits des peuples faibles, le Cabinet de Washington se laissft aller a violer lea droits naturels de certain peuples de cet hdmisphre, 'nous n'en avons pas moins analyse les conditions d'existence du monde ant6rieurement a cette guerre, et nous avons trouv6 la justification de cette conduit dans la n6cessiti pour tous les grands peuples d'assurer leur existence. Et toutes lea amabilit6s du Cabinet de Washington A l'6gard de 1'Alle- magne s'expliquent par ce fait qu'il avait le devoir de prendre des precautions en vue d'une victoire allemande qui aurait bris6 pour longtemps l'equilibre du monde. Mais quelles que soient aussi les craintes du Cabinet de Washington, il n'avait pas le droit de les manifester sous une forme quelconque au detriment d'aucun droit d'autrui. 16 - Cette politique de M. W. Wilson a-t-elle l'approbation du people de tous les Itats-Unis ?. Non! Cette politique est celle d'un parti don't les adherents ont 6t0 aveugles par la prosp6rite materielle du pays, et qui veulent donner des bases a cette prosp6rit6 au detriment de l'honneur ddmocra- tique des descendants de Lincoln. Cependant, il n'a pas manqu6 d'hommes ayant le sens exact des realit6s pour criergare au Cabinet de Washington, afin de le detourner de sa politique de violence a Pl'gard de certain peuples de cette parties du monde. Nous qui 6cri- vons ces lignes, nous sommes de ceux qui ont toujours consid6rd les Ittats-Unis comme un people don't les res- sources morales peuvent 1'6lever aux plus nobles aspirations. Mais pour son malheur, il se laisse dominer par des influences 6trangeres qui 6touffent la voix g6nnreuse des descendants de Lincoln et de John Brown I * Nous avons v6cu longtemps dans l'incertitude. La France ayant pour ainsi dire n6glig6 d'entretenir des relations sui- vies avec un pays qui a presque tous les 6elments de sa civi- lisation, occupee qu'elle 6tait a implanter cette civilisation dans les pays neufs qui lui appartiennent, nous avons done mend une vie quiavait besoin, pour Atre parfaite, de l'amitid et de 1'aide sincere de cette nation. Cette amiti6 et cette aide sincere nous ayant fait defaut, des Haitiens patriots et de bonne foi, don't nous sommes,. avaient cru que le seul moyen de tirer leur pays de l'im- passe 6tait de s'adresser a une autre nation, don't les insti- tutions d6mocratiques, analogues a cells de la France, 6taient la plus sfire garantie centre tout accaparement et contre toute violation du droit. C'est pourquoi, A la veille de la grande guerre, nous avions cru devoir mettre nos concitoyens en garde contre .tout jugement premature sur le compete de la diplomatic de -17 - Washington, sur la politique de l'homme surtout qui nous a paru au premier abord comme un des cerveaux les plus puissants de ce siecle. Mais nous ffmes de6us amerement par la diplomatic a deux faces du Cabinet de Washington, inspire par M. Wil- son, president d6mocrate des Itats-Unis. L'attitude du Cabinet de Washington et du president Wilson 6tait presque indiff6rente au d6but de la grande guerre. Et comment veut-on d'ailleurs qu'un gouvernement qui nourrissait d6ja la pensee de violer les droits des peuples faibles de ce point du monde et de les maltraiter par ses sicaires pit se laisser affected par la violation des droits de la Belgique et de la Serbie, et I'envahissement de ces pays par les puissances centrales, au point de protester des l'exdcution d'un pareil crime? * * La grande guerre va lib6rer tOus les peuples faibles de la terre des contraintes internationales. Les droits des na- tions lib6rales sont tellement 6gaux et confondus que nous pourrons, nous faible people, nous appuyer 6galement sur leur assistance respective. Nous devons done maintenant computer sur elles toutes, car il n'y a plus de sphere d'in- fluence capable de porter atteinte & aucun inter8t national. Il n'y a done plus de privilege a accorder haucune puissanoe au detriment des autres. a Ce que ddcidera irr6vocablement cette guerre, a dit l'illustre president Poincarh, ce n'est pas seulement les des- tindes des nations qui y sont engages, c'est tout.l'avenir de la plankte habitee par les hommes ,. En v6rite, nous, petits peuples, nous aurions 6t0 vouds 4ternellement a l'esclavage, a l'oppression, a l'avilissement et au m6pris, sans I'intervention divine qui a donned son sens d6finitif a cette guerre mondiale en assujettissant compl&- ** - 18 - teirent les dirigeants du monde & ]a volont6 supreme des peupies. Desormais ce n'est plus aux gouvernements quo les faibles s'adresseront pour le redressement des torts qui leur seront occasionn6s par les forts ; mais bion aux peuples reprisentes par ce parlement international qui doit 6tre compose des repr6sentants de tous les peuples. Done, pour repondre aux nobles paroles de M. Poincare, notre avenir d'hommes libres et independants est engag( dans cette lutto. * Quels que soient les mauvais traitements don't les peuples faibles ont Wte l'objet ant6rieurement a cette guerre, ils doivent reconnaitre en conscience que la lutte d'influence et de suprimatic que se livraient entre-elles les grandes puis- sances en 6tait la cause principal. Les petits peuples n'ont pas lour raison d'Ytre, il faut qu'ils gravitent dans 1'orbite des grande puissances; c'etiit la th6orie d'avant guerre : ces paroles ont 6td dites par un Ministre des affairs 6trangeres de la plus puissante nation militaire du monde a un ambassador, et elles prouvent abondamment combien 6tait expose l'inddpendance des petits peuples. 11 est done aver6 qu'il 6tait question d'un partage des petits peuples faibles entire certaines grandes puissances ;i la veille de la grande guerre et que c'est peut-etre i 1'crou- lement de cotte combinaison diplomatique que nous devons plus tot que nous le pensions la grande.guerre. Est-il done 6tonnant que les ttats-Unis prennent des pr;- cautions et fassent valoir dans toute son amplour la doctrine de Monroe qui signific clairement le droit natural des peuples de 1'Amerique a se gouverner eux-memes ? Ce n'est done pas peut-ftre de gaite de ocaur que certaines nations liberales ont viold certain droits : elles y 6taient obligees en presence des app6tits insatiables de certaines grandes puissances. Mais quand, apr6s la grande lutte qui se 19 - livre actuellement, les destinies du monde seront definitive- ment fixees, il n'y aura plus d'excuse A la violation d'aucun droit. Les peuples faibles trouveront alors de la security pour le libre d6veloppement de leur nationality respective, et leurs juges seront les nations liberales qui ont U6t les premieres A proclamer leur droit a la liberty et au libre developpement de leurs institutions. * Apres avoir reconnu des circonstances att6nuantes i cer- tains actes oppressifs de certain pouples forts centre les droits des faibles, on doit constater aussi que parmi ces peuples faibles il y en a don't la constitution politique 6tait loin de s'harmoniser avec leurs propres interits immediats et l'avenir international. Ce n'est pas qu'il ait manqu6 de Cassandres qui les invitaient a suivre une vie conforme i leurs intierets nationaux ; mais des influences ndfastes se sont introdultes dans leur vie intirieure et les ont detourn6s de la vraie voie. Car chaque people recl6e dans son sein des eld- ments de dissociation toujours prits a eclore a la moindre occasion de gene interieure. Ces Blements hdt6rog6nes n'ont jamais consult I'interit national puisque la nature mime de leur composition leur impose l'obligation de ruiner tout ce qu'une nation recl6e de force native. Et c'est pour le plus grand malheur de ce people lorsqu'il est de plus un people faible et l'objet de la convoitise de grande puissances. Je ne prendrai pour example que mon pays, puisque tout ce que je puis dcrire, ici, se rapporte A son ind6pendance et h sa liberty menaces. * $* Plus qu'aucun autre pays de I'Am6rique, Haiti avait pour obligation d'adopter une politique extericure des plus pre- voyantes a l'6gard des Etats-Unis; et cela pour des raisons - 20 - diverse : sa situation geographique, 1'analogie politique, le nombre de noirs qui peuplent respectivement les deux pays, 'tout sollicitait la plus scrupuleuse attention des dirigeants d'Haiti vers ce pays, mais malheureusement ces dirigeants ne faisaient guere cas de la politique international. Ils se contentaient de vivre leur vie de splendid isolement. Ils restaient sourds aux avertissements et aux conseils qui 6taient loin d'etre int6ress6s. Is se contentaient de se donner seulement, A l'instar des courtisanes, aux plus offrants, en faisant de leur Patrie l'enjeu d'infAmes marches. C'est ainsi que le pays est arrive a l'etat de d6sagr6gation social qu'il a atteint A la veille de l'occupation des Itats-Unis... Les peuples ne sont pas different, quelle que soit la lati- tude sous laquelle ils vivent. Les memes causes mat6rielles produisent n6cessairement chez eux les memes effects moraux et sociaux. De meme que la grande misere sous Calonne et le gaspillage des grands de la monarchie frangaise ont enfante la Revolution; de meme la profonde misere du people haitien et les b'ombances de ses politicians ont enfant6 la funeste guerre social sous la forme politique de Cacos. * $ * Cette lutte social a attire outre measure l'attention du gouvernement d6mocrate des ttats-Unis qui d'ailleurs atten- dait une occasion pour nous assujettir. Une champagne, soudoyde par d'importants personnages qui avaient A coeur de se venger du procds de la consolida- tion, a BtW entreprise par quelques journaux des ]tats-Unis, entire autres le New York Herald, et ne tendait a rien moins qu'a fausser et indisposer l'opinion publique de ce pays contre notre pauvre Patrie. Le gouvernement de Washington s'est empress d'envoyer des agents en Haiti pour se rendre compete de la situation interieure de ce pays. Mais ces agents, soit qu'ils aient Ut6 mal renseignds sur la politique interieure du pays, et aient -- 21 - par consequent fait un rapport contraire A la r6alite, soit qu'il ait Ut6 dans I'intention du Cabinet de Washington de ne pas tenir compete des griefs surtout sociaux de la masse haltienne, ce Cabinet de Washington a proc6d6 comme si les droits intangibles de ce pays 6taient la merci de la volonte arbitraire de n'importe quelle grande puissance. Cependant, un peu de patience, un peu de bonne foi eussent fait du people haitien un des peuples les plus heureux de la terre par l'action impartiale du gouvernement de Washington. 11 n'a pas manqud d'Haitiens de bonne foi qui ont fait des efforts pour 6clairer le gouvernement de Washington sur la veritable situation du pays. Celui qui cerit ces lignes a 6t0 arrUt6 et incarcere pour son opinion politique le jour mime qu'il venait d'avoir une entrevue avec un des agents des 9tats-Unis A la ligation de ce pays, le 20 juin 1914, pour essayer de le mettre au cou- rant de la veritable situation du pays, en lui faisant sentir que la vraie raison des troubles en Haiti est d'ordre social plut6t que politique. Qu'dtait-ce, en effet, que lr6volution dite des Cacos, sinon la r6volte du people contre les dirigeants pr6varicateurs? Cette masse si souvent trompee a voulu cette fois regler definitivement son compete avec ses dirigeants. De IA sont venues ces eliminations successives qui auraient pour abou- tissement la revelation des capacit6s politiques capable de panser nos plaies sociales. 11 est constant qu'aucune revolution, qu'elle soit politique ou social, faite en Haiti, ne l'a jamais 6t6 d6finitivement. Elle fut toujours arrgtde spontan6ment par ceux qui l'avaient engendree en vue des jouissances faciles qu'offre toujours le pouvoir. Mais cette fois les revoltes successives des Cacos allaient mettre le pays sur une base solid de justice soeiale par 1'Nlimination successive de tous les el'ments perturba- teurs quand la presence insolite des homes du Nord de 1'Amerique arr8ta pr6matur6ment cette revolution politique et social. Voila pourquoi V. Hugo a pu dire que les crimes 22 - de lse-peuple sont des crimes de l1se-Dieu. II faut toujours que ces crimes-la s'expient. Car seuls les peuples en gesta- tion politique et social peuvent en connaitre les causes et par consequent les remedes a employer pour un enfante- ment conform A leurs aspirations nationals. Ce n'est done pas une nation 6trangere quelconque qu'il appartient d'appliquer aucun systeme personnel de facon a contrarier ou A arreter le d6veloppement natural d'un autre people, car il y a des causes de perturbations politiques, sociales et 6conomiques que seule l'ame national peut, com- prendre et resoudre. Comment vcut-on d'ailleurs qu'un parti qui a toujours etC reconnu comme l'ennemi de notre race et qui a entrepris la guerre de Secession contre l'honorable Lincoln pour main- tenir alors dans l'escldvage 4 millions de nos congeneres, comment veut-on qu'un pareil parti travaille h notre bonheur en nous indiquant avec sincerity les voios sires de la pros- p6rit6, de l'indpoendance politique et de la liberty? * Depuis notre ind6pendance, nous avons eu parfois A subir la pression de l'6tranger, mais jamais nous ne connfmes de maitre; done, quelles que soient les advances du Cabinet d6mocrate de Washington, il faut, pour que nous puissions les accepter sans rougir, que nous nous sentions en fait libres et ind6pendants. N'avoir que les apparences d'un 6tat libre, sans disposer des droits essentials qui caracterisent la souverainet6 ? Non, cela ne doit pas 6tre, et il n'y a rien au monde qui puisse nous faire accroire que cela puisse etre. Ou nous devons etre libres intdgralement, ou nous devons redevenir esclaves OFFICIELLEMENT. D'ailleurs, est-ce de notre faute si nous n'avons pas su faire un usage uniform de la liberty quand d'autres peuples plus anciens donnent, au moment, mme of i'dcris ces lignes, l'exemple le plus infAme de l'anarchie ? - 23 - a Tant qu'un people n'est pas son maitre, il souffre et: a s'agite. Les prescriptions n'y peuvent rien, et mgme la prosperity materielle ne saurait endormir ses aspirations. a Un instinct natural le pousse A prdfdrer 6tre mene mal a gouvern6, mais par lui-m&me, an bonheur d'etre bien gou- ( verne par un autre people ou par un maitre... . ** Nous disons que l'impr6voyance de nos homes d'Itat est la cause principal de nos malheurs, et cette imprdvoyance s'est manifestle dans 'ordre politique, 6conomique, social et surtout international. Car ils auraient dfi avoir le courage de poser au Cabinet de Washington eette question: c Voulez- vous que le pays reste en paix? Eh bien! donnez-lui des capitaux pour lui permettre de faire la rdforme mon6taire, intervenez surtout en sa favour pour que la question de la Banque national d'Haiti soit r6gl6e au mieux de ses interits par la revision du contract ,. Grace a ce moyen, le bien-Atre materiel reviendrait et la paix serait assure pour toujours. On m'objectera que 1'Ntat international d'avant guerre etait une objection A l'adoption d'une pareille politique, qu'iI faudrait faire la meme offre a certaines autres puissances en tenant compete de leurs intdrkts;j'en conviens, mais en s'adres- sant en premier lieu au Cabinet de Washington, on aurait eu tout de suite sa confiance. Ce n'6tait pas A notre petit pays d'adopter une politique d'dquilibre envers les grandes puissances, c'dtait au contraire a celles-ci de l'adopter A notre ,gard. II fallait, par une offre faite fermement a une grande puissance, faire jouer la politique d'dquilibre d'alors. De toutes fagons il fallait, en cas de refus de Washington de nous donner lea mayens d'avoir la paix social et politique chez nous, ddnoncer sa conduit et prauver par 1i: que ce government ne fait Vien pour arrtter notre disagrega- tion. Alors, comment pourrait-il, par la suite, justifier aucun acte de violence a notre 6gard ? Nous savons bien - 24 - que la politique d'dquilibre d'avant guerre a Utd une cause de perturbation pour 1'6volution des 6tats faibles, car, comment veut-on qu'un 6tat 6volue quand il est sollicit6 en meme temps par des int6rets contraires? Cette lutte d'in- fluences 6trangeres suffit a paralyser son effort national. Mais nous devons en conscience reconnaitre que la politique d'dquilibre mondial est le plus ferme soutien de l'ind6pen- dance des 6tats faibles. Car il va sans dire que nous devons l'occupation violent des Etats-Unis, ainsi que cer- tains autres petits peuples de l'Amerique, a la rupture de cet dquilibre par la declaration de guerre de l'Allemagne. Mais si la grande guerre a rompu l'dquilibre du monde, ce n'est que momentandment, car le monde sera replace au contraire dans une assiette plus conforme aux intdrets res- pectifs des peuples forts ou faibles (1). * * En faisant des ouvertures sinceres au Cabinet de Washington, des la premiere heure de notre detresse, qui sait si celui-ci n'eit pas rompu cet dquilibre pour soulager cette detresse sur laquelle d'autres speculaient, et nous eft empich6s, par consequent, d'atteindre ce dernier quart d'heure de d6sagrdgation qui nous a valu l'intervention vio- lente de ce gouvernement ? Ainsi done tous les hommes d'Etat haitiens qui ont eu le pouvoir depuis la mort de Leconte jusqu'A l'avenement de Vilburn Guillaume Sam au pouvoir supreme sont plus responsables des malheurs de la Patrie que ses dirigeants pr6c6dents. : Le g6ndral Nord Alexis, le plus grand patriote que le pays (1) AprBs un an d'intervalle j'ai eu le bonheur de lire ces lines, d'un remarquable correspondent du Temps, sign H qui confirm ma pens6e. La revolution russe est loin d'6tre termin6e : C'est labcds du tzarisme qui a crev6, il faut que toute la pourriture accumul6e par les siecles d'oppression et do servitude de tout un people semi-asia- tique sorte pour que l'&me russe se transform dans de dures 6preuves sous I'action du soleil. 25 - ait jamais eu depuis les anciens fondateurs de l'Ind6pendance, a relev6 un moment le drapeau national que son pr6deces- seur avait laiss6 choir dans la honte. On sait ce qu'il advint de ce regime d'inconscience national qui a compromise tout ce qui constituait la reserve precieuse de la nation... On sait aussi dans quelles conditions Cincinnatus Leconte a pris le pouvoir au lendemain d'un autre regime que, seules, la mauvaise foi et la cupidit6 ont pu donner au pays. Cependant Leconte, qui avait paru un moment comme un faux patriote pour avoir particip6 aux d6reglements d'un de ces gouvernements n6fastes au pays, s'est r6vdl6 un homme d'Atat de premier ordre. 11 precha l'dconomie, il tenta de reorganiser nos finances, organisa notre arm6e et la mit sur un pied vWritablement convenable pour la dignity national. I1 constitua une reserve d'or pour parer aux 6ve- nements impr6vus et il travailla a donner a notre gourde la valeur du dollar americain, afin de rendre impossible l'exe- cution des fameux contracts que son predecesseur lui avait 16gu6s. Le people commenga A etre heureux et se sentit gou- verne avec justice : voilA l'homme qu'on culbuta dans une de ces nuits terrible don't le pays gardera un souvenir 6ter- nel. Le people qui peinait ne se doutait pas que le pays venait de perdre, pour longtemps, son supreme espoir, et qu'il allait etre de nouveau livr6 aux factieux... On n'entendra plus que la voix des passions, de la cupidity et de l'ambition. Et le people, don't la misere redevenait plus grande A measure que se prolongeaient les luttes intes- tines, demandait constamment un sauveur, qui pit donner au pays la stability social A laquelle il avait droit. Cependant Tancrede Auguste qui succida a Leconte 6tait considdr6 comme un des hommes d'Itat les plus 5nergiques du pays, mais il se montra ind6cis des le debut de son gou- vernement; il semblait qu'il fat absorb par le souvenir de la catastrophe qui l'amena prematur6ment au pouvoir. Et une maladie, pour bien des gens mysterieuse, est venue mettre fin a ses jours. I1 n'y a pas de doute que Tancrede *** 26 - Auguste n'eft continue l'oeuvre de Leconte dans la measure de sa capacity gouvernementale. * Tancrede Auguste mort, Michel-Oreste lui succeda. L'lec- tion de chef d'ttat co0ta au pays plus de 120000 dollars, valeur plus que suffisante pour la' creation d'une Banque de credit foncier et agricole ; nous rappelons qu'apres le coup d'Atat de Louis-Bonaparte en 1852, le Credit foncier de France fut fond6 avec un capital de 500000 francs. Cc Credit roule maintenant sur plus de 3 milliards de francs La confiance publique fut 6branl6e par ce coup d'arreti de credit supplementaire d'une valeur aussi important, a un moment surtout oli la misere battait son plein. Ceux qui fondsrent leurespoir en l'illustre tribune haltien furent deus; la confiance publique s'6branla ; le change monta d'un coup et la chert6 de la vie augment en consequence. Lee convoi- tises du pouvoir s'aggravArent quand les politicians surent que cette valeur de 120 000 dollars avait Wte partagee entire les membres du parlement, les ministres et les autorites militaires qui avaient contribu6 & l'dlection du fameux tri- bun A la presidence d'Haiti. Des measures financieres achev6rent d'aggraver la situation 6conomique et social du pays au lieu de 'am6liorer. On 6tait a la veille des elections legislative. Le pays sc preparait A envoyer au Parlement des repr6sentants dignes de lui. Michel-Oreste, I'homme qui avait d6fendu toute sa vie les liberties publiques, ne trouva rien de mieux que d'opposer A des concitoyens de haute valeur morale un tas de stipendies et d'immoraux qu'il fit Blire de force en violation de toutes les liberties publiques. N'est-il pas strange qu'une chambre 6lue dans de teller conditions, et don't le pouvoir est p6rim6 plus d'une fois par des revolutions protestant contre son election, soit apple A voter une convention affectant lI'nd6pendance du pays ? 27 - Cette chambre n6faste eut h 6lire en moins de deux ans Iquatre chefs d'Atat. Les procedes de gouvernement de Michel-Oreste rdvol- tUrent le pays et l'augmentation de la chert6 de la vie 1'exasp6ra. Le people, ne trouvant pas encore le sauveur qu'il cherchait, culbuta Michel-Oreste du pouvoir. Cette fois les revendications. populaires revetirent un caractAre plus Apre. Les Cacos, nouveaux Accaou, deman- .dlrent la vie a bon march ; et ils savaient que c'6tait pos- sible avec un peu de bonne foi et de desinteressement. De nombreux citoyens haitiens don't nous sommes, qui, eux, forment parties de l'Mlite morale du pays, pris de piti6 en presence de cette detresse national, s'empresserent d'accorder leur sympathie A l'homme qui, par son origine democratique et sa modestie toute paternelle, leur paraissait personnifier les aspirations et les revendications populaires et leur semblait destiny i venger la masse haitienne de I'injustice social don't elle est l'objet depuis tant d'annees. S'ils s'6taient trompds, ils le furent de bonne foi, et rien ne prouve qu'ils s'etaient tromp6s et que le resultat qu'ils esperent ne ffit au b6nefice reel du people, siles hommes du passe, ceux-lh surtout qui ont pris part A toutes les turpi- tudes qui ont amen6 la d6gendrescence politique, 6cono- mique et social du pays, ne s'etaient hAits de faire le coup d'etat des Gonaives, pour empicher le triomphe definitif de la cause populaire. * Ce coup d'6tat a ouvert la p6riode la plus critique de l'histoire politique, social et international d'Haiti, car il a eu pour aboutissement l'occupation violent de la Repu- blique parune nation 6trangere avec laquelle le pays n'6tait pas en guerre, et centre laquelle il n'avait aucun grief. Ce coup d'ttat ne pouvait ne pas Wtre fait, car le pro- gramme de la revolution de Ouanaminthe 6tait trop plein de 28 - revendications et comportait surtout, comme principal objet, le procds des assassins de Leconte; la vie A bon march par 1'emission d'une bonne monnaie ou la garantie du papier- monnaie par un stock d'or; enfin le triomphe d6finitif de la democratic par l'abolition de toutes les inegalit6s politiques, 6conomiques et sociales. Les hommes du pass se montrerent effray6s. Ils s'organiserent, firent une collect et envoyerent aupr6s du malheureux Zamor des 6missaires qui avaient pour mission de vaincre par la perfidie sa fiddlite a la revo- lution. Mais si Oreste Zamor avait des aspirations, il les avait bien subordonn6es au triomphe de la candidature de Dovil- mar Th6odore, car un homme digne de foi m'a r6vel ces paroles d'Oreste Zamor : 4 J,e suis encore jeune, certain hommes de Port-au-Prince me forcent & poser ma candida- ture A la PrBsidence. Je suis pourtant en faveur de la candi- dature d'un homme plus Ag6 que moi. ) Cet ami croyait que c'ftait de Fouchard que Zamor parlait. Je lui dis: Non, je connais le vieux don't il parole et je vous dirai son nom plus tard. Ce qui vient d'8tre dit est d'autant plus vrai qu'A une de ses visits & la prison de Port-au-Prince of j'6tais, j'ai entendu dire par M. Charles Zamor que son frere n'6tait pas son candidate A la Prdsidence. Ce qui prouve surabondamment que le malheureux Zamor n'6tait pas candidate, car comment veut-on qu'il ffit candidate alors que son frere avec lequel il vivait en parfait accord n'6tait pas avec lui. J'dcris ces pages au moment oC on c61bre, par une messe de requiem, le troisieme anniversaire des massacres de la prison, par l'ordre de Vilbprn Guillaume Sam. C'est pour moi l'occasion de dire qi/Oreste Zamor fut d'une grande noblesse d'Ame, mais il n'avait pas une base d'6ducation assez forte pour lui permettre de s'dlever au-dessus des pas- sions et des ambitions de certain de ces concitoyens. De ce qui vient d'etre dit il resort clairement que les hommes responsables du passe avaient un int6r&t evident A detourner la revolution de Ouanaminthe de son but'initial en 29 - la d6sagregeant. Ils y parvinrent. Et le pays connait les instigateurs. L'heure de I'expiation sonnera bientot. Le coup d'6tat accompli,' Oreste Zamor prit la route de ; Port-au-Prince et Dovilmar Theodore reprit celle de Oua- naminthe. Oreste Zamor, qui n'6tait pas le candidate du people, fut requ froidement a la capital. Les d6putes et s6nateurs hesiterent a se r6unir pour n'avoir pas a sanctionner ce crime. Ils furent recherch6s partout. On leur fit des pro- messes et ils c6derent. Oreste Zamor s'installa au [Palais National, non pas comme un chef d'Itat, mais comme chef de bande. II fut reconnu cependant apres par le gouverne- ment des Etats-Unis, ce qui lui permit de mettre la R6pu- blique au pillage une annee pr6s. Le pays, ddja affaibli par des luttes politiques et surtout par les measures financieres desastreuses des gouvernements precedents, allait 8tre plong6 dans la plus profonde misere. C'est sous le gouvernement d'Oreste Zamor que la guerre europ6enne, le plus grand de tous les dv6nements, a com- mence. Beaucoup de patriots haitiens 6taient alors en prison. Celui qui 6crit ces lignes a protest ouvertemeit contre la declaration de la neutrality d'Haiti, sachant qu'avec 1'appui de 1'Angleterre qui a l'empire des mers non seulement les Allies de l'Entente triompheraient, mjais qu'Haiti n'aurait a redouter, au course decette guerre, aucune action directed de l'Allemagne; et que ce serait l'oc6asion pour elle de se venger des humiliations subies d'elle. II a trouve strange que, pendant un pareil 6v6nement, le gou- vernement d'Oreste Zamor ait pu continue sa politique de violence, en conservant en prison des patriots qui auraient pu sugg6rer a son gouvernement de hautes idWes de renova- tion national. Car il est evident que si la Rdpublique d'Haiti avait declare la guerre a l'Allemagne, ce. gouvernement serait en droit de demander aux Allies leur concours qu'ils ne lui refuseraient pas et avec ce concours de toutes sorts des Allies donn6 au gouvernement de Zamor, les rvvolution- naires auraient mis forcement bas les armes, ou volontaire- - 30 - ment, car ils seraient assez perspicaces pour d6couvrir le vaste horizon qui s'ouvrirait pour leur Patrie qui se serait faite, des la premiere heure, l'alliee de puissantes nations civilisees. Mais les hommes du gouvernement de Zamor pouvaient- ils s'6lever a une si haute conception national, occupies qu'ils etaient A jouir et A maltraiter leurs concitoyens ? Auraient-ils le courage de faire table rase de ]a vieille poli- tique d'equilibre en presence de l'arrogance allemande et de sa certitude de la victoire definitive ? N'6tait-il pas au con- traire question sous ce gouvernement, pour repondre a la n6cessite de cette politique d'equilibre, de partager notre pauvre Patrie en plusieurs zones d'influences 6conomiques 4trangeres par le partage de nos douanes entire plusieurs grandes puissances ? * ** Apres le coup d'6tat des Gonaives, DovilmarThdodore mit tout son oigueil & triompher des felons de la revolution en acceptant des alliances qui etaient le contre-sens du pro- gramme de la revolution de Ouanaminthe-ar il ne s'agis- sait plus alors de sauver la r6publique, mais de se venger afin de sauver sa propre tate; et cette vengeance lui cofita cher.' Ce fut douze mois de lutte; plus de vingt millions de gourdes gaspillees; des fusillades, I'emprisonnement de ceux qui d6fendaient les aspirations du peuple;le pays affaibli au point de ne pouvoir attendre aucune rdforme profonde. Dovilmar Theodore triompha, mais ce fut au prix de 1'rpuisement complete du pays. Et les partisans de Zamor qui avaient la sympathie des ]tats-Unis et I'appui des Allemands ont tout fait pour ne laisser aucun espoir de salut au gouvernement de Dovilmar Th6odore. La Banque natio- nale lui ferma ses portes; une valeur de 500000 dollars en d6pot A cette Banque pour la reforme mondtaire fut trans. - 31 - port6e par un bateau de guerre des Etats-Unis & New-York. On lui ferma toutes les voies. Et Dovilmar Thdodore, homme faible, domino plutot par le sentiment, n'a pas su frapper de ces coups qui ressuscitent un pays... tpuisd a son tour par des tiraillements politiques que son caractdre ne lui permettait pas de dominer par la violence, il se laissa choir. Des hommes indignes, de vulgaires. ambitieux exploitant toujours l'ing6nuit6 de la masse qui continuait a demander A grands cris la vie a bon march, s'empresserent de s'offrir et vinrent placer au pouvoir le fameux Vilburn Guillaume Sam. La conspiration politique qui renversa a son tour Vilburn Guillaume Sam du pouvoir cofita cher au pays, mais elle fut salutaire; car cette election fut un des gestes les plus malheureux de la Republique. Cet homme ayant appartenu a& un passe odieux, et don't il fut un desacteurs les plus puissants, ayant Ut4 humilid en 1902 et 1904, nourrissant constamment des iddes de haine et de represailles politiques, ne manque- rait pas, si son pouvoir etait raffermi par l'aide du gouver- nement de Washington comme il en etait d'ailleurs ques- tion de faire de la R6publique d'Haiti un champ de carnage... Rosalvo Bobo, homme jeune, instruit, plein d'ardeur et de sentiments d'humanitd, vibrant de patriotism, nourrissant le rAve d'etre le rigendrateur de son pays, tentade recueillir la succession de Vilburn Guillaume Sam, mais ii buta contre intervention de Washington qui n'a pas permits une nou- velle consultation national, pourtant si n6cessaire aprds tant de secousses politiques. On lui prdf6ra un politician de carri4re. L'dlection prdsidentielle eut lieu malgrd la protestation des hommes senses du pays qui ont compris que rien de solide ne pouvait Atre 6tabli avec les anciens 1e6ments du passed. Mais Washington dtait press d'dtendre son ombre sur la R6publique de nagres des Antilles et de l'enserrer de ses ailes d'oiseau de proie. - 32 - Le gouvernement des ttats-Unis est done intervenu en Haiti & un moment oai ce pays se trouvait a un tournant decisif de son histoire. Vilburn Guillaume Sam reprdsentait 1 le dernier vestige du passe, et avec lui allaient disparaitre tous les supp6ts de l'ancien systeme quand l'intervention imposa I'election d'un chef d'Etat. Un chef d'Etat issu d'une chambre qui 6tait loin d'etre 1'expression de la volortA national et don't la personnalitd politique 6taitpresque ignoree du public haYtien ne pouvait pas etre favorablement accueilli par le pays. Ce ne pouvait etre d'ailleurs que l'expression de tout ce quele passe avait de malheureux. Et ce fut la cause de tous les tiraillements qui survinrent a la suite de l'occupation et don't le r6sultat a 60t une suite de coups d'dtat qui ont change toutes les institutions fondamentales de la Republique d'Haiti. Done depuis lors, ce pays vit sous le regime de la dictature derriere laquelle se cache le Cabinet de Washington. Et la raison puissante de cette election se trouve dans l'int6ret qu'a le gouvernement de Washington de nous ravaler, afin de prouiver aux autres grandes puissances que nous sommes incapables de nous Clever par notre propre action a la hauteur du self-govern- ment. La diplomatic des ltats-Unis a toujours A6t d'affaiblir les peuples qui sont leurs voisins imm6diats en entretenant 4ans leur sein des germes de troubles nationaux et en con- trariant les actes de leurs homes d'Etat qui leur parais- sent capable par des actes 6nergiques d'asseoir lear pays sur les bases solides de la prosp6ritd et de l'ordre, conditions indispensables de l'evolution des peuples. C'est la facon de montrer ; l'Europe que sans leur intervention la vie poli- tique, Bconomique et social de ces peuples est impossible. Mais nous esperons que ce jeu sera decouv'ertparles homes d'Etat de I'Europe, s'il ne l'est dejA. 33 , Les Ittats-Unis sont intervenus chez nous sans aucun droit, sans 6tre appeles par aucun parti politique organism, ni par aucun gouvernement -officiel. Ils ont occupy notre pays et nous ont impose une convention pendant cette occupation., Que diront les grandes puissances ? Nous n'en savons rien. Mais ce que nous savons pertinemment, c'est que, malgre les services rendus par les ttats-Unis A la cause des Allies de l'Entente, notre pays ne peut 8tre l'enjeu d'aucune combinai- son diplomatique, malgrd I'inf6riorit6 de notre race. Car ily a une these.des peuples inferieurs et des races superieures don't la grande guerre a commence a saper le fondement et qui ne tardera pas A s'6crouler avec fracas et au detriment de bien des peuples et des races pr6tendus supdrieurs. * Maintenant nous dirons, puisqu'une intervention des ttats-Unis :.tait arr8t6e et convenue, pourquoi ne s'6tait- elle done pas produite lors du coup d'Etat des Gonaives, alors que Dovilmar Theodore avait repris .la route de Ouanamintle et Oreste Zamor, traitre a la Revolution, pris celle de Port-au-Prince ? C'est qu'alors le pays n'6tait pas rompletement 6puis6 et que la guerre europdenne n'avait pas ete encore dcclar6e. Le gouvernement des tItats-Unis s'est montr6 partial en reconnaissant le gouvernement usurpateur de Zamor. Et, s'il lui avait dit : t Je ne puis vous reconnaltre, car vous ne repr6sentez qu'une parties de la revolution, I'autre est encore debout et reprdsentee par votre adversaire Dovilmar Theo- dore. Vainquez-le et retablissez la paix completement chez vous; alors je vous reconnaitrai et vous donnerai mon appui, , le gouvernement usurpateur de Zamor n'aurait pas tenu un mois apres ce language de Washington. Notre pauvre pays n'aurait pas souffert d'une terrible lutte intestine qui a durd pros d'un an, qui lui a cofit plus de vingt millions et qui 1'a 6puis6 profond6ment. II va sans dire que les autres grandes - 34 - puissances, par d6efrence pour le Cabinet de Washington, auraient suivi son geste en refusant de meme de reconnaltre le gouvernement de Zamor, sauf peut-6tre l'Allemagne qui n'a jamais reconnu implicitement la doctrine de Monroe, et don't la diplomatic tenait A faire 6chec A celle des autres, puissances. * L'intervention des ttats-Unis est loin done d'etre sincere, car, si elle l'6tait, son premier geste serait de consulter le people haitien sous l'6gide d'un gouvernement provisoire; et j'ose meme dire qu'ils auraient df placer un agent en Haiti qui aurait pour mission d'6tudier les causes de notre ddsagr6gation politique et social, et pr6sider purement et simplement a la r6organisation despouvoirs publics avec des elements sains et nouveaux. Mais au contraire, ce sont les hommes qui pr6cis6ment personniflaient le passe de toutes les injustices sociales qui ont eu a 6difier, avec- l'appui des baionnettes de l'occupation, un nouveau gouvernement, et par ce fait l'6lite morale de la nation se trouve une fois de plus 6liminde. Et cependant cette l6ite morale qui a lutte si longtemps pour la stability du pays existe plus que jamais, et elle oompte descerveaux assez puissants pour reorganiser le pays sur des bases essentiellement nationals en tirant ses resources de la vitality indpuisable du people des montagnes merveilleuses d'Haiti. Et qui done se permettrait de nous condamner irr6missiblement ? Notre seul crime est d'8tre une nation r6pudide de toutes les autres, comme si c'6tait une insult faite a elles toutes, en arborant notre drapeau national de people noir libr6 et ind6pendant. Car quels sont les points d'appui qu'une puissance 6trangdre nous a jamais donnas; quelle est l'aide sincere qu'elle nous a jamais offerte; quels sont les conseils, quelles sont les consolations qu'elle-nous a jamais prodigues ? Dans notre d6tresse, nous ffmes toujours livr6s A nous-memes; en proie aux sarcasmes, A la raillerie, tout en cherchant p6niblement notre voie de 35 - salut. Cette aide sincere pour nous permettre de nous clever par notre propre action, I'aurons-nous, ou devons-nous etre toujours tributaires, comme le sont d'ailleurs tous ceux qui appartiennent a notre race? C'est la question que nous venons poser aux hommes d'Etat des puissances lib6rales qui ont pris l'engagement d'affranchir le monde du regime de la force et de la violence partbut dans le monde. Et, comme l'a fort bien dit un illustre italien: a Un souffle de vie nouvelle agite le monde. Des frissons precurseurs d'une grande crise social et humaine s'unissent et se confondent avec le fremissement et les plaintes des peuples entrains dans l'6norme conflict ; et a travers les nuages dechir6s par explosion des obus infernaux, on peut deja entrevoir de nouveaux horizons; les premiers rejetons des verts prin- temps sociaux que la lutte titanique a rechauff6s et a faits dclore au soleil de ce troisieme fatidique printemps, serqnt en mgme temps la fleur et le fruit le symbol et la r6alit6, la palme de la victoire et la branch d'olivier de paix des peuples et des races. s Je souligne a dessein ces derniers mots. C'est done vers la reconciliation et la conciliation univer- selles que le monde march; la r6ciprocit6 de l'amour et des interAts. Et c'est a cette heure que notre pauvre Patrie serait I'objet de la plus injuste violence I * Maintenant nous demandons a M. Wilson: Quel est le crime que notre malheureux pays a commis pour se voir priv6 de la direction effective de sa destinee ? Emmanuel Kant a dit: Aucun etat ne doit s'immiscer dans la constitution et le gouvernement d'un autre 6tat. Par qui peut-il en effet y etre autoris6 ? Serait-ce par le scandal que cet etat donne aux sujets d'un autre etat? Nullement: bien au contraire, 1'exemple des grands maux qu'un people s'est attires par son absence de r4gles peut servir de lecon, et en g6n6ral le mauvais - 36 - example que donne une personnel libre a une autre personnel ne l6se pas celle-ci. Un people libre et independent doit pouvoir vaincre tous les obstacles qui s'opposent A la realisation de son bien-6tre et de ses aspirations nationals. Il n'est done permis A aucun autre de le contrarier pendant sa gestation, sous le pretexte que ses actes ne sont pas en accord avec les int6- rats ou les droits essentiels de cet autre people. C'est un pietre homme d'Etat que celui qui condamne les revolutions int6rieures. 11 y en a pourtant qui, tout en condamnant les revolutions chez les peuples faibles, font appel A la volont6 et a la liberty des grands peuples en vue de d4barrasser l'humanit6 des tyrans qui l'oppriment, impuissants qu'ils sont a intervenir par la force des armes chez ces grands peuples. C'est done une necessity pour un petit comme pour un grand people de faire des revolutions int6rieures quand elles sont necessaires pour les d6barrasser d'un regime qui est en retard sur son 6poque et qui, par consequent, paralyse 1'evolution g6nerale de l'humanit6. S'inspirant des doctrines d'Emmanuel Kant, M. Wilson a propose la paix perpetuelle entire les nations dans sa demand aux Allies de 1'Entente et a 1'Allemagne de leurs buts de guerre. Nous dtions sur le point de battre des mains et de nous proclamer grand prophete pour avoir etd peut- 6tre le premier a avoir 1'honneur de traiter M. Wilson de philosophy humanitaire dans une lettre adressee A un r6dacteur au ( Matin ) de Port-au-Prince, A l'occasion du fameux discours qu'il a prononce A Mohile, lorsque cc redacteur, critiquant ce discours, a parl6 de I'ombre am&- ricaine qui s'6tend sur les petits peuples de cet hemisphere. Mais M. Wilson, don't les idles changent au gr6 des interets materiels de son pays, et qui peut-8tre professe a la fois deux morales politiques et internationales, vient nous parler aujourd'hui du droit qu'a un people de procurer a un autre, en occupant son territoire, des chances de d6veloppement et de liberty. Cela prouve clairement que M. Wilson admet - 37 - la continuation de 1'exercice du droit de conquete, et de l'oppression des faibles par les forts. Cependant aucun principle de droit international et priv6 n'admet le change- ment de mains d'un pays quelconque libre et ind6pendant pour la seule raison que .ce pays a besoin d'un plus grand d6veloppement. Parti de ce principle de M. Wilson, il serait facile An'importe quel grand people de s'emparer d'un pays au moindre signe de fldchissement dans son regime politique, 6conomique et social. Le monde ne serait done jamais en repos. Non, M. Wilson, votre principle est faux et relive purement et simplement de l'ancien monde qui s'effondre actuellement. Il cache les desseins que votre diplomatic nourrit centre la vie ind6pendante des peuples qui avoi- sinent votre grand et puissant ltat. Nous le i~pudions et nous voulons croire aussi que tous les hommes d'Etat des nations libdrales le repudient comme une cause 6ternelle de perturbation international. C'est l'occasion pour nous de rep6ter les paroles de lord Asquith : a Il ne faut pas qu'a- ( pres cette grande lutte il existe dans le monde aucun germe a de trouble international D. Et que serait-ce si une nation avait le droit de s'introduire A tout bout de champ dans la vie d'une autre pour lui imposer sa fagon de voir ?... Et nous admettons que les nations qui luttent pour la liberty et le droit auraient forfait a l'honneur en manquant A leur promesse, c'est-A-dire en permettant la domination de certain peuples sur certain autres, ou.pour mieux dire en imposant h certain peuples faibles une direction poli- tique, ce ne pourra Atre que dans le sens de l'id6al de ces peuples, afin d'6viter le plus possible de les froisser dans leur orgueil national, leurs traditions, leurs moeurs, leur langue et leur religion. Et nous admettons encore qu'une tutelle soit imposee a certain peuples, meme apres le triomphe des nations lib6rales qui luttent pour leur libera- tion et leur libre d6veloppement politique, cette tutelle ne peut s'6tablir que de concert entire toutes ces nations libdrales, et par la nation don't les institutions politiques, les 38 - mceurs, la langue et en un mot la civilisation est la plus rapprochie du people don't 1'education politique laisse a d4sirer; c'est cette nation qui doit etre d6signie par la nature m8me des choses pour le diriger selon ses aspira- tions. Car il ne faut pas qu'aucune tutelle soit impose dans le sens des interets d'aucune nation, comme pour fagonner le people don't 1'education politique est a parfaire a des int6r8ts immediats et a des moeurs politiques et sociales en violation de son droit natural de vivre la vie civilis6e qui lui paratt la plus propre a ses instincts. C'est pour n'avoir pas voulu observer ces hautes considerations de politique international que l'Allemagne a pu ddchal- ner centre elle presque le monde entier. * * II va sans dire qu'au triomphe des puissances libdrales 1'6quilibre du monde sera rompu au prejudice des nations dites Centrales, mais cet Aquilibre ne saurait etre rompu au detriment d'aucune des puissances lib6rales au point de voir l'une d'entre elles chercher & andantir l'influence civi- lisatrice de l'autre en occupant ou voulant occuper un pays ,ou cette influence civilisatrice s'est deja implant6e. Les peuples qui sont encore domin6s et les peuples indd- pendants don't l'education politique est a parfaire doivent 8tre diriges de telle facon que, si un de ces peuples atteint un degr6 d'6ducation politique tel qu'il puisse se passer du concours d'une puissance tutdlaire quelconque, il faut que tout ce que ce people a acquis de civilisation soit, dans la measure du possible, do a son fonds propre. Tout ce que nous venons d'admettre n'est d'ailleurs que pure hypoth4se, car il vaut mieux que les petits come les grands peuples cherchent eux-memes leur voie au prix de tous les revers possibles, int6rieurs et exterieurs. -39 - * Notre existence de people libre et inddpendant date d'un siecle. Ce n'est pas enun si court space de temps que-peut se former la conscience national d'un people. La grande Allemagne n'a vu sa conscience national se former qu'aprds le revers d'Ilna. La France, qui est aujourd'hui la plus puissante nation morale du monde, a pris des sickles avant de bien com- prendre l'id6e de Patrie. Elle est restee jusqu'a Richelieu avec des notions imprecises de patriotism. Lincoln, poursuivant la guerre de Secession A outrance jusqu'a 1'6puisement du people des ttats-Unis, a resolu le probleme de l'unit6 politique de ces fItats. Done le droit qu'a tout people de vivre sa vie est un droit absolu que les nations lib6rales qui luttent maintenant pour le droit inte- gral ont pour obligation de faire respecter m6me par I'usage du canon. Car, comme l'a fort bien dit le grand philosophy frangais : Le canon est le serviteur de la pensee. Nous attendons done avec siernit6 le jour ou le droit uni- versel sera, selon la noble expression de M. Viviani, implants dans le monde. C'est, je crois, le meme M. Viviani qui a dit aussi qu'il n'y a pas de fatality historique qui ne puisse 6tre redressee par le courage et la volonte. * a Que les diverse nations, dit M. Wilson, adoptent la doc- a trine du president Monroe comme la doctrine du monde : a qu'aucune nation ne cherche a imposer sa politique & un a autre pays, mais que chaque people soit laiss6 libre de a fixer lui-meme sa politique personnelle, de choisir sa vie a propre vers son d6veloppement, et cela sans que rien le a gene, le moleste ou l'effraie, et de fagon qu'on voie le petit u marcher c8te A c6te avec le grand et le puissant. j - 40 - Nous avons tellement bien compris la doctrine de Monro6 que nous avons intitul6 une brochure que nous avons 6crite en 1901 : La doctrine de Monro6 ou le droit natural des peuples ,. Nous n'avons done pas attend que M. Wilson proposit de faire de la doctrine de Monroe la doctrine du monde pour I'interpr6ter dans le sens le plus absolu de l'ind6pendance respective des peuples, et j'ose meme dire des continents. Le president de I'Uruguay vient de proposer que tout pays americain qui, en defense de ses droits, se trouve en 6tat de guerre avec une nation d'un autre conti- nent, ne sera pas consid6r6 comme belligerant. La doctrine de Monroe, dans le sens de son application aux autres peuples du continent americain, doit etre fondue sur l'int6rft qu'ont tous les peuples am6ricains de conserver intactes leur liberty et leur independance respective, de fagon qu'aucun droit particulier d'aucun people americain, quelque puissant que soit ce people, ne puisse pr6valoir centre aucun autre. De cette facon, l'existence de ce conti- nent sera assuree d'une fagon collective, sur un pied d'dga- lite absolue. C'est d'ailleurs ce que j'avais pens6 lorsque j'6crivais dans ma brochure de 1901 les pages suivantes qu'on me permettra de reproduire :. L'6quilibre americain est bien dtabli; il suffit seulement de le sauvegarder en a formant un congres pour determiner les drorts respectifs. Tous les peuples de l'Amerique ont des aspirations qui (i leur sont personnelles et qui ne peuvent etre satisfaites a que par leurs propres actions respective. Et, en vertu c mcme du principle de Monroe, ils auraient le droit d'en a appeler a la raison et A la justice humaines, si les 1tats- c Unis du Nord, par un amour insens6 de conqufte, devaient a porter atteinte a leurs droits. Nous croyons avoir dejh dit ( que l'Europe est impuissante a s'opposer aux vues des E ltats-Unis sur quelque terrain que ce soit, mais il ne doit ( pas Rtre dit pour cela que le bon vouloir doit etre la seule ( rigle de leur conduit. Cette grande nation possede dans a son sein trop d'hommes de valeur, tant au point de vue 41 - c politique que philosophique, pour ne pas comprendre qu'il a y a une borne a la gloire. Et, en admettant meme qu'elle c devrait franchir cette borne pour donner libre court s A son a ambition, il ne sera pas dit non plus qu'elle ne trouverait a jamais sur son chemin que des fleurs a cueillir et des a lauriers A recueillir. , c( Car le jour of les R6publiques hispano-am6ricaines a prendront au s6rieux leur r8le, elles seront i meme ( d'opposer une borne a toute vell6it6 de conquete de la c part des Itats-Unis, si toutefois de pareilles 6ventualit6s devaient se produire. Mais les ttats-Unis ne donneront a jamais a l'Europe un tel spectacle, pour peu que ce pays a soit toujours gouvern6 par des hommes semblables par a leur jugement, leur profondeur de vues, a ceux qui le a gouvernent en ce moment. (1902). a Car c'eft Rtd I'occasion pour quelques peuples de a l'Europe d'intervenir isol6ment en AmBrique, et de faire c subir a la puissance des Etats-Unis un 6chec peut-6tre c irreparable. Quoi qu'il en soit, on persist toujours Apreter c a ce people des iddes de conquete que malheureusement ii c n'a que trop justifies par ses publicists et par ses ten- a dances agressives centre l'ind6pendance de certain c peuples de I'Amerique. La doctrine de Monroe, dit-on, a implique l'idde de conquete sous la forme d'une protec- a tion ddsinteressee. En ce cas le devoir des peuples qui c habitent collectivement l'Am6rique avec les Etats-Unis a est d'interprdter cette doctrine dans le sens de leurs c nationalit6s respective. M. Monroe n'a point du tout eta- c bli sa doctrine dans un sens exclusif, car pour etre citoyen c des Etats-Unis il ne cesse pas d'appartenir au continent a amdricain; et, en posant son grand principle : L'Amd- a rique aux Am6ricains, il a certainement entendu par lA : a Le continent am6ricain aux peuples de l'Amerique. Et c c'est ainsi que le comprennent les homes d'itat s6rieux c des ttats-Unis. , a Dans une tell vue, tons les peuples de I'Amerique se 42 - ( trouvent dans l'obligation d'adhdrer a cette doctrine qui < est la sauvegarde meme de leur ind6pendance respective. a Done le sens nature de la doctrine de Monroe est : Les a Etats-Unis aux habitants des Etats-Unis; le Mexique aux a habitants du Mexique et Haiti aux Haitiens, etc., etc. a La doctrine de Monroe ne rejette pas cependant fid6e s de toute association politique entire les peuples de 1'Am- a rique en vue du d6veloppement de leurs int6rfts collectifs. a Au contraire, le principle m6me de cette doctrine implique 1 I'id&e d'une vaste combinaison politique et commercial K qu'il serait aisd de former si les Etats-Unis n'avaient pas K inspire une sorte de terreur meme aux plus optimistes, K par leur velleitd de conquete. Leurs journaux parent a insolemment de la conqufte des Antilles; de ]'occupation a des points strategiques de 1'Ame'rique, comme si, pour une a defense commune, tous les peuples de l'Amerique n'4taient a pas capable d'action. Et il y en a qui sont maintenant ( dans un ktat d'inferiorit6 assez notoire pour n'en pouvoir ( attendre aucun concours efficacy, mais il suffit de les ( encourager par des conseils pour les voir apres se r6veil- a ler de leur lethargie ct devenir des peuples serieux. C'est , bien l le rl1e des Etats-Unis : cclui de donner des con- a seils de sagesse, de prudence et de patriotism aux autres a peuples de 1'Amerique, au lieu de les insulter A tout bout a de champ, et de songer a en fair des pendants a leur I puissance deja trop 6norme. C'est done sur le terrain 6co- a nomique que les ttats-Unis doivent songer a etendre leur u puissance. Ils n'ont qu'k le vouloir pour faire du continent a ambricain tout entier leur marehe exclusif. Les Etats-Unis a n'ont rien perdre et tout A gagner par extension paci- a fique de leurs intreits kconomiques, ce qui pourra facile- a meant s'obtenir par des concessions mutuelles. L'empire a des Etats-Unis est presque aussi vaste que 1'Europe, u qu'ont-il's besoin encore d'6tendre leur territoire ? Ils a auraient di avoir pour mission au eontraire de defendre 43 - les droits des peuples faibles; car une nation qui se trouve a dans les conditions d'existence des Etats-Unis peut tout a oser de ce qui est grand et genereux. Les Etats-Unis n'ont SA diriger aucun people. Ils doivent r6pudier tout ce qui ( peut porter atteinte aux droits et A l'independance des autres. Ceux qui veulent mettre en pratique la theorie des a grands empires sont les instruments de leur propre' perte. Les grands empires, c'est la mort des nationalities, a c'est le crime, c'est le despotisme, c'est 1'absorption de toutes les vertus et de tous les vices dans un grand tout ( sans cohesion mutuelle, ce qui produira tot ou tard ( comme resultat la negation de puissance innee et defen- a sive. Toute nation privie de principle mere est appelee A i perir, et la theories des grands empires est la negation ( absolue do tout principle mere. Les Etats-Unis ne peuvent , pas, apres avoir fonde Ie plus grand Empire domocratique a que le monde ait jamais vu, aspirer a la domination uni- , verselle : c'est une chose qu'ils savent Wtre centre la loi a naturelle. Ils n'ont aucun interSt A courir apres ces grands < disastres qu'ont connu tous ceux qui ont obei a une t< ambition dtmesurde; et ils ne peuvent pas, apres avoir ( fond leur ind6pendance aux prix do tant de douleurs, ( rover d'user de leur puissance pour asservir la liberty et ( l'ind6pendance d'autrui. Sans doute la civilisation, le a temps n'ont d'autre but que l'unitO des peuples, mais a cette operation naturelle consommera encore bien des a siecles avant do devenir une realite, et tout people a qui veut devancer l'action du temps est appeld A porir ( immanquablement. (( Chaque people, quelque petit qu'il soit, a un caract6re a special. Il y en a qui sont plus avane6s les uns que les ( autres dans le vice, don't les moeurs sont pourries et qui ( portent dans leur sein un germe destructeur, et vouloir ( absorber dans un seul tout tant d'616ments divers et de < nature si mauvaise, c'est courir le danger bien grave r d'8tre absorb soi-meme par I'an6antissement du principle 44 - ( vital que tout people porte en soi. Nous sommes amene c ici A citer un passage du celebre ouvrage de M. D. Delorme: c Les peuples ne se forment pas par I'aveugle action du c hasard. II y a des raisons intimes d'histoire, de sang, de c langue, de traditions, qui forment ce qu'on appelle une c nation. Quand on violent toutes ces raisons pour c assimiler des peuples strangers a une seule et unique c administration, ils semblent plier d'abord; mais c'est pour ( se ramasser I'instant d'apres et recouvrer la 16gitime c ind6pendance qu'ils tiennent de ]a nature des choses. c La th6orie des grands empires et la thborie socialist de c negation des frontieres, quoique de nature different, c concourent cependant au meme but. Non, c'est une chose c qu'il faut conserver que les nationalists; les nationalities ( sont des personnalites qu'on ne peut tuer sans commettre c un crime de 16se-humanite; non; c'est une chose qu'il , faut conserver que les frontieres; les frontieres sont, comme A l'a si bien dit un homme d'Etat franhais, des coupures c dans la chair des nations c. * M. Th6odore Roosevelt, un des hommes d'Etat les plus sinceres de notre dpoque, a dit ces cel6bres paroles : ( Un individu pas plus qu'une nation n'a le droit de se sou- mettre A l'injustice c. Et le parti republican don't il est, et qui recele dans son sein des homes politiques moraux, se prepare sans doute & redresser tous les torts qui ont 6t6 commis envers les autres peuples de ce continent par le gouvernement de M. Wilson. C'est done vers ce parti que les peuples faibles opprim6s de l'Amerique doivent turner leurs regards. C'est done le triomphe de ce parti qui doit amener aussi le triomphe de la justice dans les relations internationales des Etats-Unis et des autres peuples faibles de cet hemisphAre, et le debut d'une ere nouvelle de solidarity interamericaine. 45 - Le people amdricain, en 6lisant un chef de 1'Etat dans les conditions prescrites par la constitution des ltats-Unis, se repose entierement sur lui du soin de conduire ses destinies. Et il suffit d'un discours, d'un message de ce chef d'Etat pour qu'il ait des indications n6cessaires a asseoir son juge- ment. Ce n'est pas une champagne de press parfois int6res- s6e qui est capable d'alt6rer ce jugement. Ses yeux sont fixes sur la Maison Blanche d'o6 on attend le mot d'ordre. C'est que la politique gdn6rale des Etats-Unis est prdsiden- tielle. Je ne sais qui a dit que la parole a 6t0 crd6e pour permettre a l'homme de deguiser sa pensee; c'est done par les actes qu'on doit juger un homme d'Etat et non par la parole. Les actes de M. Wilson ne nous permettent pas jusqu'ici de le considerer comme un chef d'Etat voulant r6ellement le r6gne d'une justice international gale pour tous les peuples et toutes les races. M. Wilson a pu concentrer tous ses efforts dans le sens des intd6rts imm6diats de son pays, mais il a manqu6 de tact dans son appreciation des affaires interna- tionales. Et si aujourd'hui il se montre plus ou moins assagi, nous devons ce changement au choc des dv6nements qui se se sont d6roul6s et qui ont quelque peu d6rout6 ses calculs. 11 a failli compromettre l'avenir de son pays pour avoir voulu peut-6tre trop bien le servir, et il a, par ce fait, froiss6 bien des grands peuples et humili6 bien des petits. C'est done comme politician d'affaires qu'il a envisage, au d6but, les grands 6venements qui s'accomplissent actuelle- ment. Le partage, par example, des peuples faibles ferait bien ses affaires. L'ind6pendance morale des peuples qui fait qu'une nation consid6re comme une offense toute atteinte portie aux droits d'une autre, il n'en avait cure. Pour n'avoir pas compris ce qu'une nation, quelque puissante qu'elle soit, doit de respect a une autre, quelque faible qu'elle, soit, M. Wilson a fait envahir notre territoire durant la nuit, sans declaration de guerre. La violation de la Belgique ne pouvait exercer aucun effet moral sur cet homme; car, s'il - 46 - n'6tait pas dans sa pens6c de fair la meme chose dans la sphere qui lui est propre, il aurait, au d6but de la grande guerre, protest centre cette violation, ce qui aurait 6par- gn6 a l'humanit6 bien des vies humaines et.des crimes qui effraient I'imagination. * Lorsqu'une nation viole les droitsd'une autre, lespeuples libres ont pour devoir, alors mmme que leur signature n'est pas foulee aux pieds, d'accourir au secours de la victim, sans consulter leurs intdrits, car la violation des droits d'une senle nation est la violation des droits de toutes, mime de celle qui a commis ce crime. Une nation qui viole les droits d'une autre crie parfois un precedent qu'on pourra invoquer un jour centre clle-mime. L'Angleterre restera eterncllement grande a l'occasion de la violation de la neutrality beige. Et,' mme que cette inter- vention de l'Angleterre ffit dict6e par ses intricts, ellc n'a pas moins donn6 l'exemple d'une action de haute morality en pregnant la defense d'un peuple faible. Et cette action de de la noble Albion a posd a jamais les bases d'un monde nouveau. Quant a nous, nous avons la conviction profondo-que les nations lib6rales qui luttent pour le rigne du droit et de la justice r6gleront la question haitienne qui fait aussi parties des questions internationales. Car 1'occupation du pays a et6 faite a un moment de trouble international. Aucun trait liant ce pays A un autre ne peut avoir de valour internatio- nale a un moment surtout ofi tous les traits internationaux sont consid(res comme caducs et les grades puissances pri- v6es de leur libertO d'action. M. Asquith a dit: ( Que la guerre soit longue ou court, nous ne nous arreterons pas en course de chemin, nous ne s faiblirons pas avant d'avoir affranchi le monde entier du a regime de la force. M. Asquith a encore dit: a Dans cette 47 - alutte nous sommes nonseulement des champions des droits s et des traits, mais de l'independance et du libre deve- c loppement des pays les plus faibles )). cc Ce n'est pas l'int- a rft de tel ou tel people, a dit I'honorable M. Bourgeois, c mais l'interft common de tous les peuples que la con- c science humaine voudra faire triompher : et qui dit int6- a rets commune de tous les peuples, dit par l1 m&me droit c commun h tous les peuples grands et petits, considers a comme des 6gaux. C'est ce droit commun qu'il s'agira de a d6fendre et de fonder. II faut done que toutes les questions internationales soient reglees au Congr6s de la Paix, pour qu'apr6s cette guerre aucune voix discordante ne vienne trouble les nations qui ont vers le plus pur de lenr sang pour la foundation d'un monde nouveau. 11 faut que cc soit reellement le r6gne de Diou qui arrive, c'est-h-dire : I'empire de l'Esprit sur la matiere... 11 n'y a pas de doute que notre voix ne soit entendue des Asquith, des Briand, des Lloyd George, des Viviani, des Balfour, des Clemenceau, des Sonnino et surtout de tous les homes d'Etat des peuples faibles de 1'Europe et du rest de l'Amcrique, et d'autres illustres membres des Parlements de l'Angleterre, de France, de l'ltalie qui se sont toujours fait entendre en faveur de la defense des faibles. . Nous avons essay do prouver que seule la lutte pour l'hdgemonie a pu justifier I'action des Etats-Unis en Haiti, mais qu'aprls la victoire des nations libdrales, toutes lea raisonsd'intervention des l~tats-Unis seront 6vanouies. Cette intervention a eu lieu A un. moment ofi les trois quarts du monde croyaient a la victoire de l'Allemagne. Les grandes nations lib6rales, menaoes dans ce qu'elles ontde plus cher en Europe, ne pouvaient que former les yeux sur ce qui se passait dans le rest du monde. Et d'un autre c6te le sens de la guerre n'6tait pas encore nettement d6fini; il n'etait 48 - done pas de leur int6rit de protester centre un acte des Itats-Unis qui devait indisposer 1'Allemagne contre eux; Nous avons lu beaucoup de r6velations apres l'intervention am6ricaine sur les intentions de l'Allemagne A l'6gard d'Haiti; mais aucune d'elles ne nous a 6tonn6; car nous savons et tous les Haitiens savcnt que le ministry allemand en Haiti s'est pr6sente un jour au Palais National pour demander la part qui doit choir au puissant Empire alle- mand, dans le partage de la Rpublique d'Haiti en plusieurs zones.d'influences 6conomiques 6trangeres, ce qui suscita I'indignation de tous les Haitiens patriots. Entre autres, celui qui 6crit ces lignes a eu a declarer ouvertement que si ]a situation d'Haiti est telle qu'il faille absolument la direc- tion de 1'6tranger, cette direction ne doit en aucune fagon 6tre collective, mais unique. Et avec sincerity, sans animo- site aucune centre aucuie grande puissance europeenne, lui surtout don't la second Patrie est la France, il a cru devoir eclairer sqs concitoyens en essayant de prouver la necessity pour eux d'adopter une nouvelle orientation dans I'ordre international; ce qui lui a valu d'etre trait, par des Haitiens peu eclairds, d'annexionniste. Nous avions sincere- ment cru alors que les intentions du Cabinet de Washington a notre regard seraient favorables a nos aspirations de people libre et ind6pendant, et nous n'etions pas loin d'admettre une intervention pacifique du gouvernement des tItats-Unis, ayant pour objet la reconciliation de la famille haitienne par la formation d'un gouvernement nettement national, don't les pouvoirs seraient exerces sous l'6gide de cette interven- tion temporaire. Et, mime dans le cas, qui s'est d'ailleurs produit, of le gouvernement des lItats-Unis devait intervenir par la force, tout ce que ]'humanitU, ou pour mieux dire la civilisation, etait en droit d'attendre de lui, c'6tait d'y inter- venir comme mediateur, pour se rendre compete des griefs respectifs des parties en presence, afin de les reconcilier sur le terrain de leurs aspirations et de leurs int6rits communs. Mais, au lieu de cela, que voyons-nous? Nous voyons so - 49 - renouveler les memes scenes du passe; c'est-a-dire : 'assas- sinat, la dilation, 1'6rection des instruments de torture sous forme de prisons; plus de mille families jetees sur le pave, sous pr6texte d'6conomie; des citoyens de valeur humilies, sans tenir compete de leur passe honorable et respect. Et sous pr6texte de donner du travail au people, tous les reve- nus de la R1publique employes a des travaux derisoires qui n'ont aucune valeur pratique. On s'est empress de s'em- parer de nos douanes avant qu'aucun traits, qu'aucune convention soit intervene. Notre liberty de disposer comme bon nous semble de nos revenues offusquait Washington. Un people de race negre n'a pas le droit d'avoir l'autonomie politique, 6conomique et financiere. Un miller de nos concitoyens furent massacres sous pr6texte qu'ils continuaient h trouble la paix publique. II faut que l'ordre regne A Varsovie ; et il y regne. Parmi ceux qui 6chapperent aux massacres comme Cacos, il y en a qui se rendirent en France oui ils sont on train de se signaler dans les tranchees. * M. Wilson a dit: ( Nous sommes au commencement d'un age of les gouvernements tout comme les individus doivent 6 etre tenus responsables de leurs actes. M. W. Wilson est done tenu pour responsible devant le monde civilis6, le people des Itats-Unis et celuid'Haiti, de l'arbitraire des actes de ses agents en Haiti. II a done a repondre de ces actes devant le tribunal des Nations. Un journalist des titats-Unis a eu l'imprudence d'6crire en pleine guerre europeenne qu'Ilaiti est le seul pays du monde oa le negre command le blanc... C'est l8 qu'il faut cher- cher la raison de I'action violent, d6daigneuse, inhumaine, attentatoire aux droits sacris de la Republique d'Haiti, A l'independance int6grale, du gouvernement de M. Wilson; de telles paroles sont une insult d la race noire toute entire qui a pu voir dans le drapeau haltien le symbol de ce que - 50 - sera son avenir : 1'galit6 entire elle et les autres races. Et si comme on le dit, la France est pour quelque chose dans l'action violent du gouvernement de M. Wilson en Haiti, ce geste restera comme un des plus malheureux de ce noble pays. Car plusieurs millions de noirs font parties de la nation francaise. Cette nation a done pour devoir d'6viter tout geste devant contribuer a l'humiliation d'une race qui la considere comme le foyer d'oil elle doit tirer tousles elements definitifs de sa redemption. A l'avenir, la race noire sera l'allide naturelle de' la noble nation francaise. Haiti de son c6te a souffert pour la France apres la guerre de 1870-71, A cause de ses manifestations en faveur d'elle. Elle s'est encore manifest6e en faveur de cette nation le jour du depart des soldats frangais, en 1914, manifestations qui 6taient consi- der6es par les Allemands de Port-au-Prince comme une pro- vocation. Mais il faut reconnaitro en conscience que le zBle des Haitiens qui no pensent pas s'est quelque peu refroidi pour la cause frangaise apres I'intervention violent des Itats-Unis en Haiti. Et le decouragement s'est empar6 presque de tous les Haitiens apres ]'entree de ces I~tats dans la guerre europeenne . . De qui done le gouvernement de M. Wilson a-t-il requ la mission de nous donner une legon de conduit, quand en aucune maniere nous n'avons port atteintd aux droits, aux interets et A l'honneur des Etats-Unis et d'aucune autre nation? Serait-ce A cause de la France? Le people haitien, dans un ddlire de colere et de vengeance, s'est pr6cipite sur la l6gation de France pour se faire livrer 1'ex-president Vilburn Guillaume qui venait d'ordonner le massacre des prisonniers politiques. Ce qui fut fait au cri de : Vive la France. Et au dire mmme d'un Frangais, ancien com- battant de 1870, M. Ferdinand Saint Gerand, ce fut avec le plus grand respect que le people s'est present A la ligation de France. La lgation n'a oppose aucune resistance, et Vilburn Guillaume fut pris. Comme consequence de cet acte, 51 - le president de la Republique d'Haiti, M. Dartiguenave, se rendit a la ligation pour y apporter l'excuse du people haitien..Done pour la France l'accident est considdr6 comme clos par les Haitiens celairds. C'est done en raison de la doc- trine de Monroe que nous sommes dominds en Haiti, mais au dire meme de M. Wilson cette doctrine a cess6 d'8tre am6ricaine pour devenir celle du monde, car elle signifie : Le droit de tous les peuples a l'indppendance respective... Qu'on le sache bien, des voix haitiennes et avec elles toutes celles qui sont 6prises de l'idee de justice et du droit inte- gral ne so tairont point tout le temps que les grandes nations libdrales resteront sourdes a leur appel a la justice. Et ce constant appel a la justice ne sera pas moins une cause de perturbation pour le repos du monde. Car l'instabilit6 d'exis- tence de l'infiniment 'petit a autant de consequence morale que l'instabilite d'existence de l'infiniment grand. Mais, nous n'avons pas le droit de desesp6rer quand nous entendons des voix comme celle de l'illustre ministry italien M. Phillipo Meda d6clarer : I II faut desormais 6 dcouter les voix de la nature, qui ne sont pas moins impd- a rieuses lorsqu'elles reclament les droits de l'homme; il faut c donner A chaque 6tat les conditions essentielles de son c inddpendance et de son d6veloppement. Or toutes ces conditions nous manquent, puisque nous sommes lies forc6- ment par une convention qui fait d6pendre toutes nos con- ditions politiques, financieres et 6conomiques d'un president d'Itat stranger; quand nous sommes lids par une conven- tion qui nous impose une vie politique contraire A nos tra- ditions, a nos moeurs et ii nos habitudes. On a m6me essay de substitute A nos affiches de langue frangaise des affiches de langue anglaise. Les, costumes de nos forces nationals avec leurs parements ont Ut6 remplacds par les costumes des forces des Etats-Unis. Un bataillon de la r6forme mili- taire qui devait servir de noyau a la future arm6e haJtienne, a 6t0 brutalement congddie apres une belle revue. Un corps de musique qui dtait l'orgueil de la nation a Ut6 dissous et 52 - son chef, une des gloires nationals, mis sur le pave. Aucune publication de compete. L'intervention violent dans les affaires privees, sous pretexte de sauvegarder l'ordre. Le non payment des int6rAts et de l'amortissement de nos dettes publiques. On pousse le pays a la faillite national pour s'acIuerir des droits a une domination illimitee. En un mot, la negation de toute la vie national haitienne est l'objectif du gouvernement de Washington. Ce sont l des procedes qui relevent de l'ancien systeme du monde. Aujourd'hui que nous sommes A l'aurore d'un monde nouveau et que les nations liberales ont jur6 de lib6rer le monde entier du regime de la force, aucun people ne peut etre violent, m8me dans le sens de son bien-Atre materiel. Car, comme l'a fort bien dit M. Viviani, le bien supreme n'est pas la vie, mais l'honneur pour les individus, et I'independance pour les nations. * Qui efit cru qu'une nation d6mocratique, r6putee humaine et g6nereuse entire toutes, s'ingenierait a 1Pabaissement et par consequent A l'andantissement de 1'elite morale d'un pays, afin de detruire tous les 6elments de sa fierte natio- nale, de fagon que la masse du people puisse m6connaltre a jamdais tous ceux don't le savoir, I'intelligence et la bonne foi auraient pu non seulement reconstituer la nation hai- tienne sur de nouvelles bases, mais encore lui servir de sen- tinelles toujours prates a defendre les interets matdriels et la cause de l'ind6pendance national. Non I les nobles nations lib6rales et meme la parties saine des ttats-Unis ne peuvent se preter a ce jeu. II ne faut pas que l'histoire puisse dire 'que, sous pr6texte de mettre de l'ordre dans un petit pays, les lAtats-Unis s'y sont implants au prix de l'honneur, de la liberty et de la bourse du dit pays, avec l'intention de s'y dtablir delinitivement. Non, notre vie national ne peut etre an6antie parce qu'ii une p6riode malheureuse de notre histoire, nos diri- - 53 - geants ont manqu6 du sens de l'ordre, de la liberty et de la justice social; parce qu'une parties de 1'elite intellectuelle a failli dans la noble mission de diriger les destinies du pays, en donnant l'exemple des fortunes illicites, et par 14, con- tribu6 au relAchement des mceurs politiques et sociales Nous reconnaissons done avoir commis des erreurs et avoir meconnu les vrais int6rets nationaux, dirig6s que nous 6tions par cette parties de l'elite qui avait, en quelque sorte, ferm6 toutes les avenues du pouvoir aux hommes de bonne foi de ce pays. Mais c'est A l'Nvolution politique et social seule A rem6dier a nos maux c'est h elle qu'il appartient de faire disparaitre toutes les formes d'in6galitis politiques et sociales, et non pas A I'action violent d'aucune nation 6trangere, car les raisons de vivre d'un people ne doivent 6tre discuties que par ce people. Intervenir chez une nation pour lui imposer un mode de vie qui ne d6coule pas de sa volont6 est un acte intolerable qui ne tend A rien moins qu'A d6truire l'essence meme de sa nationality; tentative 6ph6mbre don't la repercussion est toujours dangereuse pour l'avenir meme de la nation qui s'en est rendue responsible. Et ce qui revolt d'autant plus la conscience national haitienne, c'est qu'au moment of les actes les plus contraires A l'independance d'un people se commettent en Haiti, M. Wilson couvre d'or et comble de sollicitude la Russie revolutionnaire, oi toutes les scenes de carnage se sont donn6 course. Et pourquoi donc une tell inegalite de trai- tement? C'est parce que Haiti est un people faible. M. Wilson et son parti n'echapperont done pas A la respon- sabilit6 d'avoir abus6 de la force pour humilier un people faible. Franchement il serait trop strange qu'au moindre geste d'ind6pendance d'un people, il s'en trouvAt un autre pour s'introduire chez lui avec des gendarmes. Dans une tell condition, la vie ind6pendante des peuples deviendrait impossible, quand on songe surtout que chaque people doit 54 - manifester sa volonti de mieux-Atre politique et social, sui- vant ses mceurs et les affinites de sa race. * Toutes les grandes nations, tous les petits et grands peoples ont commis des horreurs : des reines et des rois sont months sur 1'echafaud; il y a eu des assassinats politi- ques; des empoisonnements ; des d6efnestrations de rois, de reines, d'ambassadeurs; des meurtres de ministres et de pauvres femmes innocentes. Quel plus grand crime que 1'assassinat de John Brown; et, s'il y a un acte qui r6volte la conscience universelle, c'est bien le lynchage de mal- heureux noirs sans defense, cc qui est aussi une forme de guerre civil, et cependant quelle est la puissance, quelque forte qu'elle soit, qui se permettrait d'en demander raison, au nom de l'humanit6, au people des Etats-Unis?- On doit remarquer que tous les crimes que nous venons d'dnumerer sont des crimes d'avant-guerre. HNlas! I'horreur partout, mnme chez les meilleurs ; Toutes les grandes mains, h1las de sang rougies, a dit le po6te. Ce sont les crimes de toutes les nations et de toutes les races qui ont amen6 le grand am6ricain Herrick a affirmer: , qu'il y a dans toute race, toute nation des examples a affin6s de l'instinct barbare, de la philosophic barbare de a la vie; il connait, affirme-t-il, personnellement un grand , nombre de barbares, la society amdricaine en pullule, et la , connaissance qu'il a d'eux, de lour force et de leurs limi- a stations, lui permet de comprendre les Allemands modernes a tels que cette guerre les rv6le, des gens et un people qui c ne connaissent pas l'id6al de goft, d'honneur, d'humanit6, a les valeurs que les non barbares rdsument dans l'expres- a sion : a dignity morale ,. - 55 - * Comme la Serbie, avant-t'avinement de la dynastie actuelle, Haiti a eu le plus souvent des dirigeants corrompus et corrupteurs. Et le people, sachant apprdcier les bons gouvernements, a compris qu'il etait tromp6 en vovant augmenter chaque jour'ses charges. De la la facility avec laquelle cc bon people a suivi certain sp6culateurs politiques, durant ces dernieres ann6es. 11 est done loin d'etre rdfractaire ai la stability poli- tique et social, consequence directed de la liberty dans l'ordre. Done la cause de sa turbulence reside moins dans son atavisme que dans la mauvaise foi de ses gouvernants. Et par le faith que le pays a pu avoir de bons gouverncments, quelque 6phidmres qu'ils aient 6td, il resort done qu'il y a de bons 6elments don't le triomphe ddfinitif devait decouler de I'impuissance dans laquelle allaient se trouver les politi- ciens vdreux a s'emparer du pouvoir. Nous etions a la veille de cette transformation politique, quand sont apparus les agents de M. Wilson. II resort done de tout ce qui vient d'etre dit, que la situation du people haitien durant ces dernieres annees est due A tout un con- cours de circonstances d6pendantes comme aussi indepen- dantes de la volontd de ses gouvernants. Entre autres, la menace constant d'une doctrine don't l'interpr6tation abu- sive par certain homines du Nord de I'Arnmique montre manilestement I'intention de fair du reste des habitants de 1'Am6rique des assujettis, est aussi une des causes de notre instabilitO. C'est bien cetle doctrine telle que la veulent les imperialistes du Nord qui a fait le plus de tort a ma Patrie. Les Haitiens, menaces de se retrouver sous le joug d'une puissance 6trangere, se sont empresses de se tailler une part dans la chair vive de la nation, ne se doutant pas que plus ils se montraient avides, plus devait 8tre proche leur assujettissement.Depuis plus de vingt ans, on n'entend plus - 56 - que ces mots : les Yankees sont en route ; pressons-nous de faire notra part, afin d'assurer le repos de nos vieux jours, car c'est ua people d'accapareurs qui ne nous laissera rien; et, avec la force, point de resistance. De la toutes les con- voitises du pouvoir qui ont trouv6 dans l'instabilit6 social des pr6textes de revolutions. Et quand le people, 6claire, s'est d6cid6 A &tre son seul juge, c'est alors que s'est pro- duite l'intervention de Washington. C'est done la perspective incessante de cette intervention qui a Ut6, nous le rep6tons encore, la cause principal de nos malheurs. Les Haitiens, affol6s par ce spectre, n'ont pas eu le sang- froid n6cessaire pour diriger sagement leurs destinees.... I1 s'est done crU5 une nouvelle question pendant que les nations liberales luttent pour les droits des peuples faibles et pour 6tablir dans le monde le regne de la justice interna- tionale. Nul doute qu'elle ne soit rHglee dans le sens des droits des peuples de disposer d'eux-mmes. Et quelles peuvent etre les objections qu'on pourrait opposer a nos droits inalie- nables, pour ne pas accorder au people haitien, repr6sent6 par son elite morale, toute la satisfaction qu'il desire afin qu'il cesse d'etre humilid et assujetti ?Car si ce sont les tra- ditions, les moeurs, les habitudes, les sciences :pratiques, la philosophies, la po6sie, la musique, la religion qui forment les materiaux d'une nationality, Haiti est done une nation. Et de quel droit est-on venu nous imposer un genre de vie en opposition avec ces elements qui servent de base a nos aspirations? Nous n'avons pas la pr6tention d'etre mis au rang des peu- ples superieurs, nous n'avons pas assez v6cu pour cela. Maisde quel droit un de ces peuples sup6rieurs quelconque prdtend- il nous dieter ses lois pour nous forcer d renier tout ce que nous avons acquis de la nature et de l'histoire? Heureuse- ment pour nous, la grande guerre a prouve que la force mat6rielle ne suffit pas et qu'il faut aussi computer avec ces imponderables don't seule la Providence a le secret. Ces forces imponderables 6chappent A la direction hu- - 57 - maine. Les hommes 6tant les instruments inconscients de la Providence provoquent des 6venements qui les assujettis- sent A leur volont6. Ce sont les forces morales plutot que mat6rielles qui dirigent le course de l'histoire des peuples, et que ne saurait arr8ter aucune force materielle. 11 faut done admettre comme loi que les causes de la formation, de la grandeur et de la decadence des ltats ne naissent pas de la volonte humaine. Le.nom m'echappe de celui qui a 6crit ces paroles profondes : c Ce qui ruine l'Empire ottoman, c'est a l'action des forces r6elles et non les plans rumin6s par les K diplomats et les hommes d'ltat; ce qui prouve que les 6a v6nements historiques ne sont pas le fait de l'esprit indi- a viduel, mais bien celui des forces naturelles qui poussent a en avant 1'Nvolution des peuples et del'humanite, soit vers a le progres, soit vers la decadence ,. Les forces materielles d'un lItat seraient, t6t ou tard, la cause de sa ruine si elles n'avaient comme correctif ces forces morales que repr6sentent la justice, le droit et le respect human. ** Comme un individu, une nation n'est pas exempte de p6ch6 lorsqu'il s'agit surtout pour elle de se constituer une vie national qui doit mettre son honneur et son bien-6tre en 6tat d'etre d6fendus avec gloire. Mais lorsqu'elle a atteint cette grandeur, son devoir est de se replier sur elle-meme, de faire pour ainsi dire son mea culpa. II faut que, pour att6nuer les fautes du pass, elle puisse accomplir de grands actes d'humanitd. II faut en un mot que les fautes qu'elle a pu commettre dans le pass soient pour elle des enseignements pour sa conduite future. Mon Ame frdmit A la pens6e qu'apres tant de sang verse, et du plus pur de toutes les races, il puisse subsister encore des questions d'inegalites de races, de peuples sup6rieurs et inf6rieurs, d'assujettissement, de dependance et de violation du droit. Sans doute, la vertu etle savoir restent, pour toutes 58 - les races comme pour toutes les nations, des signed de dis- tinctions personnelles, mais la seulement doivent s'arreter les bornes des inegalit6s, si l'on veut que la paix future soit universellement et sincerement accepted par toutes les races et tous les peuples. Et c'est a ce point de vue que l'illustre homme d'Etat italien, M. Sonnino, a pu dire ces memorables paroles : a Loin de nous toute pensee, non seulement d'op- a pression, mais aussi d'avilissement d'aucune race, d'aucun u 6tat, voisin ou lointain, grand ou petit. Nous visons, au a contraire, a coop6rer a la constitution de cet equilibre ( de force qui est la condition et ]a garantie du respect reci- < proque et des concessions mutuelles, 61ements essentiels d de la liberty et de I'equilibre dans la vie social commune a des individus comme des peuples . * * Il est n6cessaire que les nations liberales sachent que la condition qui est faite au president actuel de la R6publique d'Haiti n'cst rien autre que celle que se proposait de faire au chevaleresque roi des Belges, le chancelier allemand Bethmann-Hollweg ; tant il est vrai qu'il y a beaucoup d'analogie entire la diplomatic de cet homme d'Itat envers les faibles et la diplomatic de M. Lansing. Or, les raisons pour lesquelles ces nations luttent en ce moment pour la liberation de la Belgique et des autres peuples faibles de l'Europe sont les memes qui condamnent la presence des agents de M. Wilson et de M. Lansing en Haiti, et il n'y a pas deux morales publiques. Puisque les soldats de M. Wilson sont encore en Haiti, il faut admettre que les raisons de l'intervention des NItats- Unis dans la guerre europbenne ne sont pas les memes que celles de 1'Angleterre, et nousne nous faisons pas d'illusion A ce sujet. C'est au contraire l'occasion pour nous de dire: la asance continue. Nous avons le droit d'etre inquiets, nous autres Hai- 59 - tiens ; mais nous le serions davantage si nous n'avions pas eu l'engagement des plus illustres hommes d'Itat et des 6crivains de l'Europe de reorganiser le monde sur un pied d'Agaliti absolue entire les peuples, d cause surtout des petits peuples faibles. L'Angleterre, la France et l'Italie, la noble nation latine moderne qui a h6rit6 de la Rome de Caton et de Cic6ron toutes ses aspirations, luttent en ce moment pour le triomphe definitif de la democratic dans le monde A l'intIrieur come A l'ext6rieur de 1'Europe ; et M. Leon Bourgeois, qui est universellement reconnu comme un grand caractrre, a dit: ( que la d6mocratie, c'est, A l'int6- c rieur des nations, la liberty et l'dgalit6 assurees A tous les ( hommes. La d6mocratie dansle regime international, c'est c la liberty et 1'egalite assures A tous les peuples ). C'est I'illustre M. Balfour, I'homme d'Etat anglais, don't l'esprit fait honneur A l'humanitd, qui a dit : ( Les nations doivent Laborer elles-memes leurs chartes de liberty, fondues sur a leurs propres iddes, bases sur leur histoire, leurs tradi- Stions et leurs esp6rances d'avenir ,. C'est I'illustre dcri- vain universe, le v6etran du patrjotisme frangais, qui a dit: , La paix doit 6tre organisde de facon que tout ltat pertur- c bateur soit mis A la raison par la volont6 solidairement a armee des autres Etats . Ces lois protectrices, qui, selon la noble expression de M. Barthou, doivent r6gler l'dvolution de l'humanit6, seront sans doute observes A notre egard par les grandes nations liberales. Et le gouvernement do M. Wilson, pour n'avoir pas voulu comprendre au debut le sens de la guerre euro- peenne, doit rendre compete aux nations libdrales, comme aussi A la parties saine du people des Etats-Unis, de l'action violent de ses agents A l'6gard des homes libres d'Haiti. Et c'est en France meme, pays ou toutes les formes de gendrosit6 se donnent librement course, que iotre pays trouvera le concours le plus efficace pour l'aider A s'affran- chir du joug qui lui est impose par le gouvernement de - 60 - M. Wilson. Car, qu'on le sache bien; Haiti n'a jamais cess6 d'etre frangaise par le cccur et par toutes les former de civi- lisation qui constituent une nationality. CONCLUSION Rien ne peut remplacer l'injustice que la justice; rien ne peut remplacer le droit que le r6tablissement du droit. II n'y a pas de traits, pas de convention ulterieure a la viola- tion du droit qui puisse l6gitimer cette violation et la consacrer. Si le gouvernement de M. Wilson avait besoin d'un trait avec notre pays, que d'ailleurs la situation international de 1'ancien monde lui faisait peut-8tre une obligation d'obtenir, il n'avait, la paix r6tablie en Haiti, qu'a donner l'ordre a ses troupes d'evacuer ce pays, afin que le people haitien puisse, en toute liberty, discuter ce trait. Mais s'emparer preventivement des douanes de la Rdpublique d'Haiti et mettre tous les services publics sous la direction d'une gen - darmerie don't les officers sont la plupart des Germano- Americains, dans un pays surtout oui les sentiments pour la France sont naturellement amicaux et nous imposer une convention pour sanctionner des actes deja accomplish, ce n'est rien autre qu'un accaparement, un a'cte infame, atten- tatoire a la morale publique des peuples... ,Nous n'avons pas besoin de savoir si la convention conclue entire le gouvernement de Dartiguenave et celui de Wilson a Ut6 ou non observe de l'un et de I'autre c6t6, mais ce que nous savons, et ce que tous les honnetes hommes d'Aitat du monde doivent savoir et savent peut-8tre d6j, c'.est que cette convention, extorqude par la violence, est nulle et non avenue, car un contract ne vaut que par le libre consentement des deux contractants. Or Haiti a sign la convention 1'6pbe sur la gorge. Le pays n'a pas Ut6 consult. II s'est courb6 tout simplement devant la force. La violence &tant une cause - 61 - de nullitM pour les conventions qui en sont entachdes, et au surplus, en violation du principle, universellement reconnu aujourd'hui, du droit qu'ont les peuples de disposer d'eux- mgmes, nous declarons a la face de 1'Univers, que tout ce que le gouvernement de M. Wilson a entrepris en Haiti est en opposition formelle avec la majority de la volont6 national. De meme qu'il a paru absurde, dans ces derniers temps, qu'un autocrate pft disposer a sa fantaisie de la vie et des biens de plusieurs millions d'hlommes sans les consulter, il est de meme au-dessous de notre epoque qu'une nation quelconque s'6rige en gendarme pour en chAtier une autre, sous pr6texte que la vie publique de cette autre nation.ne repond pas A ses propres interets. La convention, telle qu'elle est, constitute un privilege en faveur des ltats-Unis, au detriment des interets des autres grandes nations. Or, c'est M. Wilson lui-meme qui a dit : SLes hommes d'I~tat qui ont la responsabilit6 de diriger la a politique de leur pays doivent se rendre actuellement a compete qu'aucune paix ne pourrait reposer avec certitude c sur les relations politiques et diplomatiques bases sur les c privileges accords a certaines nations, au detriment des a autres ). C'est ce mime M. Wilson qui a dit encore : ( Les c Ambricains estiment que la paix future'doit se reposer a sur les droits des peuples, petits ou grands, qui doivent c jouir 6galement de la liberty et de la s6curit6 la plus c absolue et A qui personnel ne peut contester le pouvoir de K se gouverner eux-memes ). Les pays envahis devant Atre 6vacuds par les occupants, il imported, eu dgard surtout A la situation gendrale du monde, que M. Wilson fasse 6vacuer par ses troupes la R4publique d'Haiti, afin que la dernire Chambre, .lue librement par le people, puisse s'assembler librement sous l'Ngide de la Constitution et s'occuper des affaires g6n6rales de la RBpublique. Nous attendons le verdict du monde civilise I 17 octobre 1917. Date Due Returned Returned Due Due r1ATln I I I 9r 4* 1. , TfIlS v HICROFILi,,, " By THE UNiVERSITY Op FLORIDA LIBRARIES, La Republiqued'Haiti et I UGL 327.7294 K39r 3 1262 01125 7374 UNN ERSITY OF FLORIDA LIBRARIES LATIN AMERICAN COLLECTION 17 57 JUL 91997 ,/ |
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